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À Muse

 

 
 
scintillantes Voix,
dans mon sommeil, s’érigent,
dans mon cimetière, Éternelles,
tourmentent comme fantômes.
 
Dans le brouillard, mes paupières,
s’entrouvrent à leurs ombres,
et funambules brillantes
m’appellent silencieuses.
 
Du haut de ma butte.
 
La machine stridente accélère,
et passager Prétendant,
j’entends Retardataire,
le chemin de fer qui vibre.
 
 
 
In extrémis,
à la rencontre du train fumant,
je cours dans ses ombres,
d’autres latitudes venant.
 
In extrémis,
le wagon « Rien ne va plus »
échappe au contrôleur,
destination inconnue.
 
 
 
Et la machine stridente accélère,
la chenille d’acier,
s’élance dans la poussière,
direction pôle « imaginez ».
 
Allongé, le dos collé au wagon,
locomotive chante cris de sirènes,
et je regarde, hébété, sur l’horizon,
le grand spectacle qui m’entraîne.
 
Locomotive, de sa trompe fontaine,
crache le torrent vaporeux,
nuages de laine,
dans mon océan bleu.
 
Et sirènes, endorment, s’émerveillent,
le paysage nature d’écume rosée
et de toute la vapeur qu’elles inondent.
 
 
Lune, pleurant soleil
en son hommage éclaire
l’océan dans ses dernières lueurs,
et les sirènes nostalgiques chantent
en souvenir du déserteur.
 
Et mon cœur, tel lune,
tel la rosée, tel l’écume,
dans l’océan s’éteint
épongeant dans les profondeurs
toute tristesse, toute amertume.
 
 
Et une fois rendu
à la nuit, à « rien ne va plus »,
en cabine je m’en vais faire la surprise,
des passagères assises.
 
 
 
Nomades Elégantes,
Dignes, m’oubliant dans leur présence,
s’élancent Silencieuses,
sans paroles, dans mes songes.
 
Dans la fumée d’encens,
le parfum des roses,
de leurs yeux dansant
me font faire des rondes.
 
 
Et je rêve d’elles,
à l’ombre des horloges, adossé, les observant.
 
Voyageuses de nuit,
dans l’obscure, éclatantes,
 
sous-pèsent ma folie.
Et moi, pauvre mâle.
Rationnelles sincères,
à mon nez soupirent raison.
Émotionnelles éphémères,
d’abondance me troublent.
Mais toutes dans l’étreinte m’entraînent.
 
Semblables yeux, j’ai baisé.
Telle lune pleurant le soleil, mon cœur,
de cratères criblés, s’en souvient,
suffoquant dans les profondeurs,
d’un grand océan pourpre.
 
Toutes veulent cajoler ce sang chaud,
Magiciennes prétendant
créer de mon ombre lumières
puis s’installer en maître,
et de leurs files me faire marionnette.
 
Dominant la scène,
les amazones se multiplient,
attirent dans mon sciage
le doute dans ma quête,
une flamme dans la nuit.
 
 
Et moi,
cisaillé, à nouveau je m’attendri
et ils en profitent,
papillons grandissant, vautournent,
et dans mon cœur, vacarme !
 
Les Taciturnes silencieuses,
usent d’éclaboussures disjonctives,
pour fredonner secousses
dans mon corps qui s’attise.
 
À mon verbe toutes veulent donner l’élan.
 
Leurs malices je les connais,
et pourtant elles me fascinent,
Passagères assises,
dans ce train filant.
 
 
 
 
Mais que faire ? À pareils êtres,
Dont la beauté mes mots gaspillent,
Poésie ? Pari perdu,
dans l’étreinte il faut ressentir
ces corps suaves
avant que le temps ne les ronge,
juste le temps d’un voyage.
 
Certaines, de leurs doigts salis
me touchent, déjà collantes de regrets.
D’autres prudes encore,
pensent m’apprendre à aimer.
Et je joue de mon piège,
l’hypnose, les sortilèges,
fait le beau alors qu’elles m’entraînent,
dans leurs suaves exactions,
 
jusqu’à ce que sur moi le piège se referme.
 
 
Et Diable n’aurait trouvé,
pire jeu de séduction.
 
Elles me parlent, je gigote,
à jouer l’éloquent,
les attire puis les assomme.
Fallait-t-il en faire autant ?
 
Et moi, pauvre mâle,
Comme un toutou, tout fière, Infidèle
je les trompe toutes,
avant qu’une seule ne soit séduite.
DU SPECTACLE !
 
Anges et Démons se tapent la main
et leurs ricanements au loin
jusqu’à mes oreilles grésillent.
 
Avant qu’il ne soit trop tard…
 
Créatures inconscientes,
me culbutent, indolores,
des voltiges de l’esprit
leur silhouette virgule,
leur bouche palpite,
leur lèvre pulpe,
leur visage se plisse:
j’en reste insatiable.
 
Fumant mentholées
à travers leur fume-cigarette d’ivoire.
Impassibles.
Des tueuses d’éléphants vous dis-je !
De leur bourgeois ennui me contaminent,
ces étriquées qui pensaient m’anoblir.
 
Beautés d’allures, cœur moribond,
vouant les flasques et les tréfonds,
où est la porte que je m’enfuie,
autant finir de suite,
s’il faut finir ainsi.
 
Avant qu’il ne soit trop tard,
qu’elles ne s’approchent de trop près,
qu’elles créent l’équivoque,
suscitent le désir
que leur yeux aigres se moquent,
que leur parfum m’enivre…
Et déjà je m’extasie.
 
Avant qu’il ne soit trop tard…
 
Qu’elles sous-pèsent,
lâchent prises,
il y a d’autres proies,
mon cœur est déjà troué.
 
De l’opus de la taille d’une balle
mon sang encore jaillit,
se répand sur la moquette.
Il ne me reste qu’une seule vie.
 
Alors, avant qu’il ne soit trop tard…
Au diable ! Tueuses d’éléphants,
démasquées de vos doux regards,
au prix d’une flaque de sang.
 
 
 
Avant qu’il ne soit trop tard,
Dieu, aide-moi à trouver patience,
d’attendre Muse légère,
l’ivresse en eaux pures,
jusqu’à l’asphyxie, le feu!
 
 
Mais qui de vous, Dames à torchons,
éclairera mes turpitudes,
Ephémère malgré elle,
d’une douce empreinte qui dure,
conjuguant nos solitudes,
dans l’opulence, la misère,
présente au futur ?
 
Quelle passagère pour ce voyage,
dans ce train, à l’infini ?
 
 
À Muse,
par ce rêve obsédé,
dans la vitre je m’oublie,
suffoquant l’adoration des créatures.
 
Dehors, quelques reflets,
éclairent le sillage lunaire,
le regard pendu,
songeur dans les beautés planes,
je me perds.
 
 
 
 
 
 
Et soudain,
brillante sur la vitre embuée,
Elle dans mon miroir,
et dans son reflet,
mon âme danse avec la sienne.
 
Elle, là,
assise parmi tant d’autres.
Comme si de rien n’était,
sans fanfares,
sans excès,
et déjà s’évertue en moi
le Sentiment simple.
 
 
Nos yeux se parlent en silence,
je crois qu’ils se chamaillent.
À travers la vitre sale
Je l’observe,
qui aurait pu l’imaginer ?
 
 
 
Saisi au poignet,
Lune, cratère fumant, oubliés,
la machine stridente accélère.
À grande vitesse,
l’aurore à l’horizon,
rien de plus pour me plaire.
 
 
Et puis il fait chaud,
tremblant, sans direction j’avance,
de mes joues de la bouillie
et plus très fier,
les jeux,
les stratagèmes,
les armes,
ne sont plus qu’un lointain souvenir.
 
 
Dans ma fièvre, mon vertige,
mon chaudron, mon fantasme,
invisible je l’aborde
lumière puis vide,
et dans ce néant insensé,
d’une once elle ne bouge.
 
Dans mes songes, elle glisse,
Même l’ailleurs ne la saisit.
Dans ma flamme, éreinté,
son visage reste éteint.
 
Elle voit comme je l’observe,
perdu dans le verbe,
amarré à son élan,
un visage plus frais qu’une botte d’herbe,
Pelage plus doux qu’un nouveau-né,
sur lequel je rêve de voir perler,
cette joie qui me transperce.
 
 
Lui parler,
décontenancé,
muscles confiture,
paroles fanées.
je dois avoir l’air bête,
le courage en laisse
court pour s’échapper
en plus d’être lâche
il aboie, ce fumier.
 
 
Elle sourit.
 
Et les chevaux bleus
broutent la moquette vermeille,
des éléphants par la fenêtre
m’envoient trompes d’eau dans l’oeil,
des corbeaux croassent au loin,
dans ma tête stupides perroquets aboient.
À nouveau, le vacarme.
 
Et moi, coq chantant,
semble au moins la distraire.
 
Ambiguïté dans sa conduite,
Moi je reste,
résiste,
combat Grotesque.
J’esquive,
à la recherche de l’Indomptable.
 
De part et d’autres de la cabine
des petits rires éclatent.
Si pathétique suis-je.
 
La réalité frappe encore
Mais son âme trop sauvage, insurgée,
se débat de ce petit corps
trop à ce monde apprivoisé.
 
C’est Elle, je la sais.
 
« Vous ici ? » Lui dis-je.
- De juste dernière toi,
quand sur le wagon, abruti,
les étoiles tu regardais.
 
 
 
Déesse,
Actrice,
Manie
Les
Symboles,
joue mes rêves.
Je
vibre,
la
découvre,
M’
Ahurie.
 
Quandellemedemande :
« où vas-tu dans ce train ? »
 
 
À présent, jusqu`à toi,
et si tu prends ma main, à l’infini.
Allons faire peur aux passagers,
jetons le conducteur par la fenêtre,
et une fois ce désert apprivoisé,
renflouons charbon dans sa chaudière,
que la vapeur jaillisse de la cheminée,
pour s’allonger devant Dieu Vitesse,
au bout de la nuit étoilée.
 
S’il faudra saigner,
Saigne-moi à mort,
et si ma ferraille casse…
- « je la reconstruirais ».