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À propos d’Ainsi parlait Rainer Maria Rilke

De grandes questions.

À propos d’ainsi parlait Rainer Maria Rilke

 

Le recueil de dits et de maximes de vie de Rainer Maria Rilke que publient les éditions Arfuyen, nous confronte à de grandes questions. Du reste, ce qui est frappant, c’est la lucidité de ces interrogations. En effet les propos de Rilke, qu’ils soient écrits directement en français ou traduits avec beaucoup de transparence par Gérard Pfister, reflètent une profonde acuité intellectuelle et morale. Nous allons avec le poète partager les grands thèmes de notre culture, l’art, le présent, Dieu, la vie ou la mort. J’ajoute que ce regard que porte Gérard Pfister à cette traduction limpide et ce choix de textes, nous engage volontiers vers l’idéalisme (allemand ?) où une simple vision de curieux ne suffit pas. Il faut se rendre entier au lyrisme très sobre du poète. Et on se situe dès lors au sein de la Bible janséniste, le Livre des Proverbes ou le Livre de la Sagesse. Nous sommes en présence d’un livre essentiellement spiritualiste, ou du moins agité par un monde immatériel.

Et l’on se trouve donc autant dans la Bible que peut-être dans Walter Benjamin ou Paul Valéry. Car le poète célèbre le mystère avec une lumière extraordinaire. Et l’énigme reste entière dans sa puissance et sa complexité. Aussi, l’art autant que Dieu devient un sujet de dissertation, un élément de pure force et d’intellection, motif de questionnement supérieur, qui nous adossent, nous abouchent à la métaphysique.

Ce qui fait qu’une chose devient œuvre d’art, c’est une fréquence plus haute qui surpasse, de part sa nature, celle des objets d’usage ou des termes d’échange.

 

L’art m’apparaît comme l’effort d’un individu, au-delà de l’étroit et de l’obscur, pour trouver une communication avec toutes choses, les plus petites comme les plus grandes, et, dans ce continuel dialogue, de se rapprocher des sources ultimes, difficiles à entendre, de toute vie.

 

L’on peut peut-être se reporter à une certaine apologie des vertus théologales par exemple, ou de la religion, du Dieu souffrant et surtout de l’art. D’ailleurs ces fragments nous offrent à la fois la question et la réponse livrées dans leur caractère authentique et leur complexité.

Être aimé veut dire brûler. Aimer, c’est éclairer d’une huile inépuisable. Être aimé, c’est passer  ; aimer, c’est durer.

Le but de tout le développement humain est de pouvoir penser Dieu et la terre en une seule et même pensée. L’amour de la vie et l’amour de Dieu doivent coïncider au lieu d’avoir comme aujourd’hui des temples différents sur différentes hauteurs  ; on ne peut prier Dieu qu’en vivant la vie jusqu’en sa perfection.

Nous savons peu de choses, mais qu’il nous faille nous tenir à ce qui est difficile, voilà une certitude qui ne nous quittera pas.

Je cite beaucoup Rainer Maria Rilke pour faire justice à l’auteur des Élégies de Duino au sujet de la grâce de son écriture. Dits et maximes de vie complètent très bien notre connaissance du poète né à Prague, sachant que la lecture chronologique de ses travaux relève d’une question importante. Mais ici, l’on s’aperçoit que l’œuvre suivait son cours avec autant de majesté et d’intelligence tout au long de son existence.

Ainsi parlait Rainer Maria Rilke, éd. Arfuyen, 2018, 14€