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Apollinaire, Le Flâneur des deux rives

Encore un tout petit volume qui tient bien dans la poche du promeneur qui le consulte – encore que ce « flâneur des deux rives » puisse se lire comme un immobile voyage dans le temps.

Merci aux éditions de l’éclat, dirigées par Michel Valensi et Patricia Farazzi, à qui l’on doit la superbe préface fort poétique de cette réédition accompagnée d’un dossier photo fort intéressant, et d’une note sur le texte où l’on analyse le montage « cubiste » - à la façon des œuvres des amis du poète, Braque, Picasso ou Juan Gris - de ce petit livre (dont les « papiers collés » reproduits en fac-similé aident à comprendre la construction) qui refond, réduit, enrichit – retravaille -  des articles antérieurs ((les pp. 124-125 retracent la composition des différents chapitres)), sans doute à la demande de Blaise Cendras et Jean Cocteau pour les Editions de la Sirène.

Etrangement, nous dit cette note, ce livre – posthume – n’est pas évoqué, sinon dans deux lettres à Cocteau, comme s’il appartenait « à une intimité secrète » du poète, « comme l’ombre « frappée en plein cœur » par un éclat d’obus de La Promenade de l’ombre, évoluant sans corps dans les rues de « la petite ville », Le Flâneur suit le parcours dérobé d’un rêve éveillé (…) »

Qu’on l’ait déjà parcourue, dans l’édition de La Pléiade, ou dans l’une des éditions originales, cette flânerie apollinienne – outre la préface que je recommande vivement – a tous les charmes mélancoliques d’une promenade entre lieux réels et imaginaires, aux sources de la création apollinarienne qui,  ainsi que l’écrit Patricia Farazzi, est bien proche de la nôtre, génération d’ « enfants nés entre les brouillards et les tournants des siècles (qui) avons appris à marcher sur des pavés inégaux. Aussi inégaux que nos classes sociales et nos conditions de logement, comme on disait encore alors. Funambules sans rire au fil de son eau sombre, charriant embarcations et suicidés » - « jeunesse » si proche de Guillaume que l’on ne peut que le tutoyer, le lire les larmes aux yeux.

Apollinaire, Le Flâneur des deux rives, éditions de l’éclat/éclats,
avec une photographie de l’auteur et quelques illustrations,
préface de Patricia Farazzi, 128 p , 7 euros.