mai 2021

01mai0h00min31(mai 31)0h00minTempo Poème consacré à Franck BardouSur Radio Occitania

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Détails de l'événement

Franck Bardou poète alchimiste

Franc Bardou, comme son cher Joë Bousquet, n’est lui qu’en passant... et s’en excuse platement. Il est né à Toulouse en 1965, enseignant et poète, écrit en occitan depuis 1989, collabore à la revue Òc. Il est depuis 2011 le rédacteur en chef de la revue Gai Saber. Auteur d’une thèse de doctorat sur l’œuvre et la pensée de René NELLI (1907-1982), il est membre de l’Académie de Jeux Floraux de Toulouse et de l’Acadèmia Occitana.

Auteur de recueils de poèmes tels que Filh del Cèrç 1995), prix Paul Forment 1996, Cant del Cèrç (1996), La crida (2003), Atlàs londanh (2006), L’arbre de mèl (2010), et d’un manifeste littéraire consigné par les écrivains de sa génération au sein du Mouvement descobertista (1998). Sa pratique poétique, de forme et d’inspiration troubadouresque, s’articule autour du rythme, dans une perspective hallucinatoire ou visionnaire qui ouvre l’imaginaire des textes à tous les possibles. En prose, il a aussi publié deux recueils de nouvelles, D’ara enlà (1999) et Qualques balas dins la pèl (2009), et un roman d’inspiration jungienne, La nuèit folzejada (2003) traduit et publié en catalan en 2004.

La préoccupation occitane est essentielle chez cet auteur docteur ès-études occitanes. Voici ce qu'il écrit à propos de l'identité occitane de Nice : " Nice a, en principe, une identité linguistique (et littéraire) occitane. Les Occitans, il y a de cela 12 ou 13 siècles, appelaient les Musulmans au secours pour se protéger des Francs qui, contrairement à ces derniers, ravageaient et brûlaient tout sur leur passage. Ces soit disant “identitaires” ont pour le moins la mémoire courte. La première chanson de geste écrite en Occitan vers 1105, La Canço d’Antioca de chevalier Bechada, décrit les princes musulmans de Palestine comme des seigneurs de grande noblesse, de grande beauté, de grande élégance et de grand raffinement, lorsque, peu d’années après lui, les auteurs français, anglo-normands et germaniques les décrivent comme des monstres ou des démons.
L’identité occitane (de Nice et d’ailleurs) est inscrite dans les textes occitans fondateurs tel celui cité plus haut : rien à voir avec des saucissonnages provocateurs antimusulmans. L’esprit même de la littérature occitane initiale, celle des Troubadours, est très probablement fortement inspirée de la poésie amoureuse profane des musulmans d’Espagne médiévale. Redécouvrir la culture littéraire musulmane permettrait bien au contraire
aux Occitans, de Nice et d’ailleurs, de redécouvrir leurs plus anciennes racines identitaires, complètement ouverte sur la Méditerranée des trois religions du Livre.

Rien à voir, donc, avec cette occitanerie xénophobe et pseudo-identitaire... D’ailleurs, n’est-on jamais mieux soi-même que face à face avec l’Autre, d’où que l’on soit, si tant est que l’on soit seulement de quelque part... ? " Franc Bardou se revendique avec joie, comme continuant l'œuvre
universelle des " Poètes du Sud ", voici ce que nous pouvons lire à ce propos : « Cet «esprit», ouvert par l’art courtois d’Occitanie, est resté en germe dans toute la lyrique du «Grand Midi», ainsi que l’appelait Nietzsche, en y maintenant l’équilibre entre le chant ouvert et le «Trobar » hermétique, entre la clarté et l’obscurité, entre la beauté extravertie du monde et son sens caché. Avec les grands troubadours Raimon de Miraval du Carcassès et Guiraut Riquier de Narbonne, Charles Cros, Joë Bousquet, Pierre Reverdy, René Nelli, Max Rouquette... Poètes du Sud et chantres du Génie d’Oc ont donné leur voix à l’invention poétique occitane. »

Mais Franc Bardou ne cache pas que les élites intellectuelles ont abandonné très vite les auteurs occitans dans l'histoire. Les occitans aujourd'hui sont, pour l'essentiel, des gens des villes et des gens de lettres. Et la littérature occitane est une littérature insurrectionnelle. Franc Bardou se souvient que c'est lors de son incorporation dans l'armée, qu'il a déclaré être occitan. Auparavant, c'était une nostalgie. René NELLI est son maître intérieur. Littérature ultra-minoritaire, la traduction est nécessairement une porte de survie d'urgence de la langue occitane. Cependant le passage à la reconnaissance n'est pas fatalement francophone. Un de ses livres est traduit en catalan. Franc Bardou eut ses premières publications, dès 1991 dans la revue Oc. Il fut dès cet instant pris sous l'aile bienveillante mais ferme de Bernard MANCIET, autre colosse de la poésie occitane avec NELLI.
Le jeune poète apprit alors à "passer aux ciseaux" ses textes. Le regard de MANCIET était impitoyable et la leçon hautement profitable. Son premier recueil " Filh del Cèrç "(1995) suivi de " Cant del Cèrç " (1996) comportait des rimes et des rythmes, proches des sonnets ou troubadouresques. Ce n'est qu'avec " La crida " (2003), qu'il osa une poésie non rimée. Il avoue avoir du mal à bien se juger lui- même et considère son éditeur d’alors, le philosophe Jordi BLANC, comme celui qui met l'auteur en valeur en le critiquant. Franc Bardou travaille avec le compositeur de musique, poète et éditeur, Mainteneur de l’Académie des Jeux floraux, Gérard ZUCCHETO. Il a réalisé également des travaux sur l'art plastique.
Il est évident que ceux qui défendent le mieux l'occitan sont les gens lettrés. Bien sûr, il s'agit d'une certaine "élite". De là, de mauvais esprits ont considéré le mouvement culturel occitan comme "fasciste" ! Le souhait de Franc Bardou est de porter le verbe occitan dans le monde. La poésie alchimique de ce troubadour contemporain le révèle dans sa posture la plus intime et par conséquent universelle. Habitué à considérer le haut comme le bas et réciproquement, et à résoudre l'antagonisme apparent des contraires, il se déclare optimiste dans l'esprit et pessimiste à la manière de Michel HOUELLEBECQ.

Mais "l'illumination" est une vérité si elle se construit par l'esprit. Et le langage n'est que le réceptacle de ce qui n'a pas de nom. "Je suis un intuitif, je pense par image, dit-il, je suis l'héritier d'Hermès le Trismégiste." Le thème majeur chez ce poète occitan qui perpétue la tradition des troubadours, est celui de l’amour. "Tous les grands amoureux, mozarabes et troubadours, mystiques d’Orient et d’Occident, n’ont-ils pas évoqué l’amour comme un feu dévorant ? rappelle-t-il. L’Amour ici encore, en Tradition vivante, danse comme une flamme. Mais c’est du four d’un poète alchimiste qu’il lance ses incendies. Le sentiment, d’abord tout en tension et en désir obscurs, se mue en plaisir lumineux, aussi fugace que miraculeux. Avant de se déchirer entre la finitude de ce monde et l’orée d’horizons invisibles que seule une joie sans cause permet de percevoir. Comme un feu qui, sans bois, continue de brûler à travers les tristesses du fatidique... Un de ses derniers livres revient sur notre Histoire, celle de la guerre et de
l’exil, les : « Chroniques démiurgiques - Mémorial poétique de Terrefort » en 3 volumes, bilingue occitan français. (Troba Vox éditions, coll. Votz de Trobar Poésie occitane n° 25, 26, 27) Ces poèmes sont une succession d’éblouissements. Ils forment avec ces trois
volumes un mémorial forgé du bronze inoxydable de la parole d’un poète qui a pour vocation de relier les luttes des peuples, passées et actuelles.
C’est de la guerre civile d’Espagne, que montent les cris du poète occitan qui, dès la fin de notre premier confinement, s’est rendu au cimetière de
l’ancien camp de concentration du Vernet d’Ariège où gisent 152 victimes venues de 20 nations différentes, la plupart anciens miliciens de la légendaire « colonne Durruti ». Ce lieu entre Ariège et Garonne est appelé « Terrefort » et Franc Bardou a voulu l’immortaliser de l’exemple de ces combattants tous volontaires, tous « ses héros », par un mémorial du verbe dans les deux langues du poète : l’occitan et le français.

Michel del Castillo, victime infantile de cette guerre fratricide, a témoigné d’un vécu hors de tout préjugé dans tous ses romans ou presque. Pour lui « il y avait deux républiques comme il y avait deux Espagne : une république de l’intelligence et de la beauté [...] et celle des révolutionnaires, brutale et primaire ».(« La vie mentie » Fayard 2007,p 245).

Si l’on en croit del Castillo « Les français pensent avec leur intelligence, les Espagnols vivent leurs pensées avec tout leur corps » (Ibid. p 220) A lire les « Chroniques démiurgiques » de Franc Bardou, l’Occitan réunit ces deux caractères car cette œuvre pensée avec intelligence est aussi un long
frémissement de tout le corps. Franc BARDOU un des auteurs occitans qui marqueront le siècle, est à lire. Par tous, grâce à la traduction française du texte réalisée par l'auteur lui-même. A lire absolument celui qui proclame que "sans amour ni repère, nous sommes tous des exilés. Sans amour, ce n'est plus un chemin, c'est une bombe ouverte.

Pour écouter les émissions du site Les poètes

Horaires

1 (Samedi) 0h00min - 31 (Lundi) 0h00min

Lieu

Radio Occitania

Organisateur

Christian Saint-Paul Radio Occitania

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