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Alberto Manzoli, le mythe au coeur de la poésie

traduction et présentation de Marilyne Bertoncini

 

Réduite à deux lignes, accompagnant sa photo,  sur le site des éditons Tapirulan qui publient le poète, la biographie de ce dernier annonce :

 Né n'importe où en 1962, Alberto Manzoli vit et travaille à Parme. Méfiant et Scorpion, il préfère lire lui-même ses vers en public. En ce moment, il vous regarde avec méfiance. »

Sa poésie, primée à diverses reprises,  est publiée en revue et dans des anthologies, il participe au jury d’un concours littéraire, il est aussi l’auteur de préfaces, d’essais (sur le Futurisme en particulier, de monologues et textes dramatiques, et d’adaptations d’auteurs anglophones (Philip Larkin,  Sam Shepard, Derek Walcott).

Mais lui ne livrera pas plus que les deux lignes de sa biographie officielle :  c’est une personne secrète, présente mais discrète – car  contrairement à bien des poètes aspirant à la notoriété, notamment à travers les réseaux sociaux, Alberto Manzoni est réticent à se montrer, conscient que l’œuvre est ce qui importe. Il  l’a fait pourtant  auprès de Lucia de Ioana, sur La Repubblica (je lui dois les citations d’Alberto Manzoli), où il parle à cœur ouvert de son travail d’écriture, de l’importance dans sa vie de la poésie découverte dans l’enfance, devenue essentielle avec son premier achat, Les Fleurs du Mal : « Baudelaire a été pour moi, comme je crois qu'il l'a été pour beaucoup, mon guide vers la poésie. Dès lors, les choses ont simplement commencé à se produire ». Baudelaire, un modèle « dont il faut vite s'éloigner, dit-il – lui préférant «  Dante, la poésie épique nordique et les Gilgamesh, les modernes : Sandro Penna, pour sa grâce foudroyante, Anna Achmatova, pour le don de la tragédie, Fernando Pessoa, pour le don de l'agitation, le calme roi des labyrinthes, Jorge Luis Borges, et l'imagiste Pound. Si je crois que peut-être, pour se limiter au 20e siècle, le poète parfait est Federico Garcia Lorca, qui a réussi à combiner le maximum de popularité avec le maximum de magistère poétique. »  .

C’est tardivement qu’Alberto Manzoli, grand lecteur de poésie « entre en écriture « parce que « la poésie est le seul moyen que je connaisse pour lever la tête de la mangeoire. Regarder par-dessus le bord de l'assiette, voir ce qu'il y a au-delà la haie. Ou du moins, s'imaginer qu'il y a quelque chose ».

S’il publie, c’est  de façon sélective – et lente – d’où une production rare – soutenue par la présence d’un vieux téléphone sur la table de chevet, en guise de carnet sur lequel il note les pensées des franges du sommeil – des « illuminations » suivies de beaucoup de travail : « J'envie les génies qui écrivent un chef-d'œuvre en cinq minutes. Je ne suis pas un génie, et je dois travailler dur ». Quand j’écris, confie-t-il à Lucia de Ioanna, « toute l'œuvre, toute la fabrication, pour reprendre une expression du Caravage, toute la valeur réside dans la traduction de la prise de vue photographique, du regard, de la vue en une vision centrifuge, d'éloignement de le sujet, pas différent de celui de Paul Gauguin. Le poème part d'un point connu et défini (“toujours me fut chère cette colline solitaire” écrit Giacomo Leopardi) (sempre caro mi fu quest'ermo colle et aborde à un rivage totalement inconnu, à l’océan qu’on découvre en écrivant".

De cette traversée de la Mare Incognita de l’écriture surgisse des textes surprenants de modernité et de classicisme dont témoignent les 6 poèmes inédits qu’il nous a confiés, choisissant de les inscrire sous l’égide de L’homme de Lisbonne, pour nous emmener dans un voyage à travers temps et mythe, aux origines de la poésie, dans la Mésopotamie de l'épopée de Gilgamesh, qu'il rend infiniment présente, qu'il fait vibrer comme des instants de vie quotidienne transcendés par la mémoire.

L'uomo di Lisbona

                              (a Mário de Sá-Carneiro)

 

Severo è il sogno, la realtà mediocre,

coltivo l'arte di dimenticare.

Il mondo esterno era inutile e strano,

così ho fatto di me un intero mondo,

e ora senza occhi contemplo le strade e

i passanti, tempo privo di suono,

statua di un falso dio erosa al vento.

Sono qualcosa tra me stesso e il nulla,

un mare basso bugiardo di schiuma,

un sogno immenso risvegliato in nebbia,

e nel mio labirinto mi son perso,

e poco importa se oggi o da sempre,

tutto si spegne in silenzi di piume.

Severo è il sogno, e la realtà si spezza:

ricordo, credo, una famiglia a pranzo

nell'oro di domeniche dissolte,

pallida pace assorta, e la finestra

che passa l'aria tenera di giugno.

Da casa a volte si sentiva il treno.

L'homme de Lisbonne

(à Mario de Sá-Carneiro)

 

Exigeant est le rêve, médiocre la réalité,

Je cultive l'art d’oublier.

Le monde extérieur était bizarre et inutile,

alors je me suis fait tout un monde de moi-même,

et maintenant sans yeux je contemple les rues et

les passants, temps  dépourvu de son,

statue d'un faux dieu érodée par le vent.

Je suis quelque chose entre moi et le rien,

une mer basse à l’écume menteuse,

un rêve immense réveillé dans le brouillard,

et je me suis perdu dedans mon labyrinthe,

et peu importe si ce jour ou depuis toujours,

tout s'éteint dans des silences de plumes.

Exigeant est le rêve, et la réalité se brise :

Je me souviens, je crois, d'une famille au déjeuner

dans l'or de dimanches dissous,

pâle paix absorbée, et la fenêtre

qui offre l'air tendre de juin.

Parfois, de la maison, on entendait le train.

Australopithecus sapiens sapiens

 

Mi muovo qui, in assenza di tempo,

scostando i rami per cogliere i frutti,

e uova e nidi e poi di tanto in tanto

scimmie minori, quando ci riusciamo,

da spartire con le femmine a terra.

Non prendo mai più di quanto mi serve.

Ogni tanto, poi, mi fermo su un ramo,

e il mio sguardo sereno si distende

sopra l’immensa cupola smeraldo

fresca e pulita di recente pioggia,

e al richiamo gioioso degli uccelli,

a questo soffio gentile di dentro,

io mi domando se esiste davvero,

se ciò che alcuni chiamano la morte

non abbia regno che sull’apparenza,

e non sia solo un mutare di forme,

dal minerale al vegetale e oltre

poi, tutto daccapo, e tutto di nuovo,

col cuore in gola, affannato e felice,

questo scendere e salire dal ramo

che non si spezza e che non avvizzisce,

la mammella sempre verde di latte

che non distingue tra figli e figliastri.

 

Ignoro tutto, a parte la foresta.

Così mi pare di sapere tutto

quello che esiste da sapere al mondo,

soltanto gli alberi, i ruscelli, i sassi,

tutta la vita che ci nuota dentro,

che vola, striscia o canta nel mattino,

e che non chiede null’altro che vita.

Questo io so che è la cosa giusta

Se esiste un altro mondo, è sbagliato.

Australopithèque sapiens sapiens

 

Je me déplace ici, en absence de temps,

écartant les branches pour récolter les fruits,

et des œufs et des nids, et puis de temps en temps

de plus petits singes, quand on y parvient,

à partager avec les femelles au sol.

Je ne prends jamais plus que ce dont j'ai besoin.

De temps en temps, je m'arrête sur une branche,

et mon regard serein s’éloigne

par-delà l'immense dôme d'émeraude

frais et propre de la pluie récente,

et au chant joyeux des oiseaux,

à ce doux souffle de l'intérieur,

Je me demande si tout cela existe vraiment,

si ce que certains appellent la mort

ne règne que sur l'apparence,

et ne soit rien de plus qu’un changement de formes,

du minéral au végétal et au-delà

encore, de nouveau tout et toujours,

le cœur dans la gorge, à bout de souffle, heureux,

ce descendre et monter de la branche

qui ne se brise pas et qui ne se dessèche,

le sein toujours vert de lait

qui ne distingue pas entre fils et bâtards.

 

J'ignore tout, sauf la forêt.

Ainsi j'ai l'impression de tout savoir

De ce qu'il y a à savoir dans le monde,

juste les arbres, les ruisseaux, les pierres,

toute la vie qui nage en nous,

qui vole, rampe ou chante le matin,

et ne demande rien de plus que la vie.

Je sais que c'est la chose juste.

S'il existe un autre monde, il est faux.

La dea bianca

 

L’arancia è un frutto d’acqua, e nell’arancia

ogni spicchio trova la sua ragione,

il posto esatto del suo stare al mondo,

sotto il materno velo che lo nutre.

Così è la melagrana, il fico verde

di cui mi adorno e che di me ragiona,

ed ogni mite frutto di stagione

racconta la pienezza senza sfregio

del mio silenzio, del mio dire chiaro,

la neve che non si converte in acqua,

quando sui colli scivola il disgelo.

Sono misura che sorpassa il segno,

e in me non c’è mai stata la frattura,

mai l’esplosione verso il mondo esterno;

intatta io racchiudo l’universo,

e custodisco il mondo e a te lo dono,

a te che innocente mi hai raggiunto.

Nelle tue mani calde, goffe e buone

affido l’uovo che non si è mai schiuso.

Come spiegarti, caro, come dirti

che dal mio grembo deserto di figli

nascono insieme i giorni e le comete,

e boschi e laghi su cui passa il vento,

e prati di rugiada, e in fondo al piano

città che si risvegliano al mattino,

col primo carro che esce nella nebbia.

Tu dormi e non sai nulla, il tuo dormire

ha il soffio dell’agnello che ha lattato.

Riposa ancora, caro, non ti tocco.

Sono pronta, sono nuda, e ti aspetto.

La déesse blanche

 

L'orange est un fruit d’eau, et dans l'orange

chaque quartier trouve sa justification,

la place exacte de son être au monde,

sous le voile maternel qui le nourrit.

Ainsi est la grenade, la figue verte

dont je me pare et qui parle de moi,

et tous les doux fruits de saison

racontent la plénitude sans cicatrices

de mon silence, de mes paroles claires,

la neige qui ne devient pas eau,

quand le dégel glisse sur les collines.

Je suis la mesure qui dépasse le signe,

et en moi jamais il n’y eut de fracture,

jamais l'explosion vers le monde extérieur ;

intacte c’est moi qui contiens l'univers,

et je garde le monde et à toi je le donne,

à toi qui innocent m’a rejointe.

Entre tes mains chaudes, maladroites et bonnes

Je confie l'œuf qui n'a jamais éclos.

Comment t’expliquer, mon cher, comment te dire

que de mon ventre aride d'enfants

naissent en même temps les jours et les comètes,

et des bois et des lacs sur lesquels le vent passe,

et des prairies de rosée, et au fond de la plaine

des villes qui le matin s’éveillent,

avec le premier char qui sort dans le brouillard.

Tu dors et ne sais rien, ton sommeil

a l'haleine de l'agneau qui vient d’allaiter.

Repose-toi, mon cher, je ne te touche pas.

Je suis prête, je suis nue et je t'attends.

Monologo di Tammuz il pastore

 

Quanto è distante il cielo dalla terra?

Non molto forse, se io qui, supino,

disteso in mezzo all’erba appena nata,

la testa volta indietro alla collina,

guardo le greggi pendere dal prato,

nette contro l’azzurro che si stampa,

come le nubi quando cambia il tempo.

E in questo volo basso e rovesciato

sta forse tutto il trucco delle cose,

che sembrano banali, e sono sacre:

il letto, le scodelle, l’acqua, il fuoco,

l’erba e l’agnello che consuma l’erba,

e il ferro che alla fine chiude entrambi.

E tutti quei silenzi e spazi vuoti

in cui mi formo come la giuncata

che metto ad asciugare nei cestini

e sgoccia a notte, lenta, sulla paglia,

e la fatica ancora, e il pane duro

che riconforta la mia quiete all’ombra,

quando il Leone infuria e insieme al gregge

mastico adagio, gli occhi fissi al mare.

È il mio mondo, evidente e segreto,

vasto quanto la ronda del mio abbraccio.

Lo tengo insieme con sangue e sudore e

nessun filosofo, nessun poeta

è il benvenuto qui. Basta la vita,

la sola vita è già preghiera e canto.

E il canto si fa più dolce e disteso

quando alla sera, assieme ai pochi amici

ci raccontiamo la nostra giornata,

beviamo in pace un bicchiere di vino,

e in pace ognuno torna alla sua casa.

Qui il rito si ripete: a mani giunte

sorreggo la scodella con la zuppa,

poi vado al lavatoio e spengo il lume.

E un po’ più tardi, dopo il primo sonno,

la rapazzola sotto la finestra

si schiara al primo raggio della luna

che va sorgendo quieta tra i cipressi.

In breve la mia attesa avrà il suo scopo,

il gatto si spaventa e fa la gobba,

sotto la tela sento le tue forme

lievitare come soffice pane.

Domani devi dare l’acqua ai porri,

zappare le patate e dargli il verde.

So che sai questo, e molto altro ancora,

di cose che non potrò mai capire,

e non mi dirai mai, e non mi offendo;

e so che non ti offendi, se un pastore

a notte alta dorme ancora un poco.

Monologue de Tammuz le berger

 

Combien y a-t-il du ciel à la terre ?

pas grand-chose peut-être si, allongé ici,

le dos au milieu de l'herbe à peine née,

la tête tournée vers la colline là derrière,

Je regarde les troupeaux suspendus dans le pré,

précis contre l’azur qui s’imprime,

comme les nuages lorsque change le temps.

Et dans ce vol bas et inversé

Se trouve peut-être toute la magie des choses,

qui semblent anodines, et sont sacrées :

le lit, les bols, l'eau, le feu,

l'herbe et l'agneau qui mange l'herbe,

et le fer à la fin qui interrompt les deux.

Et tous ces silences et ces espaces vides

dans lequel je me forme comme la jonchée

que je mets à sécher dans les paniers

et qui s'égoutte lentement sur la paille la nuit,

et la fatigue encore, et le pain dur

qui réconforte mon calme à l'ombre,

quand le Lion fait rage et qu’avec le troupeau

Je mâche lentement, les yeux fixés sur la mer.

C'est mon monde, évident et secret,

vaste comme l’ étreinte de mon bras.

Je le maintiens avec sang et sueur et

aucun philosophe, aucun poète

n’est bienvenu ici. La vie suffit,

la vie seule est déjà prière et chant.

Et le chant devient plus doux et détendu

quand le soir, avec quelques amis

on se raconte notre journée,

buvons un verre de vin en paix,

et en paix chacun rentre chez soi.

Ici le rituel se répète : mains jointes

Je tiens le bol avec la soupe,

puis je vais au lavoir et j'éteins la lumière.

Et un peu plus tard, après le premier sommeil,

la paillasse sous la fenêtre

s'éclaircit au premier rayon de lune

qui s'élève tranquillement parmi les cyprès.

Sous peu mon attente atteindra son but,

le chat a peur et arque l’échine,

sous la toile je sens tes formes

lever comme un pain moelleux.

Demain il faut arroser les poireaux,

biner les pommes de terre et leur donner du vert.

Je sais que tu sais cela, et plus encore,

des choses que jamais je ne comprendrai,

et jamais tu ne me les diras, et je ne m’offense pas;

et je sais que tu n'es pas offensée, si un berger

au cœur de la nuit dort encore un peu.

Lamento di Enkidu

 

Gilgamesh ordinò al cacciatore:

“Va’, e porta la prostituta Shamhat con te.

Quando gli animali selvaggi si recheranno all’abbeverata,

falla spogliare, fa’ che mostri il suo sesso.

Enkidu la vedrà, le si avvicinerà,

e allora i suoi stessi animali, quelli con cui è cresciuto,

non lo riconosceranno più.”.

 

 

La lepre. Il toro. L’ape e il leone:

le grandi anime sono capaci

di grandi silenzi e grandi segreti.

Sarà per questo forse che al ricordo

dei giorni andati, quando ero divino,

quando scorreva senza distinzione

la vita tra me e ciò che non ero,

il cuore mi si stringe come un pugno;

e allora grido, e il grido cade in nulla,

la mandria fugge ancora e mi abbandona.

Io, Enkidu, ero uno di loro:

e nei tramonti e nei mattini immensi

ero silenzio e sogno e alba certa,

avevo i loro occhi e la visione,

e in dono un mondo di pascoli e rivi.

Adesso non sono più nulla: gemo,

ridotto a forma umana senza scampo,

ad un pensiero conforme e banale;

e al passo di un inverno che si guasta

contemplo l’acqua pura del disgelo,

e il folto dei comignoli sul tetto

a sfidare la luce che si allunga

verso frontiere franche, mentre insieme

quieti alla nostra fine scivoliamo.

E in questo scarto tra rumore e suono,

seduto sul gradino presso all’uscio,

mondando le insalate per la cena,

ricordo il fuoco della mia potenza,

quando correvo assieme al vento caldo

piegando a terra le erbe con l’amore

più crudo e nel mio corpo trionfante

era la mia certezza e il mio destino.

 

Poi, nel bagliore di un giorno assetato,

senza che avessi sospetto o sentore,

venne la bella. Sapeva di rose.

Complainte d'Enkidou

 

Gilgamesh ordonna au chasseur :

"Va, et emmène la prostituée Shamhat avec toi.

Quand les animaux sauvages viendront à l’abreuvoir,

fais-la se déshabiller, laisse-la montrer son sexe.

Enkidu la verra, il s'approchera d'elle,

alors ses propres animaux, ceux avec qui il a grandi,

ne le reconnaîtront plus. ».

 

 

Le lièvre. Le taureau. L'abeille et le lion :

les grandes âmes sont capables

de grands silences et de grands secrets.

C'est peut-être pour cela que la mémoire

des jours passés, quand j'étais divin,

quand coulait sans distinction

la vie entre moi et ce que je n'étais pas,

mon cœur se serre comme un poing ;

alors je pleure, et le cri tombe dans le néant,

le troupeau à nouveau s'enfuit à et m'abandonne.

Moi, Enkidu, j'étais l'un d'entre eux :

et dans les couchants et les matins immenses

J'étais silence et rêve et aube certaine,

J'avais leurs yeux et leur vision,

et le don d’un monde de pâtures et de rivières.

Maintenant je ne suis plus rien : je gémis,

réduit à une forme humaine sans issue,

à une pensée conformiste et banale ;

et au passage d'un hiver qui se gâte

Je contemple l'eau pure du dégel,

et la forêt de cheminées sur le toit

défiant la lumière qui s'étire

vers des frontières ouvertes, tandis qu'ensemble

calmes vers notre fin nous sombrons.

Et dans cet écart entre le bruit et le son,

assis sur le pas de la porte,

nettoyant les salades pour le repas du soir,

Je me souviens du feu de ma puissance,

quand je courais avec le vent chaud

pliant les herbes au sol de l’amour

le plus cru et que dans mon corps triomphant

étaient ma certitude et mon destin.

 

Puis, dans la lueur d'un jour assoiffé,

sans que je m'en doute ou que je m'en aperçoive,

vint la belle. Et un parfum de rose.

Lamento di Gilgamesh

 

Di colui che vide ogni cosa  voglio narrare al mondo;

di colui che apprese e che fu esperto in tutte le cose. (…).

Vide ciò che era segreto, scoprì ciò che era celato,

e riportò indietro storie di prima del diluvio.

Percorse vie lontane finché, stremato, trovò la pace.

Sin–leqe–unninni, prologo del Racconto di Gilgamesh

 

Non c’è partenza che non mi assomigli,

nel vuoto delle stanze abbandonate.

Ho visto l’alba sopra le montagne

nelle foreste odorose di cedri,

e poi il giorno diventare vecchio,

e non rispondere alla mia domanda.

Conosco l’arte occulta del serpente,

ma come lui non so cambiare pelle,

quando a ponente si affaccia il mattino.

E tutta questa scienza a che mi serve?

L’innocenza è lontana e mi deride,

così come lontana è la pienezza

che mi credevo di acciuffare in corsa,

come la lepre il cane. Insomma, niente,

c’è più verità in un mazzo di fiori

che in tutti i libri di filosofia,

il mondo parla semplice e pulito,

e noi non lo ascoltiamo, questo è il punto.

In un paese al di là del vento

riposa l’ombra della mia speranza,

e tra noi due sta, tenera e paziente,

la quotidiana anomalia dei giorni.

Così mi siedo e aspetto, sulla torre

il fiato soffocante del deserto

mi porta a tratti il richiamo di un cane,

mi dice quanto è solido il silenzio,

quanto profondo il buio sulle case.

Io sono il re di un regno che ho lasciato,

non resta che il mio corpo solamente e

non c’è viandante, non c’è mietitore

che non invidi perché non è me.

Ad uno ad uno vedo nel vallone

spegnersi i fuochi nei campi e sulle aie.

Anche stanotte, placida e serena,

sui mari quieti, sopra le pianure,

la luna aggira il mondo e voi dormite.

Complainte de Gilgamesh

 

De celui qui a tout vu, je veux parler au monde ;

de celui qui apprit et fut expert en toute chose.(…).

Il vit ce qui était secret, trouva ce qui était caché,

et ramena des histoires d'avant le déluge.

Il parcourut des routes lointaines jusqu'à ce que, épuisé, il trouve enfin la paix.

Sin – leqe – unninni, prologue du Conte de Gilgamesh

 

Il n'y a départ qui ne me ressemble,

dans le vide des chambres abandonnées.

J'ai vu l’aube sur les montagnes

dans les odorantes forêts de cèdres,

et puis j’ai vu vieillir le jour,

sans réponse à ma question.

Je connais l'art occulte du serpent,

mais je ne sais comme lui changer de peau,

quand au ponent  se montre le matin.

Et toute cette science à quoi me sert-elle ?

L'innocence est loin et se moque de moi,

De même que la plénitude

que je croyais saisir dans ma course

comme le lièvre le chien. Bref, rien,

il y a plus de vérité dans un bouquet de fleurs

que dans tous les livres de philosophie,

le monde parle simple et net,

et nous ne l'écoutons pas, c'est le problème.

Dans un pays d’au-delà du vent

repose l'ombre de mon espoir,

et entre nous deux se tient, tendre et patiente,

l'anomalie quotidienne des jours.

Ainsi je m'assois et j'attends, sur la tour

le souffle étouffant du désert

m’apporte parfois l'appel d'un chien,

me dit à quel point le silence est solide,

combien profonde la nuit sur les maisons.

Je suis le roi d'un royaume que j'ai quitté,

Il ne me reste rien que mon corps et

il n'y a voyageur, il n'y a moissonneur

que tu n'envies car il n’est pas moi.

Un par un je vois dans la vallée

S’éteindre les feux des champs et sur les aires de battage.

Même ce soir, placide et sereine,

sur les mers tranquilles, sur les plaines,

la lune fait le tour du monde et vous dormez.