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7 poèmes

traduction d’Émile & Nicole Martel  

 

 

 

 

 

 Correspondance

 

 

 

J’arrive à la maison et la fête bat son plein. De parfaits

inconnus. Des gens à l’allure ordinaire, mais pourtant

il manque quelque chose – pas de bouffe, pas de drinks.  Ce qui les nourrit

vient d’ailleurs. « Il n’y a pas

de quoi s’en faire, » dit-elle en m’entrainant

vers une autre pièce, ma chambre à coucher, où elle me montre

la capsule qu’elle garde sous la langue. Est-ce que ce serait

du cyanure? Mords à tes risques et périls. J’en ai perdu

l’appétit. C’est tant mieux parce que la fête

est finie, les derniers invités s’en vont en emmenant

mes enfants. J’aimerais bien y aller moi aussi, mais je n’ai pas de billet,

le conducteur m’a expulsé, et la locomotive siffle

sous le clair de lune et ses énormes roues lentement, comme à regret

commencent à tourner, écrasant

complètement mon jardin. Leur nourriture

vient d’ailleurs. De

Constantinople. « Vos enfants

vont aimer ça là-bas. » En saluant

depuis une fenêtre (des enfants victoriens

dans un cadre tout orné) ils promettent d’écrire.

 

 

 

 

 

Musique

 

 

 

Aussitôt qu’Ivan est apparu, le papotage a cessé –

            un silence respectueux, à peine brisé par une seule toux.

Avant de  s’asseoir sur le tabouret il a enlevé

            sa veste de tuxedo, son nœud papillon et sa chemise de soie blanche.

Il a couvert sa poitrine d’huile végétale et de farine.

Tandis qu’il jouait (une fugue de Bach) de la neige tombait sur le clavier.

On lui a accordé une ovation enthousiaste.

 

Hélène, c’était la viande dans notre sandwich.

Comment pouvait-elle nous ignorer?

Son solo de violon était impeccable.

C’était la meilleure performance de sa carrière.

 

Alice a tout essayé – la flûte, la clarinette, le trombone, le basson,

            le cor et le tuba.

Ça n’a jamais marché.

L’auditoire pensait que les couinements, les claquements et les chuintements

            étaient délibérés.

Elle est devenue la coqueluche de l’avant-garde.

 

 

 

 

 

Cloche

 

 

Je suis allé vers le clocher.

À une longue table des moines étaient penchés sur leur bol.

Ils lapaient leur soupe.

C’était dégoûtant. Je leur ai demandé quand allez-vous

cesser de manger et sonner la cloche?

Et il y en a un, le plus vieux, qui, en s’essuyant la bouche sur la manche

            de sa soutane, a répondu : le son qui doit reconduire  

            ta mère à la maison, quelle force doit-il avoir?

C’était une bonne question, à laquelle je n’avais pas

            de réponse.

Ils m’ont offert de la soupe, que j’ai acceptée à contrecoeur,

            c’était un bol dont on aurait dit qu’il était sans fond.

Quand tu auras terminé, dit le vieux moine, je vais faire

le bruit qui ramènera ta mère à la maison.

 

 

 

 

 

Morsure

 

 

Les hommes me mordaient les bras.

On avait bandé les yeux du cheval.

Personne ne s’occupait d’éteindre le feu dans la pièce à côté.

‘Ça va brûler pour toujours et toi avec, ’

            dit la vieille femme, la mère des hommes.

Elle enleva ses vêtement et les mit dans une boîte

            qu’elle me remit.

‘Enfile-les’,  m’a-t-elle  dit, ‘et donne-moi les tiens.’

 J’ai fait ce qu’elle m’a dit et suis devenu la mère de sept hommes

            pendant huit heures.

Quand j’ai dit à mes fils de mordre les bras de la vieille femme

            ils ont refusé.

Puis nous avons échangé nos vêtements à nouveau.

Ça a duré sept mois.

Le premier jour du huitième mois on a emmené le cheval

            dans la pièce en flammes.

Après que nous eûmes mangé le cheval, la vieille femme a dit à ses fils

            de me mordre les bras.

 

 

 

 

 

Tabloïd

 

 

 

Ma mère? Je la porte comme un vêtement en serrant aussi près que je le peux, tout

comme je l’ai toujours fait dans cette maison destinée au culte. Tout

un destin, la Mort pour rire alors que de fait

c’est un exercice de travestisme qu’on mène en dansant toute une chenille-conga,

un  Mille Doré, de futures starlettes qui grattent et

qui déchirent jusqu’à ce qu’elles atteignent l’autre côté,  jusqu’à : Zenshin

A-rippu kosu (un traitement comme des pleines lèvres sur tout le corps), Yoko qui crie

Une phrase Yam! Une phrase Yam! pendant que je ravale ma fierté

et continue. Note : tandis que Yoko s’envoie en l’air avec

votre serviteur il s’en prend à Betty, l’Américaine

pleine nature, simplement pour revenir. Méprisable bâtard, oh, juste

pour revenir  je le veux, je le veux. Ce que Yoko mérite, son armoire

loin d’être vide, son rendez-vous avec l’assassin aux yeux qui louchent

sur la rue de l’Imam-désarçonné, sa situation commerciale

désespérée et des jambes pour aller avec, ses masses d’urine dans

des bouteilles près du lit, sa collection de queues de castor bouffées par les mites.

Je pense que je vais la porter elle aussi.

 

 

 

 

 

Compassion

 

 

 

envers les Laquais de la Fourrure – tellement occupés à chercher l’occasion

            de peindre plus de taches sur la vache Guernesey de Stéphanie Guelph

            qu’ils ont oublié de décorer

            les autres animaux et ils seront punis en conséquence;

envers les Putes de l’Ainsi-soit-il – dix mille hommes en bleu

            dans un petit livre noir et qu’est-ce qu’ils font?

            Ils récupèrent Gaga des mains des Yeux Bridés;

envers les P’tits Macs – terrassés

            par un donneur de sperme, mais tout ce qui les intéresse

            c’est d’engager plus de clients;

envers les Ricaneurs Baba – se débrouillant avec

            une assurance imparfaite en sifflant le nom

            de tous ces village dévastés – Jath, Nalgonda, Kalyani –

            où ils ne retourneront jamais;

envers les Petits Morbides – sereins comme des enfants

            dans leur cercueil – qui eut cru qu’ils parlent

            avec un accent du Sud : Howdy! Apple! Bang!

envers les Ambitieux du Sermon – on les mène en chaises roulantes  

            vers le nid de vipères mais n’ont-ils pas compris

            que tous les contenants (eux inclus)

            sont des contenants rituels?

envers les Souillons de Chacmool – ces vieux décatis perchés,

            comme dans une Pietá, sur le ventre de leur maîtresse, et qui

            se fichent (c’est ce qu’ils disent) de la texture mollement beurrée

            de leur petites merdes appétissantes;

envers les Gars Bala – étendus dans les flaques,

            qui ont un problème de fuite insoluble

            avant la fin du spectacle et alors

            il sera trop tard. 

 

 

 

 

 

Cheval

 

 

 

Quand je baise la grosse jument

je suis la mère que je voudrais être, les mamelons offerts

à des bouches aux dents parfaites.

 

Quand je baise la grosse jument

je suis la pute qui demande à être punie; une session

avec les sadiques du heavy metal Sturm und Drung devrait me suffire.

 

Quand je baise la grosse jument

comme autour du feu mes sœurs s’assoient et chantent

je reconnais que le fer rouge est ce que je mérite.

 

Quand je baise la grosse jument

les chevilles et les poignets attachés au sommier de fer

j’éteins une bougie avec mes lèvres.

 

Quand je baise la grosse jument

ce n’est pas du sexe. Ce que vous entendez est le bruit

des roues de caoutchouc des chaises électriques sur un plancher de bois.    

 

Quand je baise la grosse jument

j’ai trop de sève sur le visage, disent-ils,  et que

c’est trop humide et ils s’y attaquent avec des chiffons.

 

Quand je baise la petite jument

il y a bride et harnachement

et un sentier sous la lune.  

 

*

              

 

 

Correspondence

 

Home to find the party in full swing. Complete

strangers. Ordinary looking people, but something’s

missing – no drinks, no food. Their nourishment

comes from elsewhere. “It’s nothing

to be concerned about,” she says as she leads me

into another room, my bedroom, where she shows me

the capsule that she keeps under her tongue. Could

it be cyanide? Bite at your peril. I’ve lost

my appetite. Which is just as well because the party’s

over, the last guest leaving with my children

in tow. I’d like to go too but don’t have a ticket,

turned away by the conductor, the locomotive hissing

in the moonlight as its huge wheels slowly, reluctantly

begin to turn, my garden

ground to a pulp. Their nourishment

comes from elsewhere. From

Constantinople possibly. “Your children

will like it there.” Waving

from a window (Victorian children

in an ornate frame) they promise to write.

 

From Bread 2000

 

Bell

 

I went down where the bell was.

At a long table there were monks bent over bowls.

They were slurping soup.

Disgusting. When, I asked,

will you stop to ring?

And one, the eldest, wiping his mouth on the sleeve

of his cassock, replied: The sound that will carry

your mother home, how big must it be?

It was a good question, & one to which

I had no answer.

They offered soup, which I reluctantly accepted,

a bowl, apparently, without a bottom.

When you’ve finished, said the old monk, I’ll make

the sound that carries your mother home.

 

From Drink from the Animal 2010

 

Biting

 

The men were biting my arms.

The horse was blindfolded.

No one would extinguish the fire in the next room.

It will burn forever & you with it,”

said the old woman, the mother of the men.

She took off her clothes, put them into a box

& gave it to me.

Put them on,” she said, “& give me yours.”

I did as I was told, & became a mother of seven men

for eight hours.

When I told my sons to bite the old woman’s arms

they refused.

Then we exchanged clothes again.

This went on for seven months.

On the first day of the eighth month the horse was taken

to the burning room.

After we ate the horse the old woman told her sons

to bite my arms.

 

From Drink from the Animal 2010

 

 

TABLOID

 

My mother? I’m wearing her as tight as I can, as

I always have in that house of religious purpose. Some

purpose, Death for a laugh when in fact

it’s an exercise in cross-dressing taken to a conga line

length, a Golden Mile of would-be starlets scratching & tearing

until they’re through to the other side, to: Zenshin

A-rippu kosu (a full-body A-lip course), Yoko shouting

Yam sentence! Yam sentence! while I swallow my pride

& get on with it. Note: when Yoko roars yours

truly a tumble in the hay takes with Betty, full-blooded

American girl, just to get back. Spiteful bastard, O just

to get back I do, I do. What Yoko deserves, her cupboard

far from bare, her rendezvous with the wall-eyed assassin

on the Street of the Unhorsed Imam, her commercial plight

with legs to match, her horde of urine in bedside bottles, her

moth-eaten collection of beaver tails. I’m thinking

of wearing her too.

 

From Detroit 2012

 

 

HORSE

 

When I’m with the fat horse

I’m the mother I’d like to be, nipples exposed

to mouths with perfect teeth.

 

When I’m with the fat horse

I’m a slut kneeling for correction; a session

with the Sturm und Drung gang should see me right.

 

When I’m with the fat horse

as around a fire my sisters sit & sing

I accept the brand as my due.

 

When I’m with the fat horse

ankles & wrists lashed to a rack

I snuff a candle with my lips.

 

When I’m with the fat horse

I’m not having sex. The sound that you hear is the squelch

of the rubber wheels of electric wheelchairs on a wood floor.

 

When I’m with the fat horse

there’s too much sap in my face, they say, that

it’s much too moist & take to it with rags.

 

When I’m with the thin horse

there’s a bridle & steerage

& a moonlit path.

 

From Detroit 2012

 

 

COMPASSION

 

for the Fur Lackeys –so busy clamouring for a chance

to paint more spots on Stephanie Guelph’s Guernsey

cow that they’ve forgotten to decorate

the other animals & will be punished

accordingly;

for the Amen Hookers – ten thousand blue men

in a little black book, & what do they do?

They rescue Gaga from the Gooks;

for the Ha’penny Slammers – wrestled to the ground

by a sperm papa, all they can think of

is to hire more shoppers;

for the Snigger Babas – making do with less

than perfect spunk while they hiss the names

of those spent villages – Jath, Nalgonda, Kalyani –

to which they’ll never return;

for the Little Morbids – as serene as children

in coffins, who’d guess that their yields

have a yawl factor: Howdy! Apple! Bang!

for the Pulpit Hopefuls – wheel-chaired into

a snake pit, have they failed to grasp

that all containers (themselves included)

are ritual containers?

for the Chacmool Sluts – withered old men perched,

pieta-like, on their mistresses’ laps, couldn’t

care (or so they say) how butter-soft

their mouth-watering poo poos are;

for the Bala Boys – sprawled in puddles,

have a leakage problem that won’t be solved

before the show’s over & by then

it will be too late.

 

From Detroit 2011