Il est pos­si­ble qu’en écoutant ta voix une dernière
  fois avant de mourir
Je me dise : “Cette femme avait l’ini­tiale des anges
Mais les ailes lui manquaient.”
Or, dans ces derniers instants – com­ment savoir ? –
Je ver­rai un duvet iri­des­cent ger­mer sur ses épaules,
À la join­ture du cou ; elle m’apparaîtra
Comme elle avait tou­jours été – ainsi
À l’aube du pont Saint-Michel lorsque ses doigts
  s’emmêlant
Elle avait écrit : Las­tovk­i­na knji­ga, “Le livre de
  l’hirondelle”
En pen­sant à moi, au lieu de : Cebel­li­na knji­ga,
  ou “Livre de l’abeille” (elle-même) – qui aurait
  dû être le titre ;
Elle pen­sait à moi, et sa main, volant plus vite que
  sa raison,
M’avait emporté
Et déposé sur la page, moi l’hirondelle ;
Elle m’avait regardé avec de petits yeux éberlués,
Plis­sés et rieurs, encore sur­prise de son audace ;
Je me sou­viendrai de cela ;
Par­donne-moi d’avoir atten­du ce souvenir –
De ne pas l’avoir dit plus tôt :
“Cette femme était un ange.”

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