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Abbas Kiarostami, des milliers d’arbres solitaires

Décidément, c’est une superbe collection que ce lieu de poésie, Po&Psy ! Tant par le physique original des livres, en forme de pavés (format poche), la couverture, recouverte d’une autre couverture transparente, que par le contenu des ouvrages proposés. Un véritable objet, inhabituel à cette échelle d’édition. Superbe collection ou… collectionS. Car Po&Psy se décline en sortes de sous-collections, comme celle-ci, « in extenso », où paraissent les textes poétiques d’Abbas Kiarostami. Car l’immense cinéaste iranien, mondialement connu, fortement goûté en France, est aussi un poète de très haute tenue, ce qui vient confirmer cet opus réunissant son œuvre poétique intégrale (à ce jour). Les lecteurs de Recours au Poème ont eu un aperçu de cette œuvre, puisque nous en publiions de bonnes feuilles il y a quelques semaines ici.

Par certains aspects, les poèmes de Kiarostami travaillent la même matière et le même Sens que son cinéma et il y a fort à parier que, le moment venu, la parenté de ses pratiques artistiques sera perçue comme formant un tout. Épure, silences, beauté des paysages et des petites choses, ici un arbre, là un caillou, ailleurs le visage d’un homme. L’intériorité du poète/cinéaste est comme en résonnance avec l’immobilité de l’univers, donnant alors à saisir ce qui se voit au-delà de nos aptitudes perceptives naturelles, ou prétendues telles.

 

une bouteille cassée
pleine à ras bord
de pluie de printemps.

 

Qui sait ce qui, de sa poésie ou de son cinéma, irrigue l’autre ? Et qu’importe ? Kiarostami est une des voix poétiques majeures de notre temps. L’une de ces voix qui « violent » (le mot est de Chomsky) la parodie de réalité se proposant à nous en tant que réel. C’est pourquoi, pour l’instant, il peut sembler que des milliers d’arbres soient solitaires. Mais il convient de ne pas trop se fier aux apparences.