Les osse­ments comme des pirogues. Les fos­s­es comme le ven­tre crevé des étoiles. Der­rière la sur­face, les collines ont quelque chose de ta peau, de ton épaule, de ton pouls, de tes incer­ti­tudes. Tout ce qui sert à habiter la durée est un ruis­sèle­ment sur les cartes, les astronomies. Je ne saurai dire pourquoi. Pourquoi la jeunesse sem­ble si loin. Pourquoi les pol­lens et les fruits n’ont plus la même couleur. Pourquoi nous n’allons pas à l’essentiel. Pourquoi nous nous per­dons. Les con­ti­nents sont des dessins où nous dilu­ons nos silhouettes. 

Je remonte la rue. Je ne prends plus l’allée le long du canal. Des rêves y sont morts. Des rêves ont rejoints l’accidentelle pâleur de la vase. Je cherche mes clés dans ma poche. J’ai l’impression d’avoir été vain­cu. Les arbres devant la route sont tou­jours aus­si beaux. Il suf­fit d’un rien pour s’enfermer dans la beauté. C’est peut-être parce que mes jambes sont lass­es de trains, de plages, de ver­sants incol­ores, que j’aspire au som­meil. Les pier­res ici et là me font penser à des mères figées dans l’évidence et la perte de leurs fils. La rue où je vis rend des sons de gui­tare. Nous ne sommes rien d’autre que de faux hasards dans une cage de verre. La soif, les sec­ouss­es, les mau­vais­es étoiles, le large, tout cela entre dans les bouch­es de ceux qui passent sans se ren­dre compte de la rectitude.

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