Des femmes du vil­lage s’assem­blent autour du puits à l’aube
lavant plats, vête­ments et draps, puis revi­en­nent en hâte
pour cuisin­er avant le lever du soleil. Elle, avec un seau d’eau, s’éloigne
de la foule, pour laver une pile de plats — de la fine porcelaine
léguée par sa mère. Elle lave. Une assi­ette de plus
chaque jour qui passe vers la pleine lune. Une de moins jusqu’à
la nou­velle lune. Elle compte les jours. Attends. Reviendra-t-il?
Chaque nuit elle revoit ce moment -
“Tu aimes ça, Poupée?” Son corps au-dessus du sien, elle en-dessous,
calme, comme si d’ou­vrir la bouche pou­vait bris­er le charme.
“Da Guo se marie aujour­d’hui”, mur­murent-elles près de l’eau.
Ses plats de porce­laine font un plouf dans l’eau, se brisant entre eux
l’un après l’autre, des domi­nos cas­sants. Elle ne les ramasse pas
mais se hâte vers la mai­son,  les draps non lavés -
demain, il  ne sera pas trop tard. Elle change de vête­ments, se coiffe,
saisit un panier et court. Le jour se lève maintenant,
le blé sur les côtés de la route est plus grand que son corps. Elle veut regarder. Le mariage.
Le voir avec sa femme. De ses pro­pres yeux. Sans jalousie. Puis
retourn­er à la mai­son, écouter le bruit de la porce­laine qui se brise.

 

(traduit par Mar­i­lyne Bertoncini)

 

 

Women from the vil­lage gath­er around the well at dawn
wash­ing dish­es, clothes, and bed­ding, and rush back
to cook before the sun ris­es. She, with a buck­et of water, steps

away from the crowd, to wash a stack of plates— fine china
left by her moth­er. She wash­es. An extra plate
each day towards the full moon. She wash­es. One less until

a new moon. She counts days. Waits. Will he come again?
Each night she sees again that moment—
“You like this, Baby?” His body above hers, she’s below,

qui­et, as if open­ing her mouth would break the spell.
“Da Guo is get­ting mar­ried today,” they whis­per by the water.
Her chi­na plates splash into the stream, break­ing each other

plate after plate, like brit­tle domi­noes. She doesn’t pick them up
but hur­ries home with the unwashed bedding—
tomor­row won’t be too late. She changes clothes, combs hair,

grabs a bas­ket and runs. Time now becomes clear,
road­side corn is taller than her body. She wants to watch. The wedding.
See him kiss the bride. With her own eyes. With­out jeal­ousy. Then

head home, lis­ten to the sound of chi­na break­ing into pieces.

(Trans­lat­ed by Katie Far­ris with the author)
 

 

 

瓷月亮

天不亮,村里的女人们就围在井台边
洗碗,洗衣,洗床单,然后在太阳出来前
赶回家做早饭。她提了一桶水,到最旁边
蹲下,洗一叠盘子。这些是母亲早年留下,

她每天用来放水果,蔬菜,面饼,晚上

点蜡烛的细瓷盘,每天多一个,直到满月,

再每天少一个,直到新月。她盼他又害怕

去找他,每夜放电影一样回味那一次——
“喜欢吗宝贝?”她在他身下,不敢回应,
仿佛一开口梦就会醒来。长期独处,
她不习惯这样的亲密。“大郭今天成亲……”
井台边窃窃私语。盘子哗地流进水沟,
多米诺骨牌一样倒下,一个砸碎一个。
她没有去收拾,而是提起还没洗的衣服
急忙回家。这些东西明天再洗也不迟。
她匆匆换衣梳头,然后挽起一个篮子出门。
时间突然变得清晰起来,路边的玉米
一人多高了。她要赶去婚礼,亲眼看他
吻他的新娘。她要强迫自己一点也不嫉妒,
然后回家,每天听那些瓷盘摔破的声音。

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