le 4 jan­vi­er 1993

” On est réduit à se dire : Voici
ce qui me hante, et se ren­dre compte,
presque dans le même souf­fle, que
soi-même on hante cela.”

 

 

Tu te sou­ve­nais de toutes les cham­bres où tu avais
gran­di malade. Tu recon­nais­sais les ombres étirées
comme des chats sous le lit, les vibra­tions de la fenêtre
au pas­sage des voitures, la rumeur du tilleul dans tes
poumons. Tu devais apprivois­er tes nerfs à vif sur la
blancheur des draps, atten­dre la relève des fantômes
au petit jour. Ta mère appor­tait le lait dont la peau
cachait le lait, un peu de frais­es dans un peu de sucre,
et ta fièvre ne tombait pas, han­tait le goût du fruit et de
la crème, jusqu’au soir.

 

 

Frag­ments pour une dormeuse, édi­tions Opales, 2001

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