passeur
tu portes un cœur tout en cendres
sec comme les prairies d’hiver
doux comme le fil de lumière
que tu tisses des ailes de libellule.
Complicité
Tu m’inventes ainsi
banquise de feutre et
précipice inondé par des micro-ondes.
Quel mystère guettes-tu sous mes lèvres
parmi les muscles et
l’odeur des rives chaudes et somnolentes ?
Par quelle nuit partirons-nous ?
Faut-il bannir ce mirage beige
que nous voyons surgir
sous notre regard émerveillé
pour éviter l’inévitable
abandon
des rêves perdus ?
Jeu de mort
Je ne comprends rien de cette musique
quasi solennelle que tu tiens à m’offrir
des couchers de soleil inventés par des fantômes,
ce qu’on dit n’a rien à faire avec toi
tu es fardeau et mystère, porte-parole du vide
mon permis de conduire aux Enfers,
ce qu’on dit de moi n’a plus de sens
je patine en solitude sur les lacs endormis
vestige du passé à moitié submergé,
le jour étincelle et tes paupières
s’abaissent de plus en plus,
on dirait que cette musique te tue
t’invente des histoires invraisemblables
des dissonances enfin libérées
ta mélodie m’agace
me cloue de stupeur
je ne comprends rien des cendres
au-dessus de ton cœur accablé.
Quel corps sera le nôtre
quand la pluie rouge
coule sous le poids
des pierres soulevées
par le vent néfaste ?
Serons-nous de chair et d’eau
ou la nuit nous emportera-t-elle
vers d’autres royaumes
dans son ventre mauve
où gisent l’ours polaire et
les toucans rouges et verts
des grandes forêts incendiées ?
précision
les astronomes ont déjà marqué
l’année où tout a basculé
le sens des mots
les liens entre les voyelles et
ton regard effaré.
Sous le signe du Totem
Comme une aile de neige fine
comme une poussière granitique
filtrant à travers tes yeux encore ouverts
le vent passe sur nous
met ses longs filaments de feu et de froid
tout le long de nos corps gisants.
*
L’étoile rouge de ta naissance
virevolte au-dessus du lac
danse autour du totem jaune et bleu
s’accroche dès l’aube à l’écorce du bouleau
planté par le peuple de l’autre rive.
*
Rive soyeuse et terne
faite d’ombres et de poussières
fragile mirage incomplet
où nous retrouvons
des figures solennelles d’animaux sauvages
aux yeux de cobalt et de lave
il n’y a plus de corps ici
tout scintille sous le coup des illusions futures.
apparition
le cerf a gagné les hauteurs.
nous oublions peu à peu
l’étrangeté de nos regards numérisés.
miroirs
tu marches si lentement
que ton regard devient
la passoire fugitive
des paysages abîmés.
Noyades
La mer me ronge les yeuxdévore l’iris avec le sel
de ses miroirs
je ne vois plus que des cristaux détachés
et tu me dis que tout ce silence autour de nous
n’est que rêve et illusion
je ne sais pas nager
la terre me hante encore
si mes yeux me trompent
je n’aurai que la voix des sirènes
pour me guider aux rives flamboyantes
de ton asile imaginaire.
Disparitions
Quand la nuit devient trop friable
et tes mains ne tiennent
que la distance des mots
le silence du sang refusé
par la foule indiscrète
nous continuons à saigner la lune
extraire de ses silences
la foudre de ton absence.