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4 poèmes

Souvenir

 

 

 

Notre maîtresse qui d’un oiseau orne sa robe,
nous dit que les équations
avaient soudainement disparu de sa tête,
quand elle se baignait dans la mer.
Une élève dit : peut-être ont-elles été mangées
par des poissons,
et nous dîmes tous : peut-être, peut-être...
Avec un long peigne que le vent lui tendit,
la maîtresse se fit une raie au milieu des cheveux,
Mais faites attention, nous dit-elle,
celui d’entre vous qui applaudit plus qu’il ne faut,
sera acculé à tourner sept fois
autour du fou qui dort
à côté de la station d’essence.

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Éventail

 

 

 

Reste à la maison, il n’y a rien de nouveau
dehors !
Ou alors voudrais-tu sortir pour voir le vieux fou
contempler dans un nuage-miroir
sa moitié de visage préférée ?
Ou serait-ce plutôt pour prendre une dernière photo
de ton pauvre éventail dont les os se sont rompus,
lorsque tu l’as jeté dehors, ô cruel,
ô fossoyeur de bouteilles vides ?
Ainsi me parla le spectre d’Ophélie
alors que je me dirigeais vers la porte,
alors que de loin m’arrivait le roucoulement
de pigeons de vin!

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Maintenant, je suis au village

 

 

 

Maintenant, je suis au village de grand-père,
assis sur mes talons sous le mur de la petite mosquée délabrée,
autour de laquelle pendent
quelques figues de barbarie.
Il y a, près de moi, des chiens qui font la sieste à l’ombre
d’une grande botte de foin,
pendant que le groupe de joueurs de cartes
parle, sous un arbre,
derrière la mosquée,
à voix basse et tendue,
d’Abdeslam, le vendeur de kif,
arrêté le matin même par les gendarmes,
et des éclairs qui émanaient de ses cheveux blancs
sous l’effet d’une peur panique,
ou d’une grande rancune.
Moi aussi, un jour, j’ai mis mon petit cheval en jeu :
alors des airs de jazz s’élevèrent
dans mon oreille droite,
et dans la gauche, on entendait des forgerons
qui martelaient des fers à cheval, et j’ai perdu
le petit cheval...
Et me voilà sous ce mur,
continuant la lecture d’un roman.
Mais qu’est-ce qu’il est effrayant, ce roman !
et qu’ils y sont en grand nombre
les morts assassinés !

 

 

 

 

 

***

 

 

 

 

 

Dans la fleur de l’âge

 

 

 

Par affection, nous ne réveillâmes point
les larmes étendues
près de nos deux têtes,
et à chaque fois que l’insomnie atteignait
le sommet des montagnes,
nous pourvoyions les ruisseaux affaiblis
de mélodies
et de tranquillisants.
Nous étions alors dans la fleur de l’âge,
mais dès qu’on a installé des tentes,
pour accueillir les bébés errants,
des oiseaux nous poussèrent
vers la soixantaine.
Un oiseau s’était mêlé à tes murmures,
puis s’envola et nos yeux avec,
alors nous ne pûmes saisir de lui
qu’un battement d’ailes!
Néanmoins, nous les récupérerons, nos yeux,
quand ils tomberont avec la neige,
un matin d’hiver
meilleur que mille mois!

 

 

 

 

Poèmes écrits originellement en arabe, et traduits par l’auteur.