DÉPLOIEMENT

 

La tête en espoir de fulgurance
Est penchée sur l’implacable ouvrage
Dans la cham­bre que réchauffe parfois
Le foy­er de la rigueur

Au plus près d’une haute couleur
Se glane la faveur des repères
Qui s’échappent de la toute-présence opalescente
Recou­vrant l’arrogance du réel

Mais une par­tie du vieux rebord
– Défense con­tre les ténèbres pour­tant à défricher
Puis à déchiffr­er peu à peu –
Vient d’être dis­soute par l’eau stellaire

Alors à la proue de toi
Les plus vul­nérables cer­ti­tudes tombent en poussière
Dis­séminée sur l’océan des mondes
Les nuages des journées blanch­es se déchirent
Et dans la trouée les cieux s’enroulent
Autour de la per­le du feu suprême
Enfouie au cen­tre du silence

 

 

 

L’AUBE INVERSÉE

 

Adoucisse­ments et frissons
Entours qui s’effacent peu à peu

Nos défaveurs vont-elles aller en s’amplifiant
Dans le jour corrodé
Alors que le cré­pus­cule tisse sa toile ?

On s’attarde sur la margelle de l’ombre
Et la nuitée pointe son mufle
Or même si l’incertain menace
D’englober toute délectation
Nous voyons s’entrouvrir avec délicatesse
L’huis de l’envers
Et l’écart paci­fié nous tendre
Une main satinée

À la brune nos désirs sont affinés par le gris
Et dans l’aura d’une lampe
Vite couron­née par des phalènes
Vien­nent fusion­ner pour impulser un élan novateur
Les très advers­es reflets

Mais déjà aux pro­fondeurs nigres­centes des forêts
Les mys­tères affû­tent leurs questions

 

 

NON À LA SUPPLIQUE DU RETOUR

 

Il n’est pas trop tard pour briser
La ser­rure qui depuis si longtemps verrouillait
L’enceinte sur­mon­tée de piques ensanglantées
Empris­on­nant les effluves des bienfaits
Ils s’impatientaient déjà prêts à jaillir
Sur ces journées croupissantes

Ne t’assoupis pas la vivac­ité n’est pas tarie
Ni les routes escarpées vers le regain
Ten­dresse d’un des­tin tis­sé pour­tant d’alertes

Ouvre ta paume à la rosée de la patiente
Nue étoilée
À fleur de souf­france et de contraintes
Évince les tumultes saccadés
Mal­gré leurs attraits vite devenus délétères

Les préve­nances enser­rées dans des lam­bris d’opaline
Ne sont plus hors de portée
Trans­fig­ure leurs fluc­tu­a­tions en passe-temps

Désor­mais tu as droit à une aide vigilante
Celle de l’invisible compagnon

 

 

 

DÉCISIF

 

Tou­jours mal étreinte l’énigme de vie
Ne se con­sume pas même à l’approche des faîtes
Et ces faits s’engravent dans la fange du mutisme
Ou s’éparpillent lorsqu’advient
La défla­gra­tion de soudaines idées

Feuille qui offre son jaune ardent
L’automne agence ses retraites poignantes
L’hiver arrache par­mi les fumées des copeaux à sa saison
Le print­emps con­stru­it une chape qui fris­sonne de surabondance
L’été croise des lames fulgurantes
Sa coupe canic­u­laire déborde
D’une écume qui m’éclabousse
Alors qu’en tout temps la mort bous­cule son contraire

Cesse d’errer d’effleurer les aspérités des discordances
Tourne désor­mais ton regard vers l’ici
Qui con­cen­tre des vastitudes
Et jumelle-le avec un maintenant
Ruis­se­lant de défini­tives succulences

 

 

 

L’ATTENTION IMMÉDIATE

 

La pente s’est inversée
Et le cam­panile de la quié­tude resurgit
Les formes pétri­fiées se met­tent à trépider
Elles sec­ouent leurs hard­es de tristesse

Voici donc que la coquille du sommeil
Main­tenant brisée laisse se répandre
Des prodi­ges opportuns

Le sur­croît sèche­ment retombe
Lui aus­si s’est usé con­tre l’immobile
Pour­tant un âge fastueux reste entier
Il se blot­tit dans la sou­p­lesse de plénitude
Et à la dérobée il se rap­proche d’un très aimable désert

Ce qui doit paraître dans la grotte centrale
Sur­mon­tée d’une tour qui grandit
Aura la net­teté du tran­chant en alerte
Épée de soleil pour essarter nos nuits
Les plus inten­sé­ment ténébreuses

Plonge sous la sur­face d’une délivrance peut-être éphémère
Pour échap­per aux har­pons des apothéos­es qui s’étiolent
Et dont les dégâts empreints d’événements racornis
Lèchent les blessures portées par la fausse lumière
Se décom­posant car nouée à l’ombre
Alors que l’orage ploie la destinée

Force reste à la part qui ampli­fie nos lendemains
Et défie les solen­nités se retenant aux bris­es les plus ténues
Tan­dis que le tour­bil­lon des bon­heurs farouches
Danse sur l’esplanade érigée à la lisière des tourments
L’abrupt redou­blera l’audace de ces escalades
Dans la brume que tisse l’esseulement

Au bas des murailles de plomb
Rampe le ruis­se­let des instants lucides

Se porter au-devant de soi-même
C’est détru­ire le château en sable des illu­sions contraignantes
Et s’inventer et se réinventer

 

 

 

 

 

 

 

 

L’AVÈNEMENT DU HAUT LANGAGE

 

Le cortège de la tribu­la­tion se fige
Les mots encor robustes s’en échappent
Et s’élancent d’abord vers des frich­es nonchalantes
Avant de s’abandonner à l’effusion des attraits
Les met­tant sur les traces d’un bou­quet de cristallisations
Lim­pid­ité en plénitudes
Éclairs qui perdurent

Arrivés au terme de la résurgence
Les pen­chants s’embrasent

Dans la clair­ière où tout est calme
La tor­peur s’est déchirée
Entends de loin­taines paroles qui se rapprochent
Elles trem­blent puis se raf­fer­mis­sent dans le dessein
D’édifier un sanc­tu­aire fragile
Ain­si l’on pour­ra célébr­er la parole de l’éveil

La coupole vibre et s’entrouvre
Pour laiss­er place à l’irradiation des signes séculaires
Son­dant l’immensité dont une goutte de rosée
– Semence céleste
Foy­er qui jamais ne s’éteindra –
Tombe et fer­vem­ment se disperse

 

 

JUSTIFIER L’ÉNIGME

 

                                                                                  Geheimnisse sind Nahrungsmittel

                                                                                  – inz­i­tierende Poten­zen (1). NOVALIS

 

En ma présence le mal arrache la rambarde
Qui empêchait cer­tains corps agiles
De se noy­er dans le bour­bier gri­maçant de la détresse
Oui mais le souf­fle de l’attente finit par guider mon allure
Vers les lim­ites où par­fois s’animent
Divers­es formes légères mais rapi­de­ment ascendantes

Le van­tail du print­emps s’écartait moins qu’à demi
Et déver­sait le rai de ces MYSTÈRES d’abord tant dédaignés
Un socle qu’affermit pour­tant un bien terne assentiment
De là ils s’en vont ral­lumer trop peu sou­vent les fanaux
Dis­posés de très loin en trop loin
Par un siè­cle déjà fort obscurci

Le mont érige ses certitudes
Témoin tu le gravis lourdement
En t’accrochant aux seules branch­es vives
Près de tes pieds se creuse le précipice au fond phos­pho­rique et nuageux
Qui se com­plaît à surélever encor
L’indiscernable sommet

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(1) Les mys­tères sont des nour­ri­t­ures – des puis­sances d’incitation.

 

Sig­nalons, du même auteur, la récente pub­li­ca­tion d’UN STRELITZIA MONTE DE L’ENTREFAITE, aux édi­tions de La lucarne ovale, dont Recours au poème ren­dra compte prochainement.

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