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2 traductions des “Fleurs du Mal”

TO A WOMAN PASSING BY

 

All around me howled the deafening street.
Tall and slim, with sorrowful majesty,
a woman in full mourning passed me by,
her sumptuous hand swinging her festooned skirt.

 

She was lovely as a statue, lithe and tall.
I tensed like a raving fool, drinking in
the heaven of those grey eyes where storms begin –
bewitching sweetness, pleasure that could kill.

 

One lightning flash… then night! – Fleeting beauty,
whose glance lifted me back to life,
will I ever see you again this side of eternity?

 

Elsewhere, faraway, too late, maybe never!
Where was the other going? Neither of us could tell.
Yet I could have loved you. And you knew it well!

 

 

À UNE PASSANTE

 

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet;

 

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

 

Un éclair… puis la nuit! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité?

 

Ailleurs, bien loin d’ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais!

 

 

THE GAME

 

Old ladies of the night, in faded chairs,
with pencilled-on eyebrows and winning looks,
simpering and ogling, angling skinny ears
so gems and metal dance with little clicks;

 

around green baize, faces with no lips,
lips with no colour, jaws devoid of teeth,
infernally twitching, groping fingertips
searching empty pockets, picking at cloth;

 

dusty chandeliers, a grubby room,
enormous oil lamps doling out dim light
to famous poets, foreheads wracked with gloom,
squandering all they’ve earned through blood and sweat.

 

That’s the black tableau that I was shown
once in a dream. Or call it second sight –
I saw myself there watching in that den,
cold and mute and envious of their lot.

 

Envious of the men’s tenacious passion
and the dismal gaiety of those old whores,
all trafficking to my face some final ration
of the beauty or esteem that once was theirs.

 

I felt my heart contract. What, envy these –
poor souls who race at the chasm with elation,
so drunk on their own blood they’d clearly choose
pain over death, hell over annihilation!

 

 

LE JEU

 

Dans des fauteuils fanés des courtisanes vieilles,
Pâles, le sourcil peint, l’oeil câlin et fatal,
Minaudant, et faisant de leurs maigres oreilles
Tomber un cliquetis de pierre et de métal;

 

Autour des verts tapis des visages sans lèvre,
Des lèvres sans couleur, des mâchoires sans dent,
Et des doigts convulsés d’une infernale fièvre,
Fouillant la poche vide ou le sein palpitant;

 

Sous de sales plafonds un rang de pâles lustres
Et d’énormes quinquets projetant leurs lueurs
Sur des fronts ténébreux de poètes illustres
Qui viennent gaspiller leurs sanglantes sueurs;

 

Voilà le noir tableau qu’en un rêve nocturne
Je vis se dérouler sous mon oeil clairvoyant.
Moi-même, dans un coin de l’antre taciturne,
Je me vis accoudé, froid, muet, enviant,

 

Enviant de ces gens la passion tenace,
De ces vieilles putains la funèbre gaieté,
Et tous gaillardement trafiquant à ma face,
L’un de son vieil honneur, l’autre de sa beauté!

 

Et mon coeur s’effraya d’envier maint pauvre homme
Courant avec ferveur à l’abîme béant,
Et qui, soûl de son sang, préférerait en somme
La douleur à la mort et l’enfer au néant!