Les sanglants aus­pices, que tu t’acharnes lev­ant les yeux à déchiffr­er sur les plaies natives de l’aube, ne dévoilent pour­tant leurs arcanes, scin­tille­ments rubis, qu’aux mares atten­tives et au bac en fer blanc der­rière la ferme, dont les sur­faces frémis­santes reflè­tent aux rouges-gorges l’image de l’agonie.

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Ton prénom n’aura été pour deux print­emps qu’une indéchiffrable cha­rade dic­tée aux fées par la mal­ice et dont la clé résidait dans une amande encore verte, mais qui per­mit de fiancer ma ruse et ma patience.

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L’hiver qui serait tombé sur tes cheveux m’eut plus frap­pé que la force géologique dont témoignent tes yeux si moi aus­si je n’avais déchiré la neige sur les épaules du ciel quand se défai­sait mon his­toire en loques.

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La battue de tes cils por­teurs de cette gloire que je désire faire, pour­rait bien trou­bler l’eau de la fontaine où fond ton œil.

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Aus­si seul que je pou­vais être, et aus­si éloignée de moi pou­vais-tu être, ton exis­tence a soutenu la souche de mon épaule quand flétris­sait l’automne, et alors même que de fourbes ronces bal­afraient de leurs épines ta jambe en porce­laine, et y peignaient au sang de fines nervures végétales.

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Si tu n’étais pas celle qui veille l’heure jaune, où glanent les fidèles des restes de sain­teté, j’aurais sûre­ment ten­té ma chance à l’orée de tes yeux pour y récolter la rosée lucide.

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Tu pour­rais chanter, sans même respecter la gamme que réclame ta noblesse de hameau, mais tu restes muette, lais­sant à la lumière le soin de tran­scrire sur les feuil­lées ta beauté plus par­lante encore.

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Chevauchant la nuit domp­tée par ta res­pi­ra­tion, j’épie les bat­te­ments si étrange­ment rapi­des de ton cœur, aux­quels je recon­nais à chaque fois une fasci­nante qual­ité animale.

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Si j’avais pu imag­in­er si fière com­pagne de ma pro­pre race à mes côtés, quand la peur dévo­rait et la ruche et l’abeille et son miel, jamais je n’aurais choisi d’exposer autant ma demeure, ma chair et mon sang, puisque aujourd’hui je me dois tout entier à ta personne.

 

 

 

(extraits de L’Aube Ani­male, 2007–2011, inédit)

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