Dans les poèmes ça sem­ble tou­jours différent.
Quand je lis des phras­es qu’écrivent les autres,
tout me paraît clair et facile.
Comme une feuille de papi­er qui résiste encore au feu,
qui sent à peine la présence de la cendre
sur elle-même. Dans ma cour
la cen­dre est si omniprésente.
Telle une tromperie, telle une image qui ravit.

Bon nom­bre écrivent sur la beauté perdue,
sur le mal­heur qui arrive subite­ment et se faufile
dans un cœur silen­cieux, abandonné.
Je voudrais, pour­tant, dire quelque chose
sur ma cour et le grand fleuve
qu’on doit voir de ma fenêtre.
Sur le frêne et les deux tilleuls qui
depuis quelques jours ne sont plus.

Le mécan­isme de la fable m’est devenu soudainement
com­plète­ment incompréhensible.
Cette cen­dre qui s’envole de la fenêtre,
cette suie noire qui hier encore
était la table, le lit ou les livres,
la vie d’un autre à laque­lle on n’a pas beau­coup pensé,
cela me reste dans la gorge et me trou­ble la vue.
Quand j’agiterais la main,
pour­rais-je encore ressen­tir quelque chose ?

 

Traduit du croate par Bran­ki­ca Radić 
 

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