décembre 2020

17déc(déc 17)0h00min31jan(jan 31)0h00minThierry TOULZE alias Capitaine SLAMConfinement n° 19

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Détails de l'événement

Le texte s’écrira

« Vivre, c’est se raconter » rappelle Michel del Castillo dans « Le crime des pères » (éditions du Seuil 1993, p 80). Le Slam, c’est se raconter et c’est la vie qui vous irrigue telle une perfusion salutaire donnée par un cœur vaillant et généreux, le temps requis. Car le Slam a ses codes et sa bonne tenue se vérifie dans le respect de ses règles. La poésie est équivoque. Elle s’habille de l’infini de ses contours. L’invariable, c’est la puissance des mots. A eux de nous livrer leur lumière. L’écriture est éclairante qu’elle vienne d’un supplément d’âme, de l’inconscient ou de la grâce.

Encore une fois, c’est de l’intime dont se nourrit la poésie, c’est-à-dire l’écriture du Slam. Le Slam enjambe le piège de la dérision de soi qui emprisonne l’individu et il le libère de ses propres limites. La dérision de soi n’est plus l’obstacle mais le moyen d’accéder à une impertinente envie de vivre pleinement. Le Slam en sacralisant l’humour et l’ironie de toute dérision, pulvérise la représentation idéalisée de ce que nous croyons être. Je ne puis affirmer que toute poésie est iconoclaste, mais le Slam assurément l’est. La beauté a mille canons et aucun n’est formatable parce qu’ils sont contradictoires.

Les canons du Slam, Thierry Toulze alias Capitaine Slam, artiste toulousain qui fonce avec élégance vers l’avenir de la poésie dans notre bonne cité mondine, laquelle se rêve Capitale de la Poésie, les définit avec toute la rigueur et le sérieux qui conviennent :

SLAM : CE QU'IL FAUT SAVOIR Historique et étymologie Le slam a été inventé en 1986 à Chicago par Marc Smith, homme du peuple et ouvrier du bâtiment : voulant éviter le côté mièvre des soirées guindées, il a inventé un dispositif rendant la poésie moins élitiste, plus accessible et surtout plus “rock n' roll”. Le choix du mot slam est d'emblée révélateur : il signifie “Chelem” (c'est à dire tournoi, ce qui implique une dimension sportive), renvoie à l'expression “slam dunk” (smash) voire à “to slam the door” (“claquer la porte”) et sonne un peu comme une invite à faire claquer les mots au lieu de s'en servir mollement, à s'exprimer avec fougue, à avoir de la verve.

Philosophie du slam : La philosophie du slam est à rapprocher des fondamentaux du hip-hop (Love, Peace, Unity and Having fun) mais les codes (vestimentaires, langagiers, rhétoriques, thématiques) y sont moins nombreux. Partage et ouverture d'esprit seront de mise : personnes âgées peu férues de rap, rappeurs radicaux, improvisateurs, conteurs, fabulistes, poètes classiques, raconteurs de blagues et adeptes du stand-up se mèleront. De même, le slam n'est pas sexiste (autant d'hommes que de femmes) et les enfants peuvent participer. En somme, tous les arts de la parole sont les bienvenus, mais il y a des règles à respecter...

Comment se déroule une scène slam ? Le slam n'est pas un style : c'est une certaine manière de se réunir, d'organiser des soirées voire de renouer avec l'esprit des veillées. Inutile de vous inscrire à l'avance, en téléphonant : il suffit de vous renseigner dès votre arrivée pour savoir qui anime la scène et de vous inscrire auprès de cette personne. Cela se déroule souvent dans un bar et parfois sous la forme d'un tournoi. L'animateur(/trice) vous appellera peut-être au tout début : il s'agira de faire partager votre texte au public (le présenter en quelques mots étant possible mais pas nécessaire), un texte court (3, 4 mn. max.) et auto-produit (mais qu'il n'est pas obligatoire de savoir par cœur). Autre contrainte forte : pas d'accessoires ni d'accompagnement musical.

Quelques conseils pour y briller ? Ecrivez sur des sujets qui vous intéressent vraiment. Evitez les lieux communs, le pathos et les sujets trop intimes (deuil d'un proche, etc.) : il ne faut pas être impudique – certes, on peut “se dire”, mais il faut aussi séduire... Allez chercher le public, en ayant le sourire, en introduisant de l'humour, en vous inventant un pseudo amusant, en parlant de sujets connus ou en faisant du “name-dropping” mais sans pour autant vous montrer racoleur – n'oubliez pas que le slam est une contre-culture : on n'est pas là pour faire du M.6 ! Faites en sorte que ce soit vivant, prenant, sincère, intense, habité – faire un texte très rythmé n'est pas du tout obligatoire (mais ne soyez pas trop mou quand même !) La première phrase doit être percutante (de même qu'il faut finir votre texte en beauté). Soyez conscient que l'enjeu n'est pas de se faire mousser mais d'apporter son grain de sel à la soirée. Il faut passer sur scène pour de bonnes raisons. Prévoyez plusieurs textes (le nombre de passages dépend du nombre des participants). Redisons-le : tous les genres sont possibles. L'important est de respecter la contrainte du temps – ne pas le faire est mal vu (surtout si votre texte ne tient pas la route !) Mieux vaut donc miser, surtout lorsqu'on débute, sur des textes très courts (1 mn., 1. 30, 2 mn., pas plus). N.B. : Pour plus d'infos, je renverrai au film Slam de Marc Levin (Caméra d'or à Cannes en 98) où les acteurs (Saul William, Sonja Sohn) sont aussi des slameurs et au documentaire Slam, ce qui nous brûle, de Pascal Tessaud (France Télévision) où plusieurs scènes ouvertes sont captées avec talent.

L’émission « Confinement n° 19 » est dévolue au Capitaine Slam alias Thierry Toulze ou réciproquement. Dans un premier temps nous l’écoutons dans ses œuvres, sur scène avec « Le texte s’écrira », « Total bâtard » et « Bulletin colère ». Plaisir de l’oralité scénique du slam ! Plaisir de rire avec ce « bulletin colère » qui rend hommage au « cancre » de Prévert. Puis je lis les textes de Thierry Toulze, ses poèmes regroupés sous le titre « L’Observatoire de Toulouse ». Car le poète des mœurs est aussi poète des lieux. Si le poète dit les lieux qu’il traverse, ce n’est pas pour écrire ce qu’il connaît et que les autres, s’ils sont de ces lieux, connaissent également. C’est pour en étreindre l’inconnu. C’est le but de l’écriture de révéler ce qui était caché. Telle la douceur que recèle un lieu familier auquel nous nous sommes habitués sans en ressentir ce qu’il contient d’unique et qui lui donne un nouveau sens, parfois bouleversant. Thierry Toulze, un poète authentique au large spectre qui revient dans une autre émission « Confinement n° 21 » dont je vous parlerai bientôt.

Dans l’émission « Confinement n° 19 » je signale la parution d’un roman qui fera date dans l’histoire des romans ayant pour cadre Toulouse et l’Occitanie, celui du poète, également homme de radio et chroniqueur, Francis Pornon : « Mystères de Toulouse, de rose et de noir » TDO éditions, collection Noir Austral, 430 pages, 20 €. Ce roman-événement a fait l’objet par la suite de l’émission « Confinement n° 24 » qui sera diffusée par Radio Occitanie à compter du jeudi 10 décembre 2020. Enfin, je signale la parution toujours attendue de la revue « Nouveaux Délits » n° 67 dont je donne lecture de l’émouvant et brillant éditorial de Cathy Garcia Canalès.

Par ailleurs, j’annonçais au cours de cette émission diffusée dans les temps opportuns, une animation au Centre Culturel Joë Bousquet de Carcassonne où le fidèle René Piniès qui dirige avec succès ce haut lieu de la poésie et de la culture à Carcassonne, avait programmé le 17 octobre 2020 une lecture par Anne Alvaro des « Lettres à Ginette » de Joë Bousquet. Je ne peux que recommander la lecture de ces lettres à nos jeunes gens. Je demeure encore ébloui par l’amitié que me porta Ginette Augier voici plus de quatre décennies. En dernier lieu, elle m’offrit un livre qu’elle venait d’écrire sur « Les demeures de Joë Bousquet » qui remporta un prix de l’Académie Française.

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Extraits de « L’Observatoire de Toulouse » de Thierry Toulze :

L'OBSERVATOIRE DE TOULOUSE (choix de textes pour l'émission « Les poètes »)

STATION-SERVICE ABANDONNEE

Station-service abandonnée
Comme le chanteur chanté par Johnny, Qui te chantera si ce n’est bibi ?
Le dimanche, déprimé,
Je sortais pour me rendre chez toi
Et dépenser quelque argent
Afin d’obtenir chips, pain, pâtes
Et (le tairai-je ?) du vin de table
De médiocre qualité.

Station-service abandonnée, Tu n’existes donc plus
Mais je vois tes vestiges
Du haut de ma fenêtre :

Des tagueurs inspirés
A cœur joie s’en sont donnés, Te bariolant de couleurs vives, Insufflant encore un peu de vie A ce que tu es devenue,
A savoir une ruine, une épave,

Un pan de ma mémoire, Un lointain souvenir
La scorie d’une époque Qu’il vaut mieux oublier.

MIRACLE AUX ARGOULETS

Déprimé aux Argoulets, J'avise un supermarché.
Je m'y achète des victuailles, Victuailles que je tairai
Car elles sont trop grossières Pour figurer dans un poème.

Poème ou pas,
J'engouffre comme un morfale Les dites victuailles.

Sur un banc, seul comme un chien, Je me sens moche et bête :
Où sont passées mes idées D'ascèse et de bouddhisme ?

Au lieu de me livrer
Aux Saintes Austérités, Je bouffe comme un porc Et ce n'est guère hallal.

Surgit un papillon :
Il est tout jaune,
Il est beau,
Et j'ai honte d'être aussi grossier. Je le regarde et ça m'apaise,

Un peu comme Hulk
Séduit par la poésie de l'aurore Ou bien par la beauté
De l'arc-en-ciel qui paraît.

Devant cette merveille,
Je quitte mon enveloppe grossière Et tout léger m'envole
Sur les ailes du papillon.

SUR LE NOM PRESTIGIEUX
DE TROIS RUES TOULOUSAINES

L'histoire de la littérature : Cela encadre ma vie
Et lui donne une forme Voire une direction.

Aussi suis-je toujours troublé quand, Me balladant du côté des Argoulets, Je me retrouve dans une rue Marot, Une rue Andersen ou une rue Boileau.

Dès lors, je ressens
Comme un frisson sacré
Et me sens rassuré, protégé, Comme entouré de fées.

LE SQUARE POTAGER
DU PARVIS JACQUES AURIAC

Square du parvis Jacques Auriac, Tu me ravis Parce que

Tu es composé,
Non d'un radis
(Ce qui aurait rimé),
Mais d'une fraise à bascule, D'un cornichon géant Faisant office de banc

Et de cinq carottes dressées Qui entourent un toboggan.

Se constituant
De pandas sur le dos
Et de dauphins joueurs, Le square Edouard Privat Me séduit moins que toi.

LA RUE AUX CHATS

Dans mon quartier,
Il y a une rue
Que Léautaud aurait aimée : On y croise plein de chats, Surtout la nuit.

Bref, quand je rentre chez moi, Je passe toujours par là.

A chaque fois,
Avec leurs yeux, leurs mouvements, Ils me font une escorte de roi
Et je trouve cela
Dix fois plus classe
Que de remonter les Champs Elysées.

TOULOUSE ET TOULZE

Je renoue avec ma ville Qui me donne de la force. M'enfonçant dans ses rues, Je me renforce.

Déprimé,
Je marche dans Toulouse Et je vais mieux
Et je trouve cela
Féérique et merveilleux.

Requinqué, reprenant vie, je me dis Que mon corps et ma ville
Sont des vases
Communicants.

Ce phénomène est encore D'ordre mystique, automobile, Car si la ville est mon essence, Je suis son petit véhicule.

FRERE ECUREUIL DES ARGOULETS

D'un coup, ça se renverse.

(Valère Novarina)

Un jour que j'avais le cafard,
Que je trainais du côté
Des Stades de la Roseraie,
M'apparut, surgissant d'un fourré,
Un petit écureuil aussi vif que l'éclair.
En trois secondes, il monta dans un arbre. De là, il me considérait

Et je me mis à lui parler :

– Maître Ecureuil sur votre arbre perché, Frère Ecureuil qui tant me fascinez, Pourriez-vous pas descendre
Pour un peu discuter ?

Il ne répondit pas et nous nous regardâmes,
Sa grâce d'écureuil me réjouissait l'âme.
Et je me trouvais bien sot de déprimer ainsi : L'écureuil avait, lui, beaucoup plus de panache.

Bref, je m'en retournai, Requinqué grâce à lui, Plus confiant dans la vie, Sensible à la beauté

Du monde autour de moi. ROSERAIE VERTE

Pour voir du vert,
Pas besoin d'aller voir
La Charmeuse de serpents. Les arbres de mai
Qui me font face
Me satisfont Chromatiquement :
Toutes les nuances
Y sont représentées
Et on devinera, je pense, La moralité qu'il faut tirer De ce poème coloré.

PETITE DAME A LA VESTE ROUGE

Petite dame à la veste rouge, Que je vois passer dans ma rue,

Quelqu'un, en ce moment, pense à toi : C'est moi.

Ta solitude me bouleverse,
Et d'assister à tes promenades Aussi tragiques que quotidiennes.

Tu n'avais pas prévu
Que tu serais si seule. C'est violent, c'est difficile.

Ta réponse, c'est la marche à pieds. Tu trottines tous les jours que Dieu fait Et cela meuble les dites journées
De façon à ce qu'elles passent,

Ces satanées journées,
De façon à ce qu'il y ait quand même Un peu de mouvement.

S'agirait pas de s'abîmer
Dans quelque passion triste,
De s'écrouler comme tant d'autres Qui picolent et qui grossissent.

En marchant, on se montre à soi-même Qu'on ne se laisse pas aller.
On le sait : c'est bidon,
C'est dérisoirissime.

C'est la mort qui viendra Après la solitude
Et personne ne pourra Aller contre cela.

Allons, n'y pensons pas : Marchons ! Marchons ! Et que nos promenades Nous mènent gentiment Vers la fin de la vie.

UN JAPONAIS A TOULOUSE

Soir de victoire
Un homme est triste

Loin de tout ça

C’est un soir de victoire Mais un homme est amer Vanité des klaxons

On rit et on danse Une équipe a gagné Victoire discutable

Concert des klaxons
Et des cornes de brume Toulouse n'est pas zen

Rugby, victoire et fête Bouteilles débouchées Nez rouges à l’horizon

Ville rose en folie Meuglements au dehors Pauvre joie ambiguë

« On est les champions » Dit une chanson
Je ne la chante pas

Si j’en crois mes oreilles Le rugby est un alcool Plus fort que le saké

Le rugby fait crier
Palois et toulousains Mais pas en même temps

Ils disent avoir gagné Mais la défaite adverse Me paraît relative

La mode est donc ce soir Au rouge et au noir Demain : retour au gris

Klaxons, perruques Et chants martiaux Futiles toulousains

Victoire, soit Gagner, peut-être Mais contre qui ?

Semaine terne Samedi fiévreux Transe du sud L'AUTRE MONDE

Ce dimanche, mes pas me guidaient
Vers L'Autre Monde, lieu où allait se dérouler Une petite session slam de derrière les fagots.

Sur mon chemin, je rencontrai Emi, à vélo, Et qui, me voyant, en descendit pour causer.

Pendant ce court trajet,
J'eus envie de lui dire :
– Emi, arrête-toi : j'ai envie de t'embrasser.

Bien sûr je ne le fis point.

Aujourd'hui, sans Emi, Voici que j'arpente
A nouveau cette rue.

Je ne m'étais pas avisé que c'était celle Du Général Gazan, inconnu au bataillon.

Plus loin, je constate
Que le café où nous allions A changé de nom.

Jetant un œil à l'intérieur, Je me rends compte
Que la décoration
N'est plus du tout la même.

Pourtant pour moi,
L'Autre Monde existe encore :

C'est le domaine du souvenir.

Je connais même Un autre monde : C'est celui où J'embrasse Emi.

L'ADIEU A L'ARIEGE

Voici que je longe l'Ariège,
Des sentiers ayant été Récemment aménagés
Pour les promeneurs comme moi.

Au bout d'un moment,
Il n'y a plus de sentier.
On ne peut plus passer :
Ce ne sont que ronces et horties.

C'est à l'image
De ma relation à l'Ariège : Quelque chose,
Dans l'Ariège,
M'a échappé.

Je crois savoir ce que c'est : C'est la veillée, le fantastique, La merveille, le merveilleux...

J'essaie de contrer cela
En lisant des histoires d'Oc : Parfois j'ai un frisson,
Mais ça va pas très loin.

Bloqué par les broussailles,
Je remonte vers des lotissements
Que je n'avais jamais vus.
Puis j'avise une rue Georges Brassens Et une école Nelson Mandela.

J'y vois le signe Que le XX° siècle, Malgré tout, N'aura pas laissé

Que des mauvais souvenirs.

A côté de ces lotissements, Il y a des cages à lapins.

C'est ici que vivait une fille Que j'ai beaucoup aimée.

C'est un lieu dur :
Je n'avais pas compris cela à l'époque.

C'est comme un nouvel éclairage Qui modifie mon souvenir.

Ensuite, je passe devant le collège Où j'ai fait mes études.
Il y a toujours des graffitis
Mais les mots ont changé.

Il y a toujours autant de sentiments Et de cœurs dessinés.

Cela me rend triste
Car je sais qu'il y aura Beaucoup de blessures Et de désillusions.

 

https://lespoetes.site/emmission/emmission.html

 

Horaires

Décembre 17 (Jeudi) 0h00min - Janvier 31 (Dimanche) 0h00min

Lieu

Radio Occitania

Organisateur

Christian Saint-Paul Radio Occitania

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