La nuit des forêts n’est pas le pau­vre symbole
D’une orig­ine opaque ou d’un ancien mystère
Avant les hommes,
Quand les vents dia­loguaient avec les ombres
Et la mer et le soleil se concertaient.
Avant nos voix, nos vies, nos ques­tions, nos prières,
L’univers déjà abri­tait ses origines
Comme un feu. D’un berceau l’autre, il veillait.
Les jours s’ignoraient frères
Et la nuit n’entendait pas l’écho de la nuit.
Puis la terre parut pau­vre à la terre ;
Alors, l’ombre cher­cha, la clarté chercha
Et tout fut miroir : la mer recommencée,
Le désert affil­ié au désert, les continuités
De la pluie, le vent qui revient.
Les fils des fils furent des arbres.
Que déci­da la mon­tagne ? Enfanter.
Et les rochers, la sève et l’eau, la glace et la boue, l’herbe et les vagues
Résonnèrent.
Des mil­lions de nuits passèrent.
Nous, neufs, nat­ifs de nulle part, nés pour nuire
Et hon­or­er, quelle étoile ou quel buisson
Nous a par­lé en pre­mier ? Quel sable a sem­blé proférer ?
Quel soleil, quelle averse ont décrété leurs lois ?
Les mots étaient autres mais c’étaient des voix.
Impuis­sants mais avides,
Nous avons con­voité les paroles d’un monde
Qui bruis­sait et ton­nait avant nous.
Alors, nous avons fendu l’univers : vent, eau, terre et feu,
Nous avons cru dans la tyran­nie des racines
Et les châ­ti­ments de la pluie : le fra­cas des branches,
Les rochers écroulés, les falais­es qui s’effritent,
Les fruits qui tombent, les fleurs qui fanent,
L’aridité, l’hiver de neuf mois ; dans les cavernes,
La pierre qui se lisse et les éclipses :
Tout devint signe ardent, men­ace et rétribution
De ce que nous avions fait. A l’univers, nous avons uni nos vies,
Tressé nos jours dans les sur­sauts de la lumière,
Soumis nos saisons à la force des feuilles.
Nos cœurs se sont liés à la forme des nuages,
Nos fatigues cristallisées dans l’éclat de la lune
Et jusque dans la nuit des forêts, nous avons perçu
L’oppression des ombres
Qui ne veu­lent rien de nous.

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