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A contre-muraille, de Carole Carcillo Mesrobian

Avez-vous déjà éprouvé l'impression d'avoir plus ou moins bien lu un livre de poésie ? Pour ne pas dire l'avoir mal lu… Vous est-il déjà, arrivé que l'insatisfaction (ou le hasard) vous amène à le reprendre pour le relire, afin de traquer je ne sais quel sens qui s'échappe sans cesse ? On a beau penser à Rimbaud qui, à propos d'Une saison en enfer, à une question de sa mère, répondait : "Ça veut dire ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens". Mais on se heurte toujours au même mur… Reste alors à relever les mots pour se rendre compte que c'est à une exploration de l'existence que se livre Carole Mesrobian, une exploration où la mort, la fosse, l'enfermement coexistent (ou rivalisent) avec la vie, la douceur, la lumière… Cette coexistence se traduit par une juxtaposition des mots : cavernes, planche, vide, antre, urne… d'une part et incandescence, matins, duvet, sève… d'autre part. Mais il y a aussi un vocabulaire plus intellectuel avec des termes comme aporie, résilience, anamorphose, coalescence, idéation ou assuétudes qui renvoient à divers domaines des sciences, humaines en particulier… Il y a chez Carole Carcillo Mesrobian une volonté de pénétrer le monde : "Parvenir / sous la face des souches / Si bavardes ou scellées dans l'envers des atomes". Et une succession de poèmes courts, un rythme haletant comme si elle se hâtait, vers quoi donc ? vers quel maelström ?  Vers la vérité, une vérité à conquérir… Si la poésie est une arme chargée de futur comme l'écrivait Gabriel Celaya, elle peut aussi être un outil redoutable pour aller au-delà des apparences, pour décortiquer le réel, aller au plus profond de la matière ou de l'existence, là où l'on se heurte à un noyau insécable, à une boule d'angoisse. Là où au-delà du bruit il n'y a plus que le silence. Le silence qui entoure la poésie comme le blanc entoure le poème sur la page…