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Amphise

 

Je sortais de moi lentement,
Je fus pris dans un beau vent souple
Chaud comme un naseau de jument
Et velouté comme sa croupe.
Et tous les regards forestiers,
Perles de givre dans les branches
Ou tapis comme les pervenches
Me regardaient qui m'éloignais.
Ils m'en voulaient de cette fuite,
Car j'abandonnais ma forêt
Intime et sourcilleuse et triste
Pour un beau vent bien moins secret.
Ils me reprochaient mon envol,
Leurs yeux me perçaient durement,
Mais le vent baissa jusqu'au sol
Et moi j'ai enfourché le vent...
Celui qui passe les limites
Des âmes d'hommes interdites
Jusque là par manque d'amour,
Celui qui se gorge d'espace
Et celui du lit de la Grâce
Dans sa croisière au plus long cours.
Mais comme il emportait au corps
Les relents de toute contrées,
D'un coup je tirai sur son mors
Et retournai vers ma forêt,
Galopai sa plus longue laie
Fis un grand courant d'air doré
Où me suivaient biches et cerfs,
Tendis les branches violemment,
Entraînai tout dans mon élan,
Ma forêt qui devenait blonde
Comme le soleil l'animait ;
Et j'ai chevauché sur le monde
Porteur de tout ce que j'aimais...