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5 poèmes

 

 

 

Là où réside l’image

 

 

 

Mes doigts sont plus précis que mes pensées
Souvent, au lieu de réfléchir
J’unis mon pouce
Tantôt avec l’index
Tantôt avec le majeur
Et tapote sur la table
Ou sur mes genoux
La table et les genoux sont cette chose que je ne comprends pas
Et les doigts cette pertinence qui me manque
Pour marteler l’inimaginable

 

 

 

***

 

 

 

Au renard

 

 

 

Le renard est mort
Vive le renard qui marche
Silencieux dans les bois
Celui que personne n’a jamais vu
Mais qui existe, pourtant
Tue les poules, s’enfuit
Et se lèche les pattes sanglantes
Coupables de massacres sans importance
Vive le renard qui ne demande rien
Vit, prend, se lèche les pattes, meurt
Vive le renard qui meurt
Silencieux dans les bois

 

 

 

***

 

 

 

Absent de là

 

 

 

Froide est la nuit
Et porteuse de doutes,
Hormis pour les putains que des bras inconnus
Enlaceront ce soir,
Là où je ne suis pas.
Car à plusieurs endroits
Dans cette obscurité percée par quelque reflet de Lune,
Quelque lampe oubliée,
Mes lèvres ne subissent pas la brûlante fraicheur
De vents nouveaux
Egarés.

Et je ne contrôle rien dans ces endroits,
J’y suis mort et n’y suis jamais mort.
Les gens s’en moquent,
Bien sûr,
Comme les chevaux du parc se moquent des vastes plaines
Sauvages,
Qui sont pour eux d’un autre monde,
Pour eux pauvres chevaux,
Le cou flétri, les sabots
Rythmés.

Je suis un cheval de ce genre,
Qui s’accouderait au balcon,
Les dents humides, luisantes,
Des miroirs blancs et salés
Par les larmes ravalées.
Elles ont un goût qui plait à mes mensonges,
Je souris.

 

 

 

***

 

 

 

Caractère giclé

 

 

 

Sérénades, élégamment ignorées,
Et rien après.
Poésie, petite beauté agonisante,
Puis du vent de fesses ivres et posées nues
Sur le rebord d’une piscine de pavillon.
Des barbelés, une chanson, un viol, une moto,
La nuit qui n’est plus mystérieuse,
Et moi,
Lâche,
Content de faire partie de ce monde.

 

 

 

***

 

 

 

Pauvre enfant

 

 

 

Il naquit
Sa mère appela les peintres
Les peintres le regardèrent
L’étudièrent
Le goûtèrent
Le tournèrent dans tous les sens
Le mirent à contre-jour
Eteignirent la lumière
Le trempèrent dans l’huile
Pour en évaluer la luisance naturelle
Et affirmèrent
Unanimes
Que l’enfant n’aurait jamais pu être le modèle d’un beau tableau
Ils le mirent dans leur liste des choses
Qui jamais n’auraient pu être le modèle d’un beau tableau
Entre la station-service et le téléviseur
Ensuite vinrent les hommes de lettres
Qui prirent l’enfant
L’écrivirent
Le lurent et le relurent
Le surprirent en pleine masturbation
Afin d’en connaître la honte
Lui firent gravir les échelons de la société
Virent que l’enfant avait du mal à y parvenir
Le suivirent
Le remplirent
L’admirèrent vomir
Rire
Sourire
Pousser un soupir
Et dirent à la maman que
En réalité
Ils ne comprenaient pas vraiment pourquoi
Elle les avait appelés