Elle me trahit, elle me quitte.
Elle me chas­se hors d’elle, et me quitte.
Elle s’offre pour me nour­rir, et me quitte.
Elle me sec­oue et elle me quitte.
Elle me torche, me peigne,
Me caresse la plante des pieds, mais me quitte.
Elle  joue avec moi : elle rit, et me susurre : « n’aie pas peur ! »
Mais j’ai peur, et j’ai froid, et pour­tant elle me quitte.
Le soir elle se couche près de moi dans le lit
mais très vite s’échappe et me quitte.
Elle si grande, si chaleureuse, vivante, un nid,
Elle m’embrasse, et chan­tonne, et me quitte.
Elle presse des bon­bons dans mes paumes tendues
« vas‑y, mange », dit-elle, et me quitte.
Je pleure et hurle et m’agrippe à elle;
Je la tiens, je peux la frap­per ; et pour­tant elle me quitte.
Elle ferme la porte sans se retourner,
Je dis­parais quand elle me quitte.
J’attends qu’elle revi­enne, servile  remède:
Puis elle est là et me caresse, puis me quitte.
J’ai besoin d’elle – c’est la mort vivre sans elle –
Elle me prend me réchauffe, et me quitte.
Ses bras sont une cage et ses genoux une maison ;
J’aimerais tant y retourn­er, mais elle me quitte.
Je dois me ren­dre à l’évidence : je ne suis pas elle :
Une étrangère, elle est une étrangère, et elle me quitte.

Dehors il y a le monde, où quelqu’un quelque part  attend !
Toi aus­si, tu trou­veras quelqu’un là-bas à quitter.
Ne regarde pas en arrière. Ferme la porte. Tu sais
Com­bi­en c’est facile d’attendre, et com­bi­en dur de partir.
Cer­tains te fer­ont du mal, d’autres te décevront,
Cer­tains atten­dront, d’autres auront peur d’attendre,
Cer­tains seront à tout jamais ceux qui ne revien­dront pas :
T’offrant leur vie, ils meurent puis te quittent.

 

Tra­duc­tion Marc Delouze

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