Jean-Marc Sourdillon, Poème du premier janvier

2017-12-30T00:28:38+01:00

 

Jeanne est née et il neige sur la nou­velle année.
J’efface la suie du cha­grin sous tes yeux.
Quand tu es triste, tes yeux seuls grandissent
au-dedans. Il n’y a pas de fleurs dans la maison.
Au marché nous n’avons pas pensé
à acheter du mimosa. Ce sera pour l’année prochaine.
Des nuages glis­sent sur la table et tu pass­es un linge
dis­traite­ment pour les faire partir.
Je ne voulais pas te faire de peine ; encore moins
ce jour-là. Je ne peux pas te le dire
mais tu es belle dans ta robe noire.

 

Jeanne est née avec la neige
et à ceux qui me deman­dent de ses nouvelles,
je dis qu’elle a l’âge de la neige.
Dis­ant cela, je sais, je mens.
C’est nous tous, depuis sa naissance,
qui avons son âge.
Tout est révélation
pourvu qu’on sache le pren­dre à l’état naissant.
Or l’âge venant, nous avons plus de mal
à préserv­er l’innocence.
Mais nous, du moins, avons cette chance
d’avoir ses yeux posés sur nous.
Jeanne, tu es le commencement

 

Il neige à nou­veau sur le pre­mier janvier.
Nous ten­ant par les doigts,
nous souf­flons sur la vit­re gelée.
Regarde ton cha­grin, ce que nous en avons fait :
un jardin plein de neige.
Nous n’avons pas oublié le mimosa
cette année. Inutile d’allumer,
il éclaire tout seul la maison.
Ma main sur la tienne nous effaçons tous les deux 
la buée sur le carreau.
A la fenêtre une seule ombre se penche
pour mieux voir la neige tomber
et d’entre les flo­cons s’avancer
vers nous dans la nuit finissante
le souf­fle et les naseaux de la nou­velle année.

 

Nous n’avons plus peur ni d’elle ni de nous à présent.

 

 

Dix sec­on­des tigre, L’Arrière-pays (2011)
 

Présentation de l’auteur

Jean-Marc Sourdillon

Jean Marc Sour­dil­lon est né en 1961.  A pub­lié des livres poétiques :

  • Les Tourterelles (La Dame d’onze heures, pré­face de Philippe Jac­cot­tet, encres d’Is­abelle Ravi­o­lo, 2009).
  • Les Miens de per­son­ne (La Dame d’onze heures, pré­face de Jean-Pierre Lemaire, lavis de Gilles Sack­sick, 2010),
  • Dix sec­on­des tigre (L’Arrière-pays, 2011),
  • En vue de naître (L’Ar­rière-pays, 2017),
  • La vie dis­con­tin­ue (La part com­mune, 2017),
  • des essais et des nou­velles, Les voix de Véronique (Le Bateau Fan­tôme, 2017).

A traduit María Zam­bra­no et édité les Œuvres de Philippe Jac­cot­tet dans la Pléiade.

Jean-Marc Sourdillon

Autres lec­tures

Jean-Marc Sourdillon La vie discontinue 

Exal­ta­tions et angoiss­es, heurs et mal­heurs, fureurs et silences, émer­veille­ments et déso­la­tions : la vie « dis­con­tin­ue » peut nous faire pass­er, on le sait, de charybde en scyl­la. Dans huit textes […]

Chronique du veilleur (42) : Jean-Marc Sourdillon

Le pre­mier livre de poèmes de Jean-Marc Sour­dil­lon, pré­facé par Philippe Jac­cot­tet, Les Tourterelles (édi­tions La Dame d’onze heures) avait obtenu en 2009 le prix du pre­mier recueil de […]

Jean Marc Sourdillon, L’unique réponse

La vie dis­con­tin­ue. En vue de naître. Les titres des derniers recueils de Jean Marc Sour­dil­lon, pro­gram­ma­tiques, sem­blent men­er tout droit à L’unique réponse avec une force tran­quille, une […]

image_pdfimage_print
Aller en haut