« L’amour divin seul octroie les clefs de la sci­ence. Je vois que la nature n’est qu’un spec­ta­cle de bon­té »*, écrit le poète qui n’a pour allumer le feu de son chant qu’un peu de paille fraîche et odor­ante à se met­tre sous la dent.
Bien trop jeune ou trop vieux pour se laiss­er enfer­mer par la mère à l’œil som­bre qui ne veut pas d’un fils fou à lier comme une gerbe de sei­gle moite ou un cow-boy de pacotille oublié dans le bois par ses cama­rades, un soir de carnaval.
Elle ne cédera rien, pas un pouce d’orage. Lui non plus, pas une miette de soleil. Per­son­ne n’entendra per­son­ne ! La sai­son restera repliée sur elle-même, un été scan­daleux dans la horde des vies petites et malades. Le noir s’emparera de la robe étroite, un point final dans les moissons. La tête rasée cogn­era les murs de chaux, jusqu’au désert, jusqu’à la case de l’Ethiopienne, jusqu’à la civière dess­inée comme un dra­peau blanc, jusqu’à l’amputation, jusqu’au port. Car il tient tout du Livre à la tranche vert chou* et invoque par-dessus les toits la lib­erté libre qui ne touche l’homme qu’au seuil de l’Amour ou de la mort. Il cherche sans relâche, au-delà de lui-même, le Père, cen­tre de toute gravité.
     Le poète à genoux qué­mande l’eau, l’onction, l’haleine chaude de l’Aimant. Et puis, il oublie.
     Il passe à tra­vers le print­emps, la vit­re, le mur, le bruit. La cer­ti­tude de sa nais­sance flotte comme un bais­er ou un nuage échap­pé d’une paume entrouverte.
    Cepen­dant, à peine atteint-il la mer, il plonge, se retourne dans ses larmes. Vêtu de ciel et de par­don, il se laisse emporter par le salut roy­al de la Lib­erté : «Vous ver­rez le ciel ouvert et les anges de Dieu qui mon­tent et qui descen­dent au-dessus du Fils de l’homme.»**

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*Arthur Rim­baud

**Jn1, 51

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