à Serge Lunal

   Muss es sein ? Es muss sein
   Lud­wig van Beethoven
   sur la par­ti­tion du quatuor pour cordes n° 16
   en fa majeur opus 135

   La pour­suite de  la lumière
   Giuseppe Ungaretti

Une couleur.

La lumière
ou le monde.

Cela doit-il être ?
Cela est.
Une couleur,
c’est être
au-dedans.
Une couleur
et au-dedans,
il y a
la lumière
ou le monde.

Une couleur
est à la lumière.
Une couleur
est au monde.

Le peintre
se penche
sur une couleur ;
traversé,
il porte la lumière.
Et ce n’est que le monde,
que l’in­stant d’être ici
ou là.
Ou là-bas.

Le pein­tre
porte la lumière.
Dans la matière
épaisse,
profonde,
pressée
d’une couleur.

Il danse
autour.

Il y a
la pour­suite de la lumière.

Un rond de couleur
découpe un espace.

Sur le grège,
une autre couleur
vive,
soudaine.

Le pein­tre est là,
sur les bords,
en retrait,
der­rière une couleur
vive,
répétée.

Dans l’an­gle mort
d’une couleur,
il est là,
ou là-bas,
dans cette tension
de venir à la lumière,
de venir au monde
d’apparaître
et de disparaître,
mais au coeur battant
d’une couleur.

Il tourne
autour d’une couleur,
en retrait,
les mains dans la peinture
épaisse,
profonde,
pressée.

Déjà la lumière
est autre.
Le monde
est autre.
Il n’y a pas de mort
dans le monde

dit  Arseni Tarkovski.

Dans un rond de couleur,
le pein­tre pour­suit la lumière,
le peintre
ne s’absente
jamais
de l’inconnu.
De ses mains,
il serre l’inconnu.

Dans un rond de couleur
vive,
répétée,
de lumière,
de monde.

Où porter
son regard.
Où passer
la peinture.
Où arpenter
un espace :
Essayez de regarder les choses
que vous ne voyez pas,
et vous ver­rez des lignes lignes,
des corps corps,
des couleurs couleurs 

dit Car­lo Michaelstadter.

Il n’y a pas ici
lieu d’adieu,
il y a ici,
il y a là,
il y a là-bas
dans un seul rond,
le peintre
éveille
une couleur
puis une autre
et peint déjà
le regard
en regard
d’une vie
tracée
à l’in­stant même
de la peinture.

Dans le rond de couleur,
suf­fit peut-être
une source de lumière.

Adossée à l’immédiat,
la couleur,
lumière
ou monde,
est la patience
de l’obscur
ou
du commencement.

La couleur
porte le nom de lumière
ou de monde,
elle n’é­carte rien.

13 févri­er 2012 — 9 avril 2012

© jean gabriel coscul­luela, sep­tem­bre 2012

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