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Estelle Fenzy, Une saison fragile

Quel beau titre ! Inspiré, inspirant et suggérant d’emblée le sens de la nuance, de la vulnérabilité, de tout ce qui risque de défaillir. Avant même d’ouvrir le recueil, on sent une délicatesse à la japonaise à cause du mot « saison » bien sûr et à peine le livre ouvert, on se dit que l’on ne s’est pas trompé, que la poète a choisi le poème court, haïku ou pas, mais court, à vif, nerveux, saisissant l’état d’âme, saisissant au vol la douleur, le chagrin, juste par des évocations simples, concrètes, sans emphase, en mineur, en sourdine.

Seule
dans ma cuisine
 j’écoute
la fumée de ma tasse
devenir poème » p. 24

Le recueil est réparti en quatre parties, dont la première donne le titre à l’ensemble. Ce premier regroupement rejoint l’intime par divers moyens : le je seul ; le je et tu ; le mode réflexif à la troisième personne sous forme d’aphorismes à teneur plus universelle.

Il y a des mots
qui meurent
avec les gens

 Je n’ai pas dit
Papa
depuis longtemps » p.14

               ∗

Il est insupportable
le silence que tu fais » p. 23

               ∗

Un poème
c’est peut-être
une mémoire à atteindre » p.27

Estelle Fenzy, Une saison fragile, La Part Commune, 2023, 105 p. 13,90 €.

Mais quelle que soit la façon d’envisager l’énonciation, selon le jour de l’écriture, l’état d’esprit d’Estelle Fenzy au moment où le poème naît, c’est à chaque fois une facette de l’expression du deuil qui se manifeste et pour chaque lecteur, les mots choisis résonnent intimement.

Le soutien à cette mélancolie liée à l’absence définitive, la poète le doit au poème, à ce moment privilégié où pour un instant, la douleur est suspendue malgré la douleur par la résurrection de l’être aimé dans les mots mêmes qui l’évoquent :

J’ai gardé
tes chaussures préférées
pour que tu reviennes
marcher dans mes rêves p.14

Ce n’est sans doute pas pour rien que dans ces pages l’idée de la naissance, l’apparition, la création du poème surgit souvent comme le seul baume qui vaille : c’est un bienfait, une grâce, voire un ralliement secret qu’on appelle de ses vœux :

Disparaître
pour que reste
au centre de soi

cet éclat qui écrit le poème p. 13 (deuxième poème du recueil)

Le poème
un effondrement de soi
que l’on recueille et reconstruit p.23

Il y a
une langue
pour la nuit
une autre
pour le jour
et celle qui nomme
cet entre-deux
POÈME  p. 31

Dans le deuil, il y a les mille questions que l’on se pose, les réponses incertaines, les perplexités des « peut-être », le ressassement qui s’égrène au fil des pages, revenant comme une antienne mélancolique. Dans la fragilité du deuil, c’est toujours l’hiver qui persiste « Je garde/mon sang d’hiver/ mes écailles glacées » p.35

La joie elle-même est pure tristesse, pur sanglot :

Oh poème
Comme j’aime
ton visage
plein de rides p. 37

Alors comment se sortir de l’angoisse, des ombres et des ténèbres si ce n’est par le souhait du mensonge ? « Je voudrais / que quelqu’un me mente » p. 47 termine la première partie du recueil et introduit la seconde « Les Petits mensonges ». Estelle Fenzy propose « ses petits arrangements avec les morts » comme Pascale Ferran dans son film et chaque poème commence par « Fais/ comme si » et « Imagine » pour faire surgir un monde plus souriant, un monde ailé, un monde d’élans.

Fais
comme si
tu croyais

mes jolis
mensonges
cuirasse-moi
la plume

de pinson pas gai  p. 64

Et comme tout ce deuxième volant est parcouru d’ailes en berne, de tentatives qui ont tendance à échouer, car forcées, car artificielles, il n’est qu’une grande et belle préparation au troisième mouvement intitulé « Tout commence par des ailes » qui raconte l’envol ou émancipation de l’enfant devenue adulte qui quitte le foyer familial. C’est de façon pudique mais saisissant  que notre poète livre ce déchirement maternel car « Qui prépare les mères/ à la douleur du post partir » p.74. Elle dit le manque de l’enfance perdue, elle cherche sa fille envolée vers un ailleurs plein de perspectives, dans les objets, dans les photos, dans les parfums qu’elle aurait laissés :

Moi
renarde au terrier
à respirer
dans l’oreiller

 tout le feuillage
de tes cheveux p. 79

Poignante image d’une mère esseulée, désemparée qui cherche sa fille, et lutte entre son égoïsme de mère qui la voudrait pour elle et son éthique de femme qui veut sa fille libre et épanouie, mais sans elle. Et elle conclut, pansant sa blessure « Ton envol/ c’est de l’amour encore ». Le quatrième volet peut dès lors s’ouvrir, cet « Après la pluie (Brest m’aime) » qui clôt le recueil, le termine par de la clarté, de la lumière, une renaissance qui ne nie pas les blessures. Cette saison là est cicatrisation car « Après la pluie/ tes yeux hurlent plus fort/ en bleu » p. 93. Dans cette partie, ce n’est plus la saison qui est personnifiée, c’est la ville de Brest tutoyée et dont la poète dit : « Déjà/ tu dégrafes/ ton corset de granit// respires » p.97.

C’est la force de vie que ce vent, ce granit, ces vagues, ce ciel changeant. C’est la force de vie ces saisons qui s’entrechoquent, se superposent, sont force cosmique : « Tu sais/ faire novembre/ en juillet » (…) « Les gris/ s’ajoutent au gris// Un seul rayon/ et c’est sur la mer/ un éclat sans fond » p. 101

La lumière, la clarté ont soudain tout l’espace de la page. La ville foulée revivifie la femme naguère encore fragile comme une saison. Comme Antée, elle recouvre les forces qui lui manquaient en se reliant à cette fin de terre au goût d’iode et de sel :

Après la rade
dès la balise
tu lâches tes fauves

Ils creusent des gouffres
dans la mer
avec leur liberté

Toi tu rentres
les griffes
lèches du port
le sel du carnage p. 103

Le tu employé devient ambigu : tantôt il renvoie à la ville de Brest et ses environs marins, tantôt il renvoie à l’adresse distancée de la poète à elle-même comme le faisait Guillaume Apollinaire (pour ne citer que lui) dans « Zone » par exemple.

Le lexique n’est plus le même car il appartient à la langue du dehors, à la langue de l’action et non plus à celle qui prévalait jusqu’alors – la langue méditative – la langue du dedans et ce n’est qu’après coup, une fois qu’on a balayé l’ensemble du recueil que la citation en exergue de Nicolas Bouvier prend tout son sens, lui dont le recueil s’intitule Le dehors et le dedans : « N’apportez rien de plus fragile que la fragilité à laquelle tout conduit »

Quel chemin parcouru ! Désormais la poète sait qu’elle est comme l’océan et ses marées, qu’elle peut partir et revenir :

Laisse-moi te quitter
et revenir encore p. 104

L’intime du poème s’est gonflé du ressac de la mer et notre poète a compris qu’elle avait « laissé sur tes trottoirs/ un poème qui s’ignorait » p. 92

 

 

 

Présentation de l’auteur

Estelle Fenzy

 Estelle Fenzy est née en 1969. Après avoir vécu près de Lille puis à Brest, elle habite Arles où elle enseigne. Elle écrit depuis 2013, des poèmes et des textes courts.

Publications en revues : Europe, Secousse, Remue.net, Ce qui Reste, Écrits du Nord (éditions Henry), Microbe, Les Carnets d’Eucharis, Terre à Ciel, Recours au Poème, Décharge, Possibles, FPM, Revu, Teste.

Publications

  • CHUT (le monstre dort) aux éditions La Part Commune (2015)
  • SANS aux éditions La Porte (2015)
  • ROUGE VIVE aux éditions Al Manar (2016)
  • JUSTE APRÈS aux éditions La Porte (2016)
  • L’ENTAILLE et LA COUTURE aux éditions Henry (2016)
  • PAPILLON aux éditions Le Petit Flou (2017)
  • MÈRE aux éditions La Boucherie Littéraire (2017)
© photo Isabelle Poinloup

Anthologies

  • SAXIFRAGE, dans Terre à Ciel, initiée par Sabine Huynh
  • MARLÈNE TISSOT & CO, éditions mgv2>publishing
  • DEHORS, éditions Janus (juin 2016)
  • LESSIVES ÉTENDUES, dans Terre à Ciel, initiée par Roselyne Sibille

Livre d’artiste

  • PETITE MANHATTAN, dans Le Monde des Villes, Brest 2, avec André Jolivet, éditions Voltije

Revue d’artiste

  • CONNIVENCES 6, éditions de La Margeride, avec aussi des poèmes d’Alain Freixe, des photographies de Rémy Fenzy et des peintures de Robert Lobet

Autres lectures

 

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France Burghelle Rey, La maison loin de la mer

Que la joie soit ma demeure !

Le titre évacue un lieu (la mer) pour mieux mettre en exergue l’objet de toute l’attention : la maison. C’est comme dans Autant en emporte le vent ; ce à quoi tient l’héroïne du roman comme celle des « Fragments 1 » c’est à une terre, avant tout. « Je suis tiraillée par l’idée que le Lieu toujours l’emportera sur l’Autre. » (p.32) Elle évacue l’eau pour le sol, pour la terre, pour la maison de l’enfance.

Toutefois le titre n’est complet que si l’on ajoute « Fragments 1 » qui précise de quel genre de texte il s’agit. Non un récit, non un roman, non de la poésie, mais des fragments, mais des fragments de quoi ? D’autres tesselles comme dans « Petite Anthologie », mêlant poèmes, essai, bribes de contes, réflexions, citations, et autobiographie, façon puzzle ? Oui tout cela à la fois en un tissu serré qui ne lâche rien des diverses dimensions du moi, qui noue le réflexif à l’intime, le lointain au proche, l’espace au temps, tel recueil à tel autre car tout se tient, tout finit par s’emboîter d’une œuvre à l’autre et toutes les expériences littéraires qui ont forgé la personnalité de l’écrivaine France Burghelle Rey ont contribué à son enrichissement, à son accomplissement, à son équilibre mental. Aussi ne faut-il pas s’étonner si un de ces plus grands plaisirs est de « glaner » des citations d’auteurs qui sont comme les fondations de la maison-écriture. Elles étayent sa pensée, émerveillent son imaginaire, lui permettent de rassembler le troupeau de ses auteurs fétiches. Son glanage n’a rien de pédant. Il est purement poétique, purement de gratitude et de passion, purement architectural.

Un poète n’est-il pas plus que d’autres attiré par le fragmentaire ? Le poème n’est-il pas dans sa structure même fragment ? Dans un même recueil, chaque poème est fragment par rapport à chacun des autres et à l’intérieur du poème lui-même il se fragmente souvent en strophes, se diffracte en vers. La spatialité, en poésie, est une question clé, d’où la prédestination du poète à faire du fragment une voie privilégiée.

France Burghelle Rey, La maison loin de la mer, Éditions Douro, 96 pages, 15 €.

 

Le fragment est espace ouvert, passerelle d’un terrain à un autre, d’un ouvrage à un autre. Il permet de créer des liens sans s’enfermer en eux. Il est essentiellement musical puisqu’il favorise l’enchantement des échos, le rappel des thèmes, des fantasmes, des ravissements, des fulgurances et des obsessions. Il participe de l’infini et de l’inachevable. La citation de Michel Leiris que glisse France Burghelle Rey à la toute fin du livre est emblématique de l’entreprise de la poète : « Un livre qui ne serait ni journal intime ni œuvre en forme, ni récit autobiographique ni œuvre d’imagination, ni prose, ni poésie, mais tout cela à la fois. Livre conçu de manière à pouvoir constituer un tout autonome à quelque moment que (par la mort s’entend) il soit interrompu. Livre donc éventuellement posthume et perpétuel work in progress. »

 

**
*

 

L’entreprise dans laquelle la poète entraîne son lecteur s’appelle, dit-elle page 26 une « autobiopoésie ». On y entre in media res par effraction. On doit s’y débrouiller, démêler les écheveaux ou comprendre à mi mot les relations des uns avec les autres. La narratrice n’explique pas, ne présente pas les protagonistes de l’histoire, elle fait comme les enfants quand ils racontent : elle ne se soucie pas que l’énonciation ne soit pas claire pour son lecteur car en ouvrant le petit volume on entre d’emblée et de plain-pied dans le mystère, ce mystère pour lequel elle écrit : « J’aspire à comprendre tout en ayant peur d’éclaircir ce mystère. » (p.23) Et pour y parvenir il faut être dans « ce lieu » de l’enfance où quelque chose a eu lieu.

Ce qui toutefois décide de ce qui a eu lieu c’est ce qui se passe dans le texte même qui s’écrit comme si l’écriture tout à la fois dérobait le mystère et le faisait naître. Dans l’écriture de La Maison loin de la mer la première transformation c’est l’autorisation que se donne l’auteur d’écrire au féminin : « Voici que, pour la première fois, j’écris un livre au féminin. Quinze carnets et comme un refuge, par choix, au masculin. J’ai amputé tant d’adjectifs, de participes de leur dernière voyelle. Mais peut-être l’ai-je fait pour exprimer un neutre, une absence de genre, sans que m’en importât la question. » (p.19) Cette autorisation lui permet de faire resurgir la petite fille qu’elle fut et d’évoquer sa première expérience de la beauté qui se hisse dès l’aube de la vie en expérience mystique : « Le second lien qui correspond à un extrait de La Source que je cherche de Lytta Basset confirme ce rapport entre lieu et spiritualité et me rappelle ce que j’ai dû vivre, enfant, dans mon village : une fillette de quatre ans en vacances, l’été, regardant les hirondelles voler autour d’un clocher, est soudain envahie d’une plénitude, un bonheur absolu, au point de courir le raconter à ses parents. » (p.53) Un flash de joie sans mélange qui s’apparente à une révélation dont la conscience et la signification ne naîtront que bien plus tard. Ce qui compte, dans le parcours sensuel, sensitif, affectif, intellectuel et spirituel plein de méandres, d’obscurités, de douleurs et d’empêchements, c’est cette joie première qui revient – intacte – au cours du temps depuis le lieu de l’enfance et cette joie s’appelle aussi poésie. Que la joie soit à saisir, voilà qui lève un pan du mystère de la vie, de toute vie ! Qu’il faille pour la recueillir pleinement dans sa chair, dans son nid, dans l’art et l’écriture, demande une discipline et une aptitude que les contes (de l’enfance) nous aident à acquérir. Il n’est donc pas étonnant que les références au Petit Poucet, à La Belle au Bois dormant, à Cendrillon traversent l’ouvrage de France Burghelle Rey. Ils ont été la nourriture de la petite fille de la maison de Rose. C’est par eux qu’elle a su la valeur d’un bal, du baiser, la valeur des mots qu’on goûte, malmène, triture, avec lesquels on joue, on se trompe, on se laisse bercer. Et grâce à ces histoires anciennes, elle s’est préparée à filer la métaphore, à se faire piquer par le fuseau, ou par l’épine, à interroger le miroir qui réfléchit pour se demander Qu’ai-je donc filé avant de m’endormir ? (p.41) et d’entrer grâce à toutes ces strates intellectuelles et poétiques dans les problématiques de la modernité d’ici et maintenant.

La dislocation du récit, son opacité, sa fragilité importent peu. Ce qui fait sens c’est une trajectoire qui suggère (car il ne faut pas expliciter afin que la magie du secret continue d’opérer) un lien généalogique entre l’aimé et la narratrice, un lien lié au lieu comme si la relation amoureuse, accomplie ou non, rêvée, fantasmée, esquissée dans cette vie ci, avait déjà eu lieu bien avant, de même que la trahison personnifiée par la belle cousine. « Pourquoi vient-elle me voir cet été là ? Sous la tonnelle ils se connaissent. Regards, sourires dès le premier instant. C’est vrai qu’elle me ressemble. J’ai inventé les mots « miracle noir ». Belle cousine que j’aimais tant ! » (p.26)

Le factuel est réduit à une pincée de sel bien qu’il soit au cœur de l’inquiétude ou de « l’intranquillité » de la narratrice. La force de ce récit discontinu, morcelé c’est d’y avoir mis au centre, l’amour et la joie, qui ne sont pas racontables car ineffables. Seul surgit et s’y inscrit la trace ou « le résidu chantable » (comme a si bien dit Paul Celan), qui est la véritable trame poétique de la vie.  « Finalement ce n’est pas lui peut-être que j’aime mais cette terre que j’ai perdue et que j’aimerais aimer encore. Mais il est vrai qu’auprès de lui je me reposais et me remplissais de l’esprit de mon lieu. » (p.27)

Pour que le vif, la vie jaillissante bruisse du récit-poème, la narratrice exclut le « récit chronologique. » Quel sens aurait-il ? « Il ne serait qu’artifice. Seul est naturel le chemin pas à pas de l’écriture : celle-ci, comme la vie, une respiration. » (p.39) D’où l’impression d’une certaine spontanéité presque comme dans un journal intime où les trouvailles, les recherches, les flâneries, les conversations, les douleurs du deuil, les lectures du moment, tout est donné en pâture au lecteur dans un apparent fouillis, cartes sur table, poèmes d’autrui et poèmes personnels jouxtant la prose personnelle à celle d’autrui. Elle rejoint par « ses sauts et gambades » Montaigne qui lui aussi citait en abondance les auteurs latins ! Maintenant les poètes et penseurs du monde entier peuvent être cités et loués. Ils confortent, réconfortent quand chacun à sa manière fait l’éloge des choses de l’esprit. Alors, puisqu’il faut finir, eh bien je finirai (et je ne crois pas que France Burghelle Rey m’en tiendra rigueur), non par elle mais par une citation de René Char qu’elle donne page 58 :

 

 Il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté.

Présentation de l’auteur

France Burghelle Rey

 

France Burghelle Rey est Paris, a enseigné les Lettres classiques et vit actuellement à Paris où elle écrit et pratique la critique littéraire. Elle est membre de l'Association des Amis de Jean Cocteau et duP.E.N. Club français.

Plus de cent textes parus dans de nombreuses revues et anthologies ainsi que plus de soixante-dix notes critiques(Nouvelle Quinzaine littéraire, Poezibao, Europe, La Cause littéraire, Place de la Sorbonne, CCP, Recours au poème, Texture, Temporel etc.).

 Elle a écrit une quinzaine de recueils dont Lyre en double paru aux éditions Interventions àHaute voixen 2010 puis chez La PorteRévolutionen 2013 suivideComme un chapitre d'Histoireen 2014 et deRévolution IIen 2016. Le Chant de l'enfance(Prix Blaise Cendrarsadultes)a été publié aux éditions du Cygneen juillet 2015, Petite anthologie, ( Confiance, Patiences et Les Tesselles du jour )chezUnicitéen 2017 et Après la foudrechez Bleu d'encreen 2018. 

Les derniers textes augmentés de L'Enfant et le drapeau (à paraître chez Vagamundo), naissance rédemptrice d'un " ange " dans un monde en désolation, veulent exprimer l'expression d'une nécessaire présence au monde en souffrance. Elle achève en 2017 un recueil encore inédit en trois parties sur le thème du lieu puis en 2018 commence un récit poétique.

Elle a collaboré avec des peintres (Georges Badin) et la graveur Hélène Baumel pour un certain nombre de livres d'artistes.

 

L'un des ses romans, le premier,  L'Aventure, est publié chez Unicitéau printemps 2018

 

http://france.burghellerey.over-blog.com/# :Un blog de plus de 27.000 pages de vues

 

Elle a écrit une dizaine de recueils  dont quatre sont publiés chez Encres Vives, coll. Encres Blanches : Odyssée en double, La Fiancée du silence, L'Orpailleur, Le Bûcher du phénix,  Lyre en double aux éditions Interventions à Haute voix, 2010 et Révolution chez La Porte,2013. Pour un texte du Chant de l'enfance, inédit, elle a obtenu le prix Blaise Cendrars et pour L'Un contre l'autre, Gegenüber, a été finaliste du prix Max-Pol Fouchet.   

Elle collabore avec des peintres et notamment avec Georges Badin  pour des livres d'artistes.
http://france.burghellerey.over-blog.com/#

Notes critiques dans de nombreuses revues comme Place de la Sorbonne, Recours au Poème, Lieux d’être, Cahiers du Sens, Terres de Femmes, Trace de poète, Littérales, Diérèse

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