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Aksinia Mihaylova, Ciel à perdre

Ciel à perdre. Perdu. Etrange. Langue surréaliste, abondance de métaphores filées, mots pris au pied de la lettre. Perversion des sens communs. Il y a tout cela dans « Ciel à perdre » : on se déprend de l’amour et des choses, on se perd à l’intérieur d’un dictionnaire, dont on ne retrouve pas toujours les mots. L’univers est à l’aune d’une imagination vive qui lie la narratrice à ce ciel dont toute sa vie dépend.
Ces longs poèmes où l’on consent à converser de choses et d’autres, à concevoir des personnifications à tour de bras (la nuit avec un renard s’assoit), disent une immense nostalgie du temps décousu, qui s’effiloche, qui est une véritable passoire du réel :c’est pourquoi j’oublie même les mots les plus simples

Cette nuit encore nous restons
cloués à la table en bois
comme deux pierres arrondies

et les hommes ont perdu le nord
car la rose et la soupe
ne vont pas toujours ensemble

La géographie du monde est celle de la peau, des nerfs, de la vie : le sang se colore du monde et « cette vie n’est pas à ma mesure ».

Le banal et l’extraordinaire s’accouplent, les réflexions philosophiques se perdent au milieu des pommes cuites et « je te rends les mots/ je garde ma joie ».

D’où vient que cette poésie porte pourtant ses fruits et nous touche ? De son étrangeté ? De ses associations parfois burlesques de mots prélevés de l’ordinaire ?

En dépit d’une surcharge de métaphores, la langue poétique de Mihaylova promet : elle a en elle ce goût de l’amer et de la perte qui lui donne réellement des ailes.

« Les chiens de l’insomnie grattent toute la nuit à la porte d’entrée »