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à chaque jour suffit son poème

 

soir tombant - un feu
veille sur les vagues arrêtées
du champ d’asperges

*

paisibles le soir
s’échevèlent les fumées
- sarments et bois morts

*

sciant le laurier
sec - effluves intempestifs
de cuisine d’été

*

bois rentré - oiseaux
nourris - deux trois mots trouvés
: matin bien rempli

*

au dedans chuinte
la braise tandis que dehors
tout s’agite muettement

*

les feuilles du bambou
derrière la vitre embuée : un
lavis animé

*

lourde si lourde
la tête de la jacinthe
qu’elle bute contre la vitre

*

tant qu’elle embaumait
sans faute on la regardait
la jacinthe bleue

*

quand la lampe s’allume   
- vert le bruit du vent dans le
bosquet de bambous

*

à chaque rafale
les feuilles mortes remontent leur chute
le long des vitres

*

sur l'asphalte givré
sinusoïde lente
l'écureuil transi

*

douces éphémères
se ruant sur le pare-brise
- un cauchemar blanc

*

pluie sur la neige -
à l’abri dessous l’auvent
les mésanges en grappe

*

sous l’effet des pluies
le mur s’éboulant a pris
la salamandre

*

comme il tremble mon chien
sous ma main tandis que passe
la troupe des marcheurs

*

suivant le sentier
un chasseur aboie après
une horde de grelots

*

le parapluie rouge
de berger entre les pins
raccompagne l’ami

*

à l’écart des foules
ma solitude néanmoins
aspire à se vouer

*

au déclin du jour
du monticule de cendres
s’approche le rouge-gorge

*

le brasier éteint
fouaillé par la grêle se fend
d’une nouvelle fumée

*

fumée montante
du bois vert – fumée rampante
des braises ranimées

*

heure où tout se pose…
assis les chiens face au vide
regardant sans voir

*

ni suite ni projet
- à chaque réveil s’ébauche
le visage du jour

*

sans tâche point d’ennui
pour autant : qu'à accueillir
ce qui se présente

*

près du feu de bois
double compagnie : Issa
et mon chat – pure joie

*

griffe aiguë dent longue
ce modèle réduit de tigre
me fait les yeux doux

*

pleine lune - lumière pâle
et glacée – me voici bonne
pour une nuit blanche

*

ah ! douce insomnie
page noire où scintille la voie
lactée des mots…

*

je rêve que j’écris
un haïku ou bien j’écris
un haïku en rêve ?

 

*

(...)

 - haïku, 2004-2011
(inédit, extrait)