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A celle qui s’avance

Auteur d’un premier recueil paru chez Caractères en 2010, Bruno Mabille ne nous est pas inconnu. Il nous est arrivé de croiser sa poésie dans la belle revue Arpa dirigée par Gérard Bocholier, en son récent numéro 103 par exemple.

Le premier sentiment qui vient en terminant ce recueil est une certitude, celle de lire un poète dont les chemins de la voix sont en train de se construire. Une voix jeune, pleine de cet élan qui conduira à affirmer une poésie. Long, long chemin qui se fabrique en cheminant. La poésie est une aventure et à l’évidence Mabille avance au cœur de ses territoires, continents inconnus. Il se raccroche sans doute, et c’est notre deuxième sentiment, à des horizons connus. On pense à d’autres poètes habitués de la Blanche Gallimard, Bonnefoy par exemple, dans le ton et la sobriété des images. Plus généralement à toute la tradition de la poésie énoncée devant l’aimée. Entre Joie et Douleur. Il y a quelque chose ici de l’amour majuscule, celui que l’on croise chez Jean de La Croix.

Cela donne une sorte de sentiment « classique », « Gallimard ». Mais ce n’est pas une critique, au contraire. À celle qui s’avance est à sa place, et ce n’est pas rien.   

Que chacun en juge à la lecture :

La voici qui s’allonge et se cabre
plus nue encore qu’une amoureuse
plus échevelée aussi
et d’une peau si claire
qu’on la dirait lactée
toute nimbée d’étoiles.

Plus loin :
 

Peut-être aurions-nous pu
tout simplement
habiter la beauté du jour
et nous laisser aller
à la caresse du vent

mais nous n’avons su
que brandir le poing
et lancer des pierres
en direction du soleil.

Ou encore :

Comme l’étoile
qui met le temps de la lumière
pour apparaître
n’est-on pas déjà né
avant de naître

il faut longtemps scruter la nuit
pour qu’à nos yeux se dévoile
ce qui n’était au fond
qu’une ombre en puissance.