Brice Bonfanti, Homme foyer

2018-01-26T11:18:37+01:00

 

I

 

Je suis l’Homme au Foyer.
J’entretiens le Foy­er     et son Feu, le Foy­er de son Feu, Feu du Feu.

Je suis l’Homme Foy­er, Foy­er fait chair, fait Homme, Âme en Feu qui fait foi par sa chair.

En Moi, tout con­verge, tout con­verge vers Moi, tout con­verge au Foy­er, tout finit par y ten­dre, trou­ver son Toit, si ten­dre – après l’errance, les acci­dents, les divergences.

En Moi, tout revient, tout revient sous mon Toit, où tout com­mence et tout finit, Je suis l’Homme Foy­er infi­ni, suis l’Humain quand il ren­tre au Foy­er, le Foy­er de tout homme, de toute femme, de l’infini de chaque femme et de chaque homme,
Je suis l’Humain pre­mier, où cha­cun naît tout ce qu’il est, où naît tout ce qui est, puis hors de Moi     devient ce qu’il n’est pas, et puis revient : rede­venir     tout ce qu’il est, tout ce qui est.

Je ne fus pas, je ne suis pas ni ne serai, jamais, de ce monde, mais du milieu du monde :
Je suis Fidèle.

Je suis Fidèle à l’infini     du monde, au milieu infi­ni de ce monde, ce monde     qui peut être Fidèle mais mal, malaisé­ment, exceptionnellement.

Je le sais, mais je dois le nour­rir le Foy­er, et Je dois et Je veux : ali­menter le Feu.

Fidèle à la Fidél­ité, bien soumis à sa Loi néces­saire de vie qui libère, à la Loi du Foy­er que Je suis, Loi bâtie par une his­toire intem­porelle, que J’ai bâtie, qui m’a bâti,
J’hérite.

Je suis l’héritier de ma Loi, et héri­ti­er de ma Fidél­ité, héri­ti­er du Foy­er que Je suis, Je dois et Je veux : ali­menter le Feu, mon Feu, le Feu donné
à tout ce que J’aime.

 

II

Mais tout ce que J’aime
ressent un appel dans le monde au dehors, sort là hors, inéluctable­ment, et nécessairement.

Autour de Moi, ou hors de Moi, tout vit et meurt – en vain.
Moi Je demeure.

Et souf­fre
car tout ce que J’aime     sort là hors, vit et meurt hors de Moi.

Mais qui vient se chauf­fer au Foyer
aus­si demeure
avec Moi.

Je ne suis pas en paix, jamais, car tout ce que J’aime     sort là hors.
Je ne suis pas en paix : Je suis la paix.

Et par­fois me parvi­en­nent     de tout ce que J’aime : des mots, des luci­oles par­mi le chaos     du monde d’appétits, du monde appétis­sant qui rapetisse.

 

III

Par­fois, par la foi et le feu qui s’imposent à Moi,
Je dois fer­mer toutes les portes du Foy­er, tou­jours ouvert :
les fer­mer au chaos des faux mots, qui font les beaux ;
les fer­mer aux tour­ments diver­tis­sants, petits ou grands, tou­jours petits vus du Foy­er, et tout jour plus petits.

Et une fois fer­mées     les portes du Foy­er, Je me sou­viens : d’où vient la rad­i­cal­ité à la racine qui m’habite.
Je ne suis pas en paix, Je suis la paix, le papil­lon, qui aperçoit et qui devine là au loin : la brûlure des flammes du Vrai.
Et la brûlure, ultime, m’intime à la dis­tance vis-à-vis de cette absence     de tout ce que j’aime – qui vit là et meurt là au dehors –, cette absence passée, présente, à venir
– pas finale :

La présence est la seule finale.

Et ain­si entre en Moi : le lien – entre Moi     et tout ce que J’aime :
Je Nous sais
et Nous espère Nous.

Et une fois fer­mées     les portes du Foy­er, J’en reviens à Moi-même.
Et dans ma soli­tude, et dans sa soli­tude, dans celle-ci de celle-là, Je recherche la lumière du silence
que J’essaye de faire par­ler : Je lui donne mes mots à manger, Je lui donne nos mots à manger, pour voir ce qu’il me rend.

Les mots mâchés et digérés par le silence
sont un miracle
libéré des com­merces, des com­mu­ni­ca­tions, des opinions,
et proche enfin de la Parole du Foyer.

C’est la Parole du silence.

 

IV

Et Je suis fier
de tout ce que J’aime, qui vit là et meurt là hors de Moi, mais qui porte en son coeur au dehors le Foyer,
qui revien­dra, inéluctable­ment, et néces­saire­ment, renaître auprès de Moi.

Et Je suis fier de sa Promesse – qui est tenue, chaque jour, sera tenue, chaque futur, bien mal­gré ses détresses.

Car si tout ce que J’aime     sort hors du Foy­er – pour le moment –,
tout ce que J’aime,     finale­ment comme au commencement, 
vient du Foyer
que Je ne suis pas seul à être et à nourrir,
que Je ne suis pas seul à être, mais que Nous sommes Nous, Moi et tout ce que J’aime, à l’origine, à l’avenir :

Le Foy­er vient de Nous.

Mais si Nous se défait – pour un moment –
dès que tout ce que J’aime sort hors du Foyer,
si Nous se défait,
c’est Moi seul qui main­tient le Foy­er, ali­mente le Feu.

Mais quand Je sor­ti­rai, à mon tour, du Foyer,
c’est tout ce que J’aime
qui sera le Foyer
main­tenant     seul le Feu
qui sera tout     ce que J’aime au Foyer
           qui sera tout Foyer.

Présentation de l’auteur

Brice Bonfanti

​Brice Bon­fan­ti, œuvri­er. Né Frigau en 1978, Avi­gnon. Sept ans con­ser­va­teur des man­u­scrits de Stend­hal à Greno­ble. Depuis l’an 2000 à Milan, écrit en pre­mier lieu l’un après l’autre des Chants d’utopie, et les dit en pub­lic. Un chapitre par Chant est audi­ble sur son site : www.bricebonfanti.com. Les Chants d’utopie sont pub­liés aux édi­tions Sens & Ton­ka, par cycles de neuf Chants.

Col­la­bore aux revues Nunc, Phoenix, L’Intranquille, Sar­razine, Recours au poème, La Revue des Archers… 

 

 

Textes

Brice Bonfanti

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