Marcher
Chercher le lieu où déposer son cri
cet enfant non enfanté
Marcher encore porter le poids gravide d’une nécessité
Chercher où accoucher de ce cri
au creux d’un arbre à l’angle d’un champs sous une pierre
là où le cri pourra germer grandir
Se connaitre soi même
Mais d’abord fouiller en soi
Pas prêt à monter des entrailles
le cri
Pas prêt à se jeter à la gueule des oui de convention, d’éducation, de tradition
Cri étouffé dans la gorge interdit devenu nodules de chair
Cri ligoté par la peur de lui-même
Marcher encore Monter le sentier vers le cimetière Chercher
Peut-être creuser un trou
Y déposer le cri qui n’ose pas l’oreille ni le regard de l’autre
Il y a eu le cri non crié
à l’heure de la perte de la mort de l’abandon
de l’injustice du déni
Non pas ce cri
cri de plainte de douleur victime
Fouiller sous les couches censurées
Cristallisées Fossilisées
Exhumer le cri
sauvage indompté irrépressible
la part de liberté intime
inaliénable
celle qui ne transige pas
La part de l’oiseau
à nul désir saisissable
Question de survie
Terrible mise à nue qui nécessite le secret
Cri enfermé dans les tissus internes encore muet
Et qui se prépare à éclore
Cri en arme et en amour
à l’heure où la bouche décousue
s’apprête à lui livrer passage
mais aujourd’hui
c’est trop tôt
demain peut-être ?
au lever du jour
«Echancrure» quelque chose qui se révèle (échan)
et qui aussitôt se resserre pour ne point trop montrer (crure) »
François Cheng
Entre
C’est le blanc d’un espace traversé un jour de printemps
Mise en abîme à la brisure de l’églantier
Son pétale froissé
Entre-
Lacer le désir à l’ombre complice
Entre-
Bailler la chair du visible
Entre-
Couper l’attente d’un éclat solaire
Marcher
froissement d’herbe sèche
Il est dix heures
Le moment n’est pas encore venu
de la plénitude du jour
de la chaleur blanche
qui débordera bientôt la marmite du ciel
Entre
deux regards
bleus et aveugles
l’ouverture du souffle
égratigné à l’échancrure de la falaise
Entre-
d’eux
Tout ce qui échappe
Refuse de se dire
Agacement de mouches
Bourdonnement de voix sur la terrasse
Bruit de cuisine
Entre
les lignes
l’oubli des mots jetés aux monstres invisibles
Le regard vagabonde sur les versants
fièvreux
en quête de
Mirage ébloui,
floraison spontanée
Silhouettes à la verticale de l’herbe
Lente avancée onirique
et puis
l’effacement
elles emportent sous leurs pas le vide du champs
À nouveau l’attente
entre
Entre
deux mots
l’élan de l’écriture
Son désir en marche
Sa chute dans le
______________________rien
Tout se joue là
entre
ce rien
glauque
épais stérile
vain poreux
Résister à l’envie de se lever de fuir
de boire un café
de marcher encore dans le champs
Se colleter au dur de l’écriture
son refus
Presser le ventre la gorge les entrailles la surface de la feuille
Presser les mémoires et les récoltes du jour
Presser l’instant présent
jusqu’à ce que le sang coule
que la surface se fissure
que les mots adviennent —
même déviés de leur cible malhabiles recouverts de plasma
Rester
entre
où git le silence gravide
où s’origine l’élan
Joie peureuse
Bruissement de l’intime
(Pentecôte 2014 les petits toits du monde Atelier avec Jean de Breyne)