Nous emportés dans une autre nuit
quand celle-ci, un voile qui se défait,
nous appor­tait peut-être le salut
– une coupe à lever et à boire,
mais les bras trem­blent et se dérobent,
et l’autre nuit tient ser­ré le cœur,
avec ses paniques, notre pro­pre fantôme,
con­fuse fig­ure qui court et se déforme
– plus pal­pa­ble la nuit sans étoiles
aux entours de la terre et pénétrant
de son humid­ité les mottes et les graines,
et tous les amis con­vo­qués à nouveau :
l’arbre, l’oiseau et cette herbe sans nom
qui est celle du talus, vous tous,
sous le ciel large et insondable,
défaites maille à maille ce filet,
libérez d’abord les yeux de cet homme
et que son cœur accède au jour,
puis que ses mains touchent la bruyère
dans la sablière, près des chênes et des pins,
et qu’il retrou­ve l’amitié des feuilles,
du soleil et des vives eaux printanières,
vous con­vo­qués à son chevet.

(Dans La halte obscure)
 

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