On tra­verse un pays de souch­es lourdes
et de sap­ins, les routes ser­rées. Je pense
le blanc par mottes froides qu’un mois
plein n’a pas réchauf­fées. La lumière écrase
les primevères, c’est trop. Trop comme
seul et vite. La route serre plus fort et
tou­jours on se demande ce que veulent
dire par­tir, revenir et sim­ple­ment passer. 

L’oiseau mul­ti­plié déjoue la peur où la
terre s’est tournée. Être ici puis là dans
les branch­es à vif, les verts poin­tus du
retour et si loin la tête, si loin dans l’air
neuf. On rêve encore, pour­tant, d’une
ampoule qui fait noir sur un papi­er de
viande crue – ce qu’on sue nous ignore,
les deux yeux trop vite dans le pare-brise. 

La lumière au devant, tou­jours, et la mort
assez près dans l’oiseau, la cour, le lichen
des troncs, même dans les res­pi­ra­tions lentes
à l’é­tage. La terre s’éboule dans la bouche
et partout. On arrache des images aussi
vaines et ressas­sées que les mottes d’hier.
On s’use à dire ça dans des mots faibles, in-
capa­bles, et peut-être qu’il faudrait se taire. 

Et ces mottes, encore, qui ne sont plus là
mais leur froid tenace – presque un hiver
dans l’œil, plus tardif, et bulle dans le redoux.
L’œil et la pen­sée s’en­ten­dent là où le haut
touche le bas. On retrou­ve à la fenêtre le prix
sûr de l’essence, la gri­saille où tout passe
moins vite. On reste à flot dans peu de chose :
ce présent dévasté ; l’im­prononçable endroit. 
 

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