Je me sou­viens bien de ma mort.
C’é­tait un jour très bleu de courte bise

avec des seins glacés,
un jour comme on n’en fera plus jamais
où même les voitures se sont tues
et où per­son­ne n’a pen­sé : la terre arrête, mais
c’est loin et bien loin, tout
ça.
Je ne me sou­viens plus que de ma mort,
quand je pense à ce jour,
mais je cherche tou­jours dans mes papiers,
dans mes agen­das, dans mes livres,
dans la musique qui racon­te mieux que moi,
et arrêtez de m’ap­pel­er puisque je cherche!

 

 

*

 

Que seras-tu dans quelques temps quand tu ne seras plus rien
quand tu ne seras même plus le songe, le combat 

d’avoir cru
ni le regret de n’avoir pas vraiment
pu croire,
et pas seule­ment un corps don­né à la science
et pas seule­ment une manière de nourriture
pour les rats et les vers,
dont tu as hon­teuse­ment répul­sion aujourd’hui?
Où sera-t-il ce moi si envahissant et vide,
qui aspi­rait le sable, les amis, les cail­loux et les livres?
Il devien­dra peut-être un phénomène astro­physique encore ignoré,
une sorte d’on­du­la­tion dans l’espace,
un grand dia­logue pareil,
au vent des femmes sim­ples et naïves,
quand elles passent leur cerveau, leur matrice et le reste
au signe de la sainte et pauvre
trinité..

 

 

*

 

Faites un petit trou dans la glace.
S’il n’y a pas de glace, faites un petit trou dans le noir.

Du noir, il y en a partout.
Creusez partout.
S’il n’y a rien, creusez nulle part,
et si le monde continue,
plombez les petits trous.
Cherchez ailleurs.

 

 

*

 

Je n’ai plus besoin de bonheur.
Le bon­heur a eu lieu, ici et là,
sou­vent très loin,
mais j’ai par­fois nagé dedans.
Je n’ai plus besoin de bonheur.
J’at­tends autre chose.
J’ai rangé mes palmes
et mon masque.
On me demande qu’attends-tu ?
J’é­coute la question.
On me répète, en s’énervant tu attends quoi ?
Je regarde la terre avec la sci­ence du chagrin.
Je n’ai plus besoin de bonheur,
car le bon­heur, c’est autre chose.

 

 

*

 

 

Je suis un san­gli­er, mon copain me l’a dit,
je reni­fle d’ailleurs tout près de la terre
Mon copain me jette des truffes, des noix, des colères,
et je dévore avec un gros sac de
cra­pu­leries. C’est délectable.
Avec mon vieux copain, je danse des tangos,
mais jamais sous la lune,
J’au­rais trop peur du monde noir.
Je suis un sanglier,
Mon copain me l’a dit,
je l’adore, ce vieux copain.

 

 

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