Chaque sta­tion a son présent propre
une par­tie imaginable
l’autre non

Alors l’étranger est entré dans le
désert et l’a traversé
debout il a tout embrassé

Il n’a rien trou­vé de
fam­i­li­er ou utile
sur la mon­tagne ou sur la plaine

 

 

1. manières (adab)

 

c’est quoi cette manière
je veux dire matière

que tu affich­es debout
là dans le désert ?

sors tes mains
des poches

le désert n’a pas de manières
mais beau­coup de poches

cela n’excuse pas
ton manque de savoir-faire

quand il s’agit de partager
cette  dernière pincée de

sable chaud et mica
filoches cachées

dans les poches
de ton cœur

 

 

2. crainte (rahab)

la crainte est dans l’ébahissement
quand tu le vois

il t’effraie
là où il est le non visible

dont tu sem­bles vouloir pren­dre soin
quand bien même

cela te lacère d’affronter
la crainte qui n’est pas

dans la chose ni la chose même
mais entre les deux

c’est la rela­tion un
nous possible

 

 

3. fatigue (nasab)

las­si­tude du siècle
com­mençant, plonge dans
cette fatigue, laisse-la

arrondir tous les bor­ds trop
énervés, défais le nœud
irise le cœur

safran, puise courage dans foie
& joie, aucun san­glot mais
réin­vente le hamac,

agis en langueur quand
tu gliss­es sous
la tente, oh Cheikh.

 

 

4. recherche (tal­ab)

il y a con­fu­sion à l’intérieur d’
une époque les termes
sont deman­des sur
la table.

que sera sera. les éti­quettes scélérates
sont très demandées
résig­na­tion équiv­aut recherche.
désire.

exam­ine tes mots pour le con
de la fusion. fais ressor­tir les
let­tres même si
elles frissonnent.

Ce sont con­tes de neige cette
aube. les mots comme
les palmiers sont en grande
demande. abandonne.

2.
quand on jouit des privilèges
que des symboles.
la démon­stra­tion est recherche
et la négliger

est “résig­na­tion”
cela équiv­aut au même
car la recherche est un principe
qu’on ne doit pas négliger

l’im­puis­sance est l’
anéantissement
de la faculté
de recherche.

 

5. émer­veille­ment (‘ajab)

et tu trouveras
ou t’égareras sinon
égare-toi
pour t’émerveiller

une mer­veille est une pointe dans la tête
une mer­veille fend le cœur

chose déjà achevée
nous aveu­gle pour ce qui reste
à faire.

il marche sur l’eau et puis.
Bof. un mir­a­cle en d’autres
mots est une mer­veille. Ein
Wunder.

Quelqu’un a mal, il est blessé.
un dieu véri­ta­ble ou un
magicien

Les pains et le vin
aux noces — un truc
chou­ette qu’on doit

pou­voir pro­duire n’im­porte où
tout le temps. on peut,
ou pour­rait — cette merveille

s’appellerait
juste distribution
des richess­es du monde.

 

 

 6. péril [‘atab]

il a appelé cela
juste rétribution
mais rien de rétro
n’est juste

hormis la vie qui s’en va
de l’avant
est juste dans son
périr même

‘atab, pour mourir dans
ce souffle
qui te fait
vivre

lev­ain du périr
petite mort
ou même juste le rêve
d’elle

ce que seulement
les autres
font et dont je n’ai pas
l’expérience

à moins que ce ne soit
périr
dans le souffle
juste

 

 

7. exal­ta­tion (tarab)

gag­n­er air
dans son exaltation
mesurable

en cen­timètres comme
le tarab ne peut l’être.
nous faisons ce que

nous pou­vons, altitude
n’est pas attitude,
je vous laisse jauger

pour­tant je n’ai aucune
ordon­nance salu­taire, ne suis
pas saint des derniers

jours, pour­tant il y a
dig­nité essentielle
dans la simple

manière dont chacun
de nous exalte sa
mai­son ou ce jour,

l’élevant haut
mais pas plus haut
que haut.

 

  

8. avid­ité (sharah)

le con­traire du partage
n’invite pas

la cité en est pleine
du slogan

d’antan
ora et labora

ne reste
que la rime

après le rire
la graisse d’avidité

dis­sout
un sou­venir carbonisé

un haram
sur l’avide roi

des rois. si
tu ne crois

pas vas voir
l’ABC de

l’a­vid­ité. C’est
une méthode

non un produit.
A utilis­er  avec tout kit.

 

2.

Le mot
passe à l’autre bord

perd sa morale
en route

pour le labo,
entends dedans

la force de dissociation-
dépendance

de tout acide ou base.
un requin de protéine

dans du blanc d’œuf cru
amasse la biotine

dont nous avons besoin pour vivre
& elle de bac­téries, de levures,

de moi­sis, d’algues,
quelque végétaux.

Bien sûr cela peut être
mis en bouteille nous

écra­sons les prix.
tout est dans le

label et nous l’avons
en poche.

 

 

9. pro­bité (nazah)

Pleure son absence
par­mi ceux qui gouvernent.

 

 

10. sincérité (sidq)

tu peux essay­er de te dresser
à côté de ton mot

mais lequel de
tous les milliers ?

 

 

11. cama­raderie (rifq)

nous sommes debout ici
causant

cama­raderie
bien que nous n’en

sachions ni la pre­mière ni
la dernière lettre

bien que nous soyons
— ou devons être —

au milieu de ce
que Cree­ley a appelé

la com­pag­nie — ceux
avec qui nous rompons

le pain,
même s’il s’avère

par­fois
poisson

empoi­son­né comme c’est déjà arrivé —
la com­plic­ité continue

dans les mail­lons de la par­tic­ule com
qui nous relie aux communs

& à un man­i­feste d’égalité
& nous tien­drons debout

ici dans le vent au coin de la rue
où désert et cité se rencontrent

nous tien­drons debout ici
nos mains dans vos poches

tou­jours cau­sant même
si quelques-uns d’entre-nous

sont des camarades
spec­tres maintenant,

comme c’est
notre boulot d’être près

de ceux qui sont partis
porter leurs nouvelles

nous par­lerons à travers
leurs voix

nous sommes tout
ce qu’ils ont

lais­sé — pressés
comme ils

le sont
dans les poings serrés

dans nos poches.

 

 

 

12. éman­ci­pa­tion (litq)

Ce qui est dur c’est le qaaf
– final après lit, comment

obtenir du T — son explosive
finale — pour le –

qaaf ?  revenir plus en arrière, comment
émanciper une vieille gorge

sclérosée à associ­er des consonnes
pour en faire d’étranges

parte­naires dans un lit
d’air nou­veau. Com­ment respirer

entre, sans pré-
‑cip­i­ta­tion, pas de solu­tions simplistes,

pas de lit prop­ice à la tranquillité,
ré-appren­dre à respirer.

 

13. départ (taswih)

je suis par­ti pour écrire ceci
& je tombe à la renverse

la res­pi­ra­tion sus­pendue par
le coup d’au­dace étrange

cela sem­ble soudain
dire quelque chose pour

écrire quelque chose comme j’
allais à écrire ceci fait écho

qu’il était par­ti pour par­tir dans une boîte
avec le sen­ti­ment d’un manque

de sa voiture sa femme
et sa couleur

moi-même a‑t-il dit je vais
écrire et répète

ce que j’ai dit qu’il
a écrit ou a dit que c’est

triste de se ruer dans les deux
direc­tions à la fois

une tâche pourquoi pas
le nœud de nos vies

une com­mu­nauté extérieure à
ceux dont le souffle

a été emprisonné
sinon emporté

ailleurs
tais-toi et pars

vogue sur le dire —
chut, ho hisse.

 

 

14. repos (tar­wih)

tu viens juste de te lancer
et déjà

tu veux te repos­er mon ami
m’a dit en me dévoilant

lesté que j’étais
de paresse pourquoi

ça ne change jamais
le départ ou

les draps sur le lit
les cail­loux dans le cours d’eau

roulent pais­i­ble­ment le long de
notre faim pour progresser

ou s’évader comme si
on pou­vait aller n’importe

où comme si tout ça
n’aboutissait pas au repos

 

 

15. dis­cerne­ment (tamy­iz)

ces sacs con-
‑cer­nant ou ‑venant

espace dis­ten­du
sous mes yeux

sont assez affligeants
pour avoir trop

guet­té
des dif­férences évidentes

aus­si maintenant
refile a l’ouïe

le job 
d’apprivoiser la musique animale

un écho de yack assez âgé
oh telle­ment sinistre

com­ment ne pas séparer
la bre­bis des anguilles

chèvres d’hermines de
l’ère post-déser­tique actuelle

la coulée de dis-
cerne­ment interrompu

par manque de vision
noc­turne sur une terre néontisée

planète ruinée
à portée d’œil

cepen­dant inaccessible
saisie comme

dans la lie d’un
manque embour­bé de

choses ou d’autres qui
fendront

la volée de bois vert
que nous prenons pour la forêt.

  

 

16. témoignage (shuhud)

1.
non, je ne veux pas.
C’est tout ce que tu peux faire.

qui es-tu pour me dire
ce que j’ai fait. tu

n’as rien vu. tu
n’étais pas là. J’y

étais. Il ou elle sont
le tiers nécessaire

laisse-les me dire ou
à toi ce qu’il en est de

ce que toi ou moi devons faire.
per­son­ne ne témoigne.

 

2.
ain­si, tu ne veux pas.
C’est tout ce que je peux faire.

qui suis-je pour te dire
ce que j’ai fait. tu n’as rien

enten­du. mes yeux
étaient fer­més, tu

n’as rien vu  soit je
n’étais pas là soit tu

y étais et alors j’avais
bouché mes oreilles.

Pourquoi voudrais-tu.
Tu n’as rien entendu.

J’ai tout vu. Il ou
elle sont le tiers

néces­saire, elle a dit
main­tenant j’ai tout entendu.

 

 

17. exis­tence (wujud)

 

1.
si la parole est
une fourchette à trois dents

il a traduit comme ça
“une fourchette à trois dents”

afin que l’existence
lit­térale de la chose

ne se perde pas
dans sa traduction.

2.
je suis venu ici pouss­er un cri perçant
ils me dis­ent peut-être

tour­men­té que je parte
toni­tru­ant ou humble

mais il n’y a pas de sor­tie honorable
seule­ment un naufrage

hors de l’existence ―
un témoignage impossible.

  

 

18. énuméra­tion (‘add)

 

not­er pour not­er, note
après note, pas de fausse

note ( il n’y a pas
de fausses

notes  dit Ornette )
& je ne pour­rais pas m’avancer

moi-même pour dire qu’il n’y a
pas de mots faux

c’est seule­ment l’or­dre dans lequel
ils vien­nent ou pas

qui peut être faux ou
pas ? comptons

les non et les oui
clopes et clopinettes

de ce comptage.
Il sem­ble que je ne peux pas le faire au-

delà de deux. je peux addi­tion­ner deux
et deux et ça fait

par­faite­ment sens mais ça n’est
d’aucune aide. Quel que soit

le chiffre trouvé
c’est celui qui te coince.

 

 

19. labeur (kada)

à chaque jour
son labeur

ne suf­fit pas
& n’est certaine-

ment pas sagesse peut-être
un essai laborieux

pour voil­er la condition
que nous revendiquons nôtre.

à chaque jour
suf­fit sa peine

pour dévoil­er
la con­di­tion de ce matin

traduisez peine
par labeur

pensez au cada
comme chacun

en espag­nol maintenant
à une queue

ou cau­da en ce
qu’il est le

code du travail?
endor­mi dans

les corvées et encore
arnaqué par ce que M

a explic­ité: labeur
n’est pas travail

le tra­vail est suffisant
si vous pouvez

l’avoir
tra­vaillez au

grand désœu­vre­ment
quotidien

 

 

20. resti­tu­tion (rada)

 

Rend-le je l’ai
ren­du je l’ai fait je l’ai fait

le caramel volé
l’accord con­clu avec

souci erra­tique : j’ai volé
nada jamais peut-être

bien une bédé une fois
dans une gare après

l’école  avant que l’argent
pour les livres n’afflue obligeant

la resti­tu­tion à
ne pas être restitution

ramène-le toi-même
chipe-le  secrètement

dans la bonbonnière
le caramel volé

je n’ai jamais pen­sé au
vol aus­si pas besoin

de penser à la resti­tu­tion mais
le livre je garderai le livre

 

 

21. dilata­tion (imti­dad)

au milieu
il ouvre

va dans les deux sens
di-

-late jamais trop
tard pour

regarder les deux chemins
ou deman­der si Dante

a trou­vé cette phrase
qui va non

qui coule dans les
deux chemins

en Occ­i­tan au
milieu le roy

aume de mes chemins
où un E

entre pour jouer
avec un A

un entre ou
être au milieu

viens la première
let­tre et le mot

antre sig­nifi­ant grotte
dilata­tion de voyelles

jamais out­il n’a mangé
entrée antérieure mais

bâtit le lieu
où nous jouons en doublure

cet autre dit
la grotte avec des mots

comme peaux de léopard
ou bous­cu­lades de lettres

entre
joue

dans la dilatation
le plaisir de l’élève

la sor­tie
est l’entrée

indi­ca­tions de
La psy­ché à Lascaux

 

 

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