janvier 2021

17jan0h00min17fév0h00minGérard BOCHOLIERSur Radio Occitania

Plus

Détails de l'événement

Vivre à la cime

 

Gérard BOCHOLIER dans son dernier livre de poèmes illustre à son insu un proverbe indien qui met en garde : la vie est un pont. Franchissons-
là, mais n’y construisons pas de maison. Car la maison, celle indélébile de l’enfance, il faudra l’abandonner à un destin qui ne sera plus attaché à celui de l’enfant que fut le poète. Situation hélas universelle qui touche la majorité d’entre-nous, forcés de renoncer à la maison qui abrita notre enfance et notre famille. J’ai lu « J’appelle depuis l’enfance » éd. La Coopérative, 140 pages, 16 €, de Gérard Bocholier avec ferveur (comme pour les livres précédents de ce grand poète de la spiritualité), mais, j’en conviens, avec une certaine douleur. Celle d’une expérience partagée. C’est dire combien ce poète situe sa spiritualité au plus près du réel, du vécu.

Au soir de sa vie, l’enfance n’est jamais très loin. Elle s’impose dans la mémoire et dans l’inventaire. Cet appel depuis l’enfance n’a eu de cesse de sourdre ingénument, répétant à l’infini la même question :  J’entends des pas qui s’approchent Est-ce un ange ou bien mon juge ? L’enfance est peuplée de la mère, de la maison, des vignes, et de « la poésie des livres ».

Sa mère, elle, ne voyait que lui « Tout nimbé de lumière ». Cette mère le quitta le 12 mai 1980, premier apprentissage de la perte, un départ en lenteur, comme amorti : « Tes genoux lentement fléchirent / Tu glissas comme une bougie / S’effondre après l’ultime flamme ». Avant naquirent les premiers poèmes : « Mes premiers vers me tenaient / Compagnie beaux infidèles », « Sur l’ardoise s’effaçaient / Aussi vite qu’ébauchés / Mes poèmes malhabiles ». Ceux-là, prenant de mieux en mieux la lumière, l’accompagneront, pour notre plus grand bien, toute sa vie. Une vie débutée au milieu « ...des gens simples / De simples âmes courbées / Sous les labeurs des silences / Proches de la terre aimée ». Il aimera dès lors cette simplicité, le silence, les vignes où il faut « conduire la jument par la bride », la maison « Son cœur de cire et de patience / Qui ne bondit plus pour personne » aujourd’hui, maison mutilée par le temps qui l’a vidée de la vie :

On a jeté les livres
Eventré les armoires
Des portraits aux yeux vides
Gisent au pied des murs

Je frissonne en entrant
Dans la pièce où blafarde
La pendule arrêtée
Implore des ténèbres
Un abri par pitié

Le poète a depuis longtemps quitté la maison pour des « routes peu frayées » et pour apprendre « qu’au bord du vide » « on reste prisonnier / De
l’enfance et de la nuit ». Il ira désormais à sa propre rencontre : « En rendez-vous avec moi-même / [ ... ] Ai-je jamais su qui j’étais », étonné « Du garçon étrange / Croisé sous les porches / Qui me ressemblait ». Il va choisir la vocation du poète « la pente / La moins fréquentée [...] Celle
où tout peut naître / Aimer et mourir / Déborder le temps / Pour vivre à la cime ». Et Gérard Bocholier a vécu et vit « à la cime », celle de la poésie, de la foi, de l’amour. C’est sur la cime, qu’il parvient à desserrer l’étau de l’angoisse existentielle, cette peur qui « Depuis la petite enfance / D’être seul au bord du vide / Et de tous abandonné ».

Ainsi, la dernière partie du livre sont des « Chants pour la fin » dans la lignée des Psaumes, ses précédents recueils chez Ad Solem : « Psaumes du bel amour », « Psaumes de l’espérance » et « Psaumes de la foi vive », chefs d’œuvre d’une suite de deux quatrains qui rejoignent la joie pure que cherchait Simone Weil, par une affirmation ravageuse de la foi qui fait de Gérard Bocholier l’un ou le plus grand poète mystique vivant d’expression française. Et certainement le plus accessible par le génie de sa simplicité.

Soudain le vent tout se brouille
Mais ton visage me reste
Dans une contrée si pure
Que le jour devient aveugle
Non la mort n’est pas absence
L’absence n’est pas la nuit
Hors du temps bruit le silence
Je bois ton aube infinie

Un éditorial de Christian Saint-Paul

Lien vers l'émission : Confinement n°20

Horaires

Janvier 17 (Dimanche) 0h00min - Février 17 (Mercredi) 0h00min

Lieu

Radio Occitania

Organisateur

Christian Saint-Paul Radio Occitania

Aller en haut