1

Roman d’amour par Romain Fustier

Il disait :

elle s’en est allée
dans le soleil fraîche légère
avec son vélo qui va

 

Romain Fustier, Dans la chambre tes bras, Editions Musimot. 10€. musimot.43@orange.fr   

 

 

& qui vient avec elle
robe à fleurs d’été
sur les pédales ses sandales
où moulinent à vent tiède
Ses ronds mollets qu’elle

au mitan de septembre a
encore hâlés  quand elle ainsi
monte à bicyclette & roule
en cipède par les rues
que dore blondes la lumière
de ses jambes ad hoc

 

Une célébration dans le recueil : Des fois des regrets comme. En 2011.

Ce poète écrit dans la joie du vivre, des aubes belles, des voix d’enfants comme venues du jardin, des corps cachés dans l’herbe. Regain que sa poésie qui pousse sur un monde malade mais dont il n’est pas dupe, sachant  s’arrêter sur la beauté des choses.

Romain Fustier c’est un moineau venu se poser sur votre épaule, si léger qu’on ne le remarque pas, habitués que l’on est à son manège et puis, peut-être plus léger encore que le moineau s’impose le petit livre sur la table de la cuisine, qu’il vient de déposer, aux pages brèves, aux mots brulants, supplique à l’amante, la maitresse, sa passion, sa vie.

Il sait dire l’essentiel de l’homme et l’odeur du gravier mouillé après la pluie. Sa foi en l’autre se déverse avec délicatesse dans chacun de ses livres.

Il est temps de s’en rendre compte !

Dans la chambre tes bras : l’être aimée est au cœur de la maison, tout autant désirée. Si petit nouveau livre, plein de baisers, cuisses, hanches, plein du corps de l’aimée dans la légèreté du poème, entrouvert sur le vide qui nous sépare des amants réunis, dans la lumière aussi, précieuse, abondante, vers les lacs, les sources, là-bas…

Dans la chambre tes bras : ce texte est un murmure, un soupir, un plein d’amour.

 Ce dont nous parle l’auteur, c’est le monde de sa vie, oui, de cela, son quotidien comme l’aboutissement de la nuit, de son temps sur la terre, le temps de sa passion comme objet d’une autre vie qu’il ne nous est pas donnée de connaitre, juste ces quelques mots offerts.

Pour le poète l’essentiel est ailleurs : au cœur de la chambre, là où l’amante désirée attend dans l’indifférence du plaisir : elle sait sa venue, elle connait son désir.

Et cela sera riche :

 

ton estive au cœur de nos hivers 

 

Romain Fustier nous propose un équipement de survie. C’est comme ça le monde, ton corps, ton sexe, mon voyage.

 

dans la chambre tes bras 

 

il nous dit :

 

 ton visage qui s’ouvre

 

il nous dit :

 

les labours que tu es 

 

et dit :

 

tu es abondance en toi 

 

Cette adresse ne peut qu’être brève (une trentaine de pages), plus longue elle fût indécente : la fièvre est toujours passagère sinon elle nous emporte. La vie des autres déconcerte toujours : là, je sais qu’il ne faut pas des heures pour dire l’essentiel à l’être aimé.

L’auteur ne nous laisse pas sur notre faim, juste, il nous fait un petit signe : vers sa lumière.

 

 

Présentation de l’auteur

Romain Fustier

Textes

© Crédits photos (supprimer si inutile)

Poèmes choisis

Autres lectures

Romain Fustier est né en 1977 à Clermont-Ferrand. Il a passé son enfance et son adolescence à Gerzat, dans la banlieue ouvrière de cette ville. Après l’obtention de son baccalauréat, il entreprend des études de lettres en classe préparatoire puis à la faculté de Clermont-Ferrand, où il rencontre Amandine Marembert, qui devient sa compagne. Ils fonderont ensemble, au cours de leurs années étudiantes, la revue et les éditions Contre-allées.

Romain Fustier vit aujourd’hui à Montluçon.

Bibliographie 

Le volume de nos existences. Décharge & Gros textes, 2006.
Négatif photo de la muse. Le Chat qui tousse, 2007.
Une ville allongée sous l’épiderme. Éditions Henry & Écrits des Forges, 2008. (Prix des Trouvères, 2007)
Boîte automatique du crâne. E-book. Publie.net, 2009.
Les yeux assis sur la plage. Éditions de l’Atlantique, 2010.
Habillé de son corps. Rafael de Surtis, 2010.
Des fois des regrets comme. Éditions des États civils, 2011.
Dans nos intérieurs. In Anthologie Triages. Tarabuste, 2011.
Mal de travers. Clarisse, 2012.
Rembobinant l’extérieur. Éditions du Cygne, 2012.
Mon contre toi. Éditions de l’Atlantique, 2012.
Infini de poche. Éditions Henry, 2013.
Bois de peu de poids (été-automne). Lanskine, 2016.
Bois de peu de poids (hiver-printemps). Lanskine, 2017.
Dans la chambre tes bras. Musimot, 2019.

Ricochet. Peintures de Daniel Bambagioni. Poïein, 2019.
Panoramiques. E-book. Éditions Qazaq, 2020.
Jusqu’à très loin. Publie.net, 2021.

Un même pays potager. Atelier de Groutel, 2022.

Autres lectures

Roman d’amour par Romain Fustier

Il disait : elle s’en est allée dans le soleil fraîche légère avec son vélo qui va   Romain Fustier, Dans la chambre tes bras, Editions Musimot. 10€. musimot.43@orange.fr        [...]




Sur la voix chamanique de Carole Carcillo Mesrobian

Sur la voix chamanique de Carole Carcillo Mesrobian

 

 

La poésie de Carole C. Mesrobian n’est pas un leurre, ni un don, pas un travail, non, c’est une porte qui s’ouvre au fil de la lecture sur un monde en expansion, qui jamais ne s’arrête, une exaltation vitale, une souffrance aussi, indispensable au vivre, qui nous prend, tout, et nous chamboule et nous laisse k. o. :

 

Je porte manteau de vieillesse et parole de nouveau-né (1)

 

Carole C. Mesrobian nous met au pied du mur : franchirons-nous le seuil ? Après-nous le déluge disent certains qui se contentent d’un quotidien blafard ; avec l’auteure, la parole tombe juste, définitive… pas d’anecdote, elle vise l’essentiel :

 

Et tu cherches dans les mains dans tes poches
Pour t’offrir le feu
Les briques ont pali comme un tison éteint
Quel entonnoir est l’existence
A regarder où s’en va la culbute
Où passeront nos os sur un rythme de chute (2)

 

Carole Carcillo Mesrobian et Jean Attali, Le sursis en conséquence, Les éditions du littéraire, 92 p, 2017, 15€

Carole Carcillo Mesrobian, Le Sursis en conséquence,
dessins Jean Attali, Les Editions du Littéraire, Paris, 2017.

Elle est de ceux qui ne sont pas sortis indemnes de l’existence :

 

J’ai des siècles endormis
Aux sillons de mes mains
Et je connais déjà la mort  (2)

 

Si il y a plusieurs façons d’écrire et de lire la poésie, là, c’est de saisir la vie à bras le cops dont il est question :

 

Il est des matins obscurs et des soirs livides
Le corps des voûtes enclos nos âmes

 Ecrire répand nos doutes comme un sang vaniteux
sur une vacuité irréductible  (1)

 

et cela de toute urgence, sans rien laisser passer. Tout aussi bien nos peurs, tout autant le regard sur le monde et son cortège de malheurs :

 

Combien de labyrinthes
Combien de sépultures
Et de siècles la feinte
Pour atteindre l’azur  (1)

Au fil des livres, au gré de la vie, Carole C. Mesrobian nous donne à lire ses attentes, ses doutes, ses frayeurs. Elle publie aujourd’hui : A part l’élan, mis en scène par Jean-Jacques Tachdjian, mais le ton a changé. L’élan des poèmes tend vers la fraternité, l’écriture se veut mouvement, tension vers l’autre, impulsion. L’auteure, la douleur passée, se souvient de l’autre et compose avec lui :

 

Tes bras de ronces tendus
Transpercent la clôture
Une maison le rêve troué fenêtres écloses
Git sous l’ardoise crayeuse des mémoires  

Carole Carcillo Mesrobian, A part l'élan,
La Chienne éditions, 2019.

la parole prend chair, la curiosité l’emporte et du détail surgit l’essentiel :

 

Et puis dans le murmure d’oiseaux désemparés
Le mouvement des heures

Jusqu’à ne plus peser  

 

douleur aussi qui nous dit le fossé entre l’homme et son image, la vie ce mirage, ce :

 

partir vivre comme on va mourir  

 

belle incohérence comme un appel aux esprits au fond d’une profonde nuit, de celle où tout se dit, où tout s’entend.

 

 

 

Carole C. Mesrobian nous guide car elle possède les clefs du ciel. Avec elle nous pourrons survivre en toutes saisons, cela un peu à la manière d’une transmission ;  elle nous dit : allez-y tout est permis.

Cette écriture face au vide qui menace nous maintient à flot, avec elle nous pourrons rester sur le rivage.

Et puis, lire A part l’élan : c’est regarder. Soixante trois pages dynamitées par le talent de Jean-Jacques Tachdjian qui revisite chaque poème en un calligramme de son imagination. Ce recueil est un bijou d’art graphique poussant les mots vers l’espace, libérant les phrases du carcan de la ligne, du caractère ou de quoi que ce soit.

Alors, oui, c’est bien d’un voyage dont il s’agit ici : poétique, humain et graphique.

 

∗∗∗∗∗∗

 

  1. Aperture du silence ; PhB éditions ; 2018.
  2. Le sursis en conséquence ; Les éditions du Littéraire ; 2017.