1

Anthologie : 20 poètes grecs contemporains

Par ses choix et ses traductions, Marie-Laure Coulmin Koutsaftis, soutenue par les éditions Le Temps des Cerises et ici éditée par la Biennale Internationale des Poètes en Val-de-Marne, et donc de l’éditeur poète Francis Combes, offre une première somme à ses lecteurs. « Première », car la maîtresse d’œuvre de l’ouvrage annonce la venue prochaine d’un deuxième volume afin de combler les « lacunes » de celui-ci, et aussi d’intégrer des poètes plus jeunes. Cette parution vient compléter ce qu’il est déjà possible de lire en français concernant la poésie grecque contemporaine, un complément qui est le fruit de l’enthousiasme engagé de Coulmin. Elle commence d’ailleurs sa présentation ainsi : « Publier une anthologie bilingue de poésie grecque, en ces temps dramatiques pour le pays, représente un acte de soutien et de solidarité, une manière d’affirmer que la voix des artistes grecs ne va pas se perdre dans le fracs des ruines ; c’est faire retentir cette langue dans la nuit européenne qui s’abat, pour contribuer à alimenter le feu et attendre l’aube, oui, l’aurore aux doigts de rose [Homère], notre aube des lendemains qui chantent ». Un enthousiasme communicatif en ces temps sombres – pour la Grèce comme pour l’Europe. Et une parution qui est bien sûr un encouragement (qui en douterait du côté du Temps des Cerises ?) à la fois à lire les poètes grecs contemporains et à faire acte de solidarité envers un pays meurtri, pas n’importe quel pays, la Grèce. L’aube de notre civilisation, par nombre d’aspects dit-on. C’est pourquoi (au moins l’une des raisons) les militants de droite dure qui font des actes de violence en Grèce le font sous le nom d’ « aube dorée », et c’est aussi pourquoi l’on n’insistera pas plus ici sur les références à « l’aube », sinon pour dire qu’apparemment la maîtresse d’œuvre de cette aventure poétique ne pense pas à ce groupuscule (avec députés) en lançant un appel à « notre aube des lendemains qui chantent ». Coulmin y pense sans doute d’autant moins que ladite présentation cite les poètes grecs qui, au siècle passé, ont obtenu le Nobel de littérature et… le prix Lénine. Disons le tout net, nous avions perdu l’habitude de voir citer ce prix Lénine comme référence littéraire, le Temps des Cerises a ce petit côté vintage que l’on aime bien (ou pas). Cela me rappelle ma prime jeunesse, dans la banlieue rouge, égarée entre Pif gadget, Rahan et la liberté sexuelle (pour les mâles dominants du moins).

L’immense majorité des poètes ici présentés (18 sur 20) sont nés avant 1960. Ils sont pour la plupart inscrits dans la tradition ou lignée politique dont on se revendique du côté du Temps des Cerises et du Val-de-Marne. Ceci n’est pas une critique, une anthologie étant par nature et essence (car la nature et l’essence de quelque chose, cela existe) choisie. Ce n’est pas ce qui importe, non, ce qui compte vraiment c’est la force de l’atelier présenté, et de ce point de vue le lecteur de cette anthologie ne sera pas déçu, bien au contraire ! Il y fera de belles retrouvailles (Thanassis Hatzopoulos par exemple, dont un récent recueil a paru chez Cheyne) ou découvertes, comme, dès les premières pages, Titos Patrikios ou Yiorgos Skouroyiannis. En réalité, beaucoup de très belles choses dans cette anthologie : les longs poèmes de Katerina Anghelaki Rooke, la force de ceux de Michalis Ghanas, l’ode à la liberté – sous le regard d’Eluard – de Leftéris Poulios, les visions d’Anastassis Vistonitis ou encore l’humour philosophe d’Andonis Fostieris… Mais Ce que signifient les Ithaques dépasse amplement le fait de citer quelques noms de poètes, c’est dans l’ensemble une anthologie forte et d’une certaine manière cohérente. Une anthologie à lire, très certainement.