Homme chargé d’ans
rendu au creux du tamis de la vie
ouverte
pour la travailler
tu marches
corps épuisé par les habits neufs de l’immigrant
dans le crépuscule qui ensanglante le ciel
tu as la vue
yeux lavés de larmes
barrée par le mur de l’espoir
&
Sans but
sans mesure
tu cherches
front marqué de rides
et corps devenu toujours plus volontaire
à sortir
de l’œil obscur de la vie enfilée
&
Cœur agité comme la mer houleuse
tu te dépêches
pour ne pas perdre la volonté
d’aller au devant de la mort
tu avances
au-delà du possible ouvert
au-delà de la frontière
où tout ce qui t’arrive ne peut être que bien
&
Perdu
vue perdue
faute dans les yeux
à force de regarder le monde espéré
dans l’obscur chemin de la nuit
tu écoutes
bruits éteints
l’amour refroidi des hommes
qui te laissent dans l’oubli
&
Éveillé
goût de sang sur la langue
par la dureté du lit
tu attends
vivant dans l’inconfort du camp
la lumière du jour brisée en mille morceaux
&
Enchaîné pour penser librement
tu entends sans fin
coupe de la patience débordée
les sanglots des milliers en détresse
laissés engourdis
sur les cotes de ton pays
&
Cœur privé de lumière
laissé sans confident
tu ne penses
coupé du reste du monde
à rien
tu n’espères
inquiet pour le lendemain
en rien
&
Isolement dissipé
par les points d’appui trouvés dans le souvenir
tu te délivres
noms des tiens sans cesse évoqués
de l’existence
pour remplacer
sous le ciel abaissé
le jour de désespoir
par le jour d’espoir
&
Homme de rupture
installé dans le regard des hommes bercés par la pensée confortable
tu attends
replié sur toi-même
des cœurs plus humains que le tien
tu nais
vieux de ta vie
de ta vie détruite
&
Dépassé
dans l’exil
par toi-même
tu fends
dans les jours perdus aidés par les jours qui viennent
l’avenir
&
Loin
sourd à tout et ignorant de tout
du rempart de tes proches
tu trouves
silence modelé par le temps effacé
l’immense fatigue
des hommes en proie à l’illimité
&
Passé tenu pour rien
tu ne regardes
rêves morts restés morts
que devant toi
Pieds posés sur les échelons nouveaux de la vie
tu fais
yeux fixés sur l’horizon
table rase
&
Homme à sentir
Homme à changer
le présent de l’exil
tu deviens
au sortir du passé
présence agrandie
présence étendue