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Au pied levé sur l’écriture spirite — Hugo s’attable

 

 

Aux amis, les essentiels.

 

Les surréalistes par le rêve. Hugo par les tables tournantes. De grands moments de création selon des modalités interpersonnelles. L'écriture se ploie à des volontés, qui sont davantage qu'une volonté individuelle, laquelle est vite entravée par son identité, c'est-à-dire par ses habitudes, ses usages, ses codes et ses académismes. L'écriture devient finalement personnelle dans cette mise en scène collective au service de son émergence.

Hugo se trouve dans les textes de Jersey[1]. Il dépasse les mots, cette matière bornée qui enferme l'esprit. Il s'ouvre, c'est la grande victoire de la libre expression. Il n'y a pas lieu de blâmer son chemin, au contraire il faut louer l'effort d'écriture quotidien, l'exercice incessant de venir à la table, se laisser aller à la connexion amicale des psychismes, puis de transcrire, noter, mettre en forme, trouver souvent la spontanéité qui émancipe l'écriture et ouvre à la tension spirituelle de l'être humain. Le langage est ici pris à bras le corps, combattu afin de livrer une parole fidèle à "l'écho sonore" le plus vierge, le plus primordial. Si la matérialité du mot subsiste (car l'art est avec la matière), c'est pour indiquer son au-delà, pour faire entendre son élargissement, son déploiement vers un absolu, un indifférencié tout à fait expérimentable et accessible[2], quoique sur un mode paradoxal puisqu'à partir de ce qu'il n'est pas : le corps.

Ce n'est pas seulement l'alexandrin qu'Hugo fait sauter. Il conquiert, à Jersey, en proscrit, dans l'exil, un vocabulaire singulier, un agencement particulier de ses mots irréductible à la syntaxe et à la versification classique. La résonance des rimes, le rythme des phrases autorisent l'interférence des ondes entre elles, qui, de leur brouillard même, annoncent clairement un illimité, un infini auquel l'humain a accès, au moins en puissance. Dorénavant, le poème s'emploie à soustraire la langue aux tenailles du Même et de l'Autre. Sans cela, l'art ne porte aucune vision. Il reste donc petit et anecdotique, recettes ou belles formules.

Il est amusant de noter que celui qui se laisse aisément caricaturer par l'ampleur de son Ego ne parvient à lui-même qu'en famille et avec des amis, en un mot avec d'autres que lui. Certes il apparaît comme le maître de cérémonie, le metteur en scène de sa propre production[3]. Mais elle n'est pas solitaire, elle est couvée sous les feux de plusieurs subjectivités. Les séances de sommeil des surréalistes seront analogues[4] : s'y manifeste une émulation collective qui a le pouvoir d'élever, de déjà signaler avec force un extérieur à soi-même, un au-dehors complet, seule instance possiblement absolue.

           

La poésie des Tables, qui n'est donc jamais faite d'une seule parole, doit éveiller à ce Dieu-là. La lisant, il serait naïf de la prendre trop aux mots. Son effet purement sensoriel, envoûtant, enivrant, confondant, est un paramètre essentiel de sa compréhension. On est autorisé, on est invité à rester à la surface irisée des choses, au niveau-même où s'entendent les turbulences ou les harmonies des mots, ces fusions des énergies qui transportent, excitent et font désirer l'absolu[5]. C'est une erreur, nous dit-elle, de s'ingénier à l'analyser en profondeur, à la problématiser savamment : ces opérations mentales ne sont que la reprise en main de l'illimité par le fini et la rigueur des termes ; bien plus - tout critique honnête en fait l'expérience - l'imposition de vanités intellectuelles, aussi éphémères qu'outrecuidantes, sur la fragile matérialisation d'une expérience humaine de la plus haute intensité. L'écrivant, Hugo nous la communique.

 

 

 

 


[1] De septembre 1853 à octobre 1855, les séances des Tables font l'objet de procès-verbaux précis et notés sur le vif. Quelques-unes sont ensuite mises au propre dans des cahiers à part. Hugo n'est jamais le seul rédacteur. On constate également que les rencontres avec certains esprits attendus sont préparées à l'avance (on lui écrit un poème, par exemple...)

[2] Ce qui ne veut pas dire que l'être humain est de taille à comprendre cette expérience.

[3] Dramaturgie du Livre des Tables, qui s'apparente si souvent à un grand texte de théâtre.

[4] Parallèlement aux récits de rêves, à partir de septembre 1922, les surréalistes feront aussi "la chaîne" autour de la table. Ce sera dans l'atelier montmartrois de Breton, qui donnait alors sur les cabarets "Le Ciel" et "L'Enfer". Voir, par exemple, les textes de Desnos en 1922 ; ou les récits de Breton, Les Pas perdus (1924) et Aragon, Une Vague de rêve (1924).

[5] Ce n'est pas un irrationalisme de mauvais romantisme. Se manifeste ici tout bonnement l'irréductible résistance critique propre à la poésie, qui la rend incapable d'adhérer aux jeux de vérité d'une époque donnée. 

 




La maison Tarkovski, l’âme du corps à corps

 

 

À François de Boisseuil

 

          La poésie d'Arseni Tarkovski reste peu connue dans le monde francophone. C'est pourquoi Matthieu Baumier a eu raison de signaler aux lecteurs de Recours au poème l'anthologie bilingue éditée par Christian Mouze chez fario.[i]

            Ces traductions devraient permettre de rendre justice à un poète qui a su rester fidèle au "culte des mots" par quoi il a affronté les inquiétudes et les souffrances de sa vie, les sublimant par le feu de ses poèmes. Chez Arseni Tarkovski, en effet, la blancheur ne vaut que pour son "âpreté", biblique dans "Théophane le Grec", ou encore "inquiétude / Des pins noirs qui parlent" sur fond de "marasme neigeux" dans "Neige de mars". Jusqu'au bout - Christian Mouze nous en avertit dans sa Présentation - le poème est une tentative de cicatrisation : il faut toujours recommencer, reprendre un même texte parfois des années durant ; l'écriture est une lutte, un mouvement qui n'est jamais uniforme, jamais unidimensionnel. Arseni Tarkovski a découvert qu'au cœur des rigueurs et frimas de la matière émerge "l'âme", "le ciel" ; que le temps, par conséquent, est traversé par la possibilité de l'immortalité, une forme d'infini.

            "J'ai assez d'immortalité

            Pour que mon sang coule d'un siècle l'autre ;

            Et un bon coin de bonne chaleur,

            Je le paierais volontiers de ma vie,

            Pourvu que mon aiguille ailée

            Ne me conduise comme un fil

            Par le monde."

Parole de loup des steppes, grand galop du guerrier.[ii] Mais il ne nous apporte pas la mort, le poète, de toute sa fougue il s'écrie : "Vie, Vie !"

            On le pressent, ne lire Arseni Tarkovski qu'en le subordonnant à la cinématographie de son fils Andrei serait dommageable. Trop souvent, dès qu'il est question de ces deux-là, le célèbre adage Le fils est le secret du père nous hypnotise, nous empêchant de penser véritablement la portée et la profondeur du lien qui peut les unir. Tout regard croisé sur les films de l'un et les poèmes de l'autre doit pourtant s'en tenir à ce fait : ni le cinéaste ni le poète n'ont eu la faiblesse d'hybrider leur art avec celui de l'autre. Andrei Tarkovski est on ne peut plus clair : il a toujours considéré que le matériau du cinéaste était le temps concrétisé, factuel, des objets, autrement dit les objets comme véhicules d'une pression ou d'un flux temporels s'écoulant dans le plan[iii]. Pour sa part, le poète à l'œuvre se frotte aux mots. Célébrant la peinture de Van Gogh[iv], Arseni Tarkovski réaffirme son engagement à porter le "fardeau" du "verbe". Dans le superbe "Daghestan", il questionne certes son audace, ou son rêve, ou sa lubie, ou encore sa naïveté d'alchimiste du mot[v] ; jamais pourtant il ne reniera sa voie car sa folie offre un extraordinaire champ de batailles à explorer. De sorte qu'Arseni apparaît plutôt comme le père bavard dont la parole est radicalement remise en cause par Petit Garçon, son fils, dans l'ultime plan du Sacrifice.

            Si Andrei Tarkovski accorde la part belle aux poèmes de son père dans ses films, ce n'est donc ni par admiration béate ni pour faire éclater une sorte de continuité entre les mots du poème et les objets du plan. Les deux artistes se mesurent, ils se confrontent : preuve encore que si un rapprochement doit être fait entre les deux œuvres, c'est dans le secret d'un antagonisme où chacune, résistant à la force de l'autre, veut affirmer sa souveraineté sur elle-même.

°

            Quelle est la valeur, quelle est la vertu du mot chez Arseni Tarkovski ?

         Le lecteur de "Papillon dans un jardin d'hôpital" retrouve cette intuition première que le verbe, pour abstrait qu'il soit en comparaison du fait enregistré par la caméra, n'est pas détaché de la perception corporelle. Il la prolonge, la modalise sans la modéliser. "Sorti de l'ombre et à travers la lumière", le nom conserve l'effet magique du papillon qui passe, poudre restée sur le bout non pas des doigts, mais de la langue. Alors que le poète soldat vient d'être amputé, alors qu'il broie du noir dans la blancheur de l'hôpital, le papillon surgit et repart, fugitif, pour la lointaine Cathay. Demeure "babochka"[vi] : les couleurs émanent des voyelles, comme du clignement des yeux, et avec elles un sentiment où se mêlent la "paix", mais aussi le désir et la crainte. Bien plus, le papillon aperçu est insaisissable en tant qu'objet :

            "Il vole, fait la révérence."

Sans ce mouvement point de poème car c'est en lui que le papillon et "babochka" viennent confluer : la prosodie ciselée d'Arseni Tarkovski est devenue volètement. Réciproquement, sans la versification par quoi le mot se met à papilloter, pas de relation avec ce que le corps aperçoit. C'est bien tout d'abord par cette puissance d'animation que certains mots trouvent la faveur du poète, à commencer par certains noms propres : "Elabouga", "Marina", "Anna Akhmatova" (et ses "A glacés"), "Ivan" (et son saule au miroitement fascinant, "Ivanova iva")...

            Mais lire Arseni Tarkovski, c'est approfondir le sens de cette animation : mise en mouvement, mais aussi découverte de l'âme immortelle des choses.

        Une telle écriture doit en fait toute son énergie spirituelle à la violence d'un choc, d'un ébranlement. On trouvera difficilement un texte qui ne soit qu'une méditation calme sur fond de ciel monochrome. La relation fondatrice du poème au monde repose sur la perturbation. Lorsque le chant se laisse trop aller, explique "L'Avenir seul", lorsque la puissance lyrique s'abandonne aux "aises" d'un "travail peu compliqué", quelque chose menace de se figer[vii]. Il faut l'irruption intempestive d'un autre "locataire" pour que prolifère une foule intérieure, pour que s'ouvre un chantier colossal scarifiant "la peau tubéreuse de la terre". En sa catastrophe, le poème se fait louange de la pointe de lance :

            "L'aigle de la steppe y nettoie ses vieilles plumes".

Paraphrasant un autre vers, nous dirions volontiers que c'est la voix du "vieil honneur guerrier qui parle".[viii]

            Martiale, elle file fermement, sans mollesse, tendue par la menace effective de la mort. Le cavalier ne cesse d'être heurté par "la plume d'Azraël" :

            "Les ronces fumaient, le grillon faisait des siennes,

            Et grattant de ses moustaches les fers de mon cheval,

            Il prophétisait

            Et me menaçait de mort comme un moine."[ix]

Mais le poète n'a pas peur, en tout cas il s'offre à l'agôn, à la joute[x]. Face à la mort, il ne se soumet pas à quelque crainte religieuse, il rend coup pour coup. C'est pourquoi l'élan poétique de "Vie, Vie" débute avec cette audace aux accents iconoclastes :

            "Je ne crois pas aux augures

            Et je n'ai pas peur des signes."

Ce qu'Arseni Tarkovski livre ici à ses lecteurs (au premier rang desquels figure son fils Andrei), c'est l'intuition qu'au commencement n'était pas le verbe, mais la vivacité, la vitalité d'une action périlleuse, pour tout dire un culot, celui-là même qu'aura le jeune fondeur de cloches qui n'avait jamais fondu de cloches. Et s'il devait y avoir un mot, alors, oui, ce serait le célèbre "Davaïe", ce cri d'allant qui accompagne tout soulèvement, toute surrection de la matière.[xi] Il faudrait retraduire la formule de Jean, faire comprendre qu'à l'initiative, il n'y a rien que le tranchant de la décision ; que si silence il peut y avoir dans la parole poétique, c'est à l'initiale crue de toute décision. Et que l'intensité du combat perpétuel entre le guerrier et la mort oblige à appréhender le temps comme un infini sans commencement (ni fin).

           A cet égard, le poème intitulé "Le Timbre" donne l'un des résumés les plus vigoureux de la vision du poète-combattant. C'est un coup de tonnerre illuminant l'extra-lucidité de sa propre conscience. Le soldat "téléphoniste" est à l'agonie : comment pourrait-il survivre à la pluie de balles ou d'obus qui s'abat sur lui ? Déjà la "terre" retournée et pulvérisée du cataclysme l'ensevelit. Mais toujours mû par son instinct de vie acharné, il a suffisamment de force pour lancer :

            "Je suis immortel tant que je ne suis pas mort."

Ici, au bord de l'entaille, enfouie dans les entrailles du "corps mitraillé" mêlé aux éléments et juste sur le point de devenir charpie, l'âme se dresse. C'est sous le coup d'une déflagration qu'elle peut filer à travers les séparations du temps ; le téléphoniste détient le secret, protégé "contre son ceinturon" : les "câbles", les "racines" où "grandit" l'onde puissante qui souffle les murs érigés entre le passé (mort) et l'avenir ("Tous ceux qui ne sont pas encore nés"). En devenant agônistique, le présent "déchire" l'espace-temps, qui s'ouvre infiniment. Et pour faire vibrer le timbre de la terre, faire retentir bien haut la "lyre" de son cœur "électronique"[xii], les mots du poème doivent exprimer "l'âpreté" des batailles. C'est à ce prix que l'âme pourra circuler librement dans le temps, unissant les morts aux vivants, les existants aux non-existants. Ce n'est donc pas une sagesse confortablement tranquille qui conduit à cette Révélation selon laquelle, dans "Vie, Vie",

            "Il n'y a que le réel et la lumière".

Elle naît au contraire d'un combat intérieur titanesque et dangereux, d'un parcours dans les chaos de l'Être :

            "J'ai mesuré le temps avec la chaîne d'arpentage

            Et je l'ai traversé comme on traverse l'Oural".

L'immortalité est arrachée, mais au péril de la vie. Tel est le grand paradoxe que soutient la poésie d'Arseni Tarkovski.

            Le pouvoir de ses mots tient à la fois à l'unité qu'ils entretiennent avec la terre, dans le mouvement qu'ils ont en partage, et à la fois au combat vigoureux avec elle - cette nature brutale dont ils sont la graine et le fruit. Le poète ne s'abandonne pas à la terre, il s'offre à elle pour l'empoignade ardente, pour amorcer l'explosion, la fission d'où émerge une âme. Arseni Tarkovski joute avec l'arme des mots non pas pour nier la mort, mais pour lui faire face. Nulle complaisance au malheur ni à la souffrance : trop fier, trop farouche, le cavalier bande l'arc de son poème, y fait surgir la vie immortelle, le temps infini au cœur de la matière.

°

            Cette façon de vivre l'écriture n'est pas compatible avec une transposition facile à la cinématographie. La puissance artistique qu'elle recèle impose d'éviter quelques erreurs. Et en premier lieu de se tenir à bonne distance du "complexe de la momie"[xiii]. Un film comme Le Testament d'Orphée permet de comprendre tout ce qui éloigne un Cocteau, par exemple, des  deux Tarkovski. Le personnage de Cocteau ne lutte pas : de manière somme toute assez agressive (et légère ), il se fait volontairement donner la mort. Mais c'est parce qu'au fond, à ce qu'il pense, "les poètes ne meurent jamais". Au contraire, la poésie d'Arseni Tarkovski est  pleine de poètes bel et bien morts et enterrés.

            "Sans aucune immortalité, triviale

            Et nue se tenait la mort, la seule mort"

constate-t-il au début du tombeau de N. A. Zabolotski.[xiv] Si l'adversaire n'existe pas, pas d'agôn. Pour Cocteau, qui est conséquent, s'ensuit une errance dans une "zone" indépendante des lois de notre espace-temps. Il n'est pas vraiment vivant, pas plus qu'il n'est vraiment mort : il porte les grands yeux de papier de la momie, enveloppé sans doute dans les bandelettes de celluloïd du film qui, à jamais, lui sert de véhicule. Ontologie mortifère en ce qu'elle valorise l'illusion, la fiction divertissante (éloignant des rives de la vie et de la mort) et mise, quoi qu'elle en dise, sur la culture du spectaculaire et de la spéculation, dont il est au moins légitime de se demander aujourd'hui si elle favorise les forces spirituelles de la terre[xv]...

            Andrei Tarkovski ne s'y trompe pas. Lecteur admiratif de son père, certes, mais fidèle à son amour des "faits", des "objets", il a su en  filmer la transparence primordiale, à travers laquelle nous pouvoir voir couler le temps. Mais ce n'est pas à nous d'imposer ici notre regard sur son cinéma. Vous aurez la liberté et le plaisir, lecteurs, de reconnaître comment le fils, à partir de sa révolte radicale contre le fardeau du Verbe[xvi], parvient à sculpter les images finies où se glisse l'infini qui hante tout homme, toute femme qui fait un effort authentique pour se plonger dans les profondeurs de l'existence. Disons simplement qu'à la question presque enfantine de savoir si les objets ont une âme, les films d'Andrei Tarkovski répondent oui. Et que les âmes qui débouchent la bouteille extra-lucide du temps en la traversant sont là, sensibles à l'œil de la caméra. Quoique invisibles le plus souvent, elles peuplent le vide des pièces que nous habitons[xvii], peut-être même sont-elles déjà en nous, devenues nous. Et, à n'en plus douter, le facteur Otto est véridique : écoutez ses histoires et voyez... Il a vraiment été bousculé par un fantôme...

            "Quand je vis le bruit sourd incarné

            Même les ailes crayeuses s'animaient,

            Cela me fut révélé : j'enjambais ma vie

            Mais mon exploit n'était encore qu'un passage".[xviii]

 

 


[ii] Arseni Tarkovski, L'Avenir seul, p. 115 (sans autre précision, toutes les paginations renvoient à l'édition Fario)

[iii] Andrei Tarkovski, " Fixer le temps" in Le Temps scellé (Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma)

[iv] P. 72-73

[v] P. 59

[vi] Les quelques transcriptions du russe données ici ne sont pas savantes.

[vii] P. 86-87

[viii] Cf "Le Timbre", p. 103

[ix] Cf "Vie, Vie", p. 115

[x] Nietzche fait allusion à l'agôn de la Grèce antique dans un opuscule de 1872, "La Joute chez Homère", repris dans La Philosophie à l'époque tragique des Grecs (Gallimard, folio essais, p.196 sq.). Le texte étant l'ébauche d'une "préface à un livre qui n'a jamais été écrit", la notion reste disponible et laïque, contrairement à celles de djihâd ou tapas

[xi] La séquence à laquelle il est fait allusion se trouve dans Andrei Tarkovski, Andrei Roublev (1966)

[xii] P. 139

[xiii] L'expression vient d'André Bazin, "Ontologie de l'image photographique" dans Qu'est-ce que le cinéma ? (Édition cerf/corlet)

[xiv] Cf "Le Tombeau du poète" (p. 76-77)

[xv] L'image d'eux-mêmes vendue par les écrivains médiatiques, son rôle et la prévalence du personnage sur la puissance lyrique doivent devenir un objet de la plus rigoureuse critique. 

[xvi] Cf la séquence d'ouverture du Miroir (1974), où l'adolescent bègue se bat pour parler. Ce sera par le cinéma...

[xvii] Cf Le Sacrifice (1986). Andrei Tarkovski filme tous les souffles qui circulent dans la maison.

[xviii] Cf "Théophane le Grec" p. 142-143

 




Politique du poème

 

         Le poème est un souffle de langage, une parole franche où s'édifie la relation du monde et de l'humain.
         Le poète n'est ni un expert de la langue ni un maître de la culture. Ce n'est qu'un chasseur de papillons au filet troué, et encore. C'est juste une résistance offerte au maelström du langage. C'est tout.
         Celui qui se possède ne possède rien.

 

        Cette absence d'empire est la condition de toute réforme profonde de l'être.
        Elle est incompatible avec les organisations politiques et économiques factuelles. Elle crée, au sein des systèmes matériels et idéologiques collectifs, les ferments de toute transformation, donc de la poursuite de l'histoire.
        Les poèmes ne proposent aucune orientation à ces mouvements : ils n'expriment que l'accueil de l'inconnu, de l'autre.
        Ils se distinguent à cet égard radicalement des discours prophétiques ou futurologiques.
        Le poème en est la négation par sa seule présence. Il ne manifeste rien : son existence est causa sui.
        Le poème est une entité spirituelle où l'humain ne se quitte pas : dans un poème l'humain se consolide et s'affirme comme infinité de liens avec l'Autre.
        Les mystiques ont toujours dit : l'univers à l'intérieur de soi.

 

         Le poème est écrit avec des mots de tout le monde pour tout le monde. Si son expérience ne se communique pas à autrui, il s'est coupé du monde.
        En se coupant du monde, il n'y a que la vanité du moi.
        Le poème n'implique ni le jugement ni la critique : seulement la révolution.
        Le poème n'implique ni la littérature ni le département des Lettres. Il implique seulement de changer ses actes.
        Le poème est dépossédé du pouvoir mais pas d'efficacité.

 

         La distance entre le poème et l'individu : le pouvoir érigé sur l'inconsistance et l'isolement de l'individu, évidement de l'humain. Rapprochement du poème et de l'individu : reprise en mains de soi par soi, édification d'une majorité lumineuse, fraternité réelle avec autrui, l'humain cultivé.
        Où le poème est accueilli : sur la porte d'un cordonnier, dans une chambre d'hôpital, dans l'oreille d'un enfant, dans la bouche d'un amoureux, dans une cuisine... n'importe où, par quiconque, jamais là où il est asservi à une force.
        Où, avec les actes, il est la seule parole.

 

         Il dit que l'humanité brûle, se révulse, convulse et se soulève. Comme l'ouvrier du temps jadis, il dit aussi : "À bientôt j'espère". 




Isabelle Lévesque, Ossature du silence

Arriver aux Andelys, c’est d’abord être capté par un panorama auquel rien, au cours d’un calme voyage, n’avait préparé. Avant de voir émerger les Andelys, rien n’indiquait que nous tomberions nez à nez avec un paysage de failles, de falaises, un méandre du fleuve dominé par un château de rocailles, une ruine isolée battue par le temps, où l’enfant conduit par ses parents pourrait enfin jouer au chevalier, mêler ses rêves à cette réalité de pierre, de vents et de terre.

Mais quel chemin avait amené là ? Par quels tours et détours depuis ces berges d’asphalte, étalées pour drainer une circulation automobile le long d’un fleuve que l’on croyait depuis toujours domestique ?

Aborder Ossature du silence réactive ce choc de l’enfance : le lecteur aura d’abord été désorienté. La volonté de rationaliser doit baisser les armes au profit d’une immersion complète dans l’émergence d’un paysage. Le lecteur doit accepter de recevoir cette présence, maintenant maintenue par les mots, au moins si peu que ce soit : des strophes non ponctuées, libres, ordonnancées sur les pages intérieures, épousant les traces d’encre laissées par un père en ce même lieu, et d’autres pages encore, ponctuées cette fois, en vers mais aussi en prose, corps massifs ou disloqués, de chaque côté. Ces bords promontoires sont, pour l’ensemble,

Ce qui tient. La craie, l’encre.

Isabelle Lévesque, Ossature du silence, Les Deux-Siciles, 2012, 48 pages, 12 €

Isabelle Lévesque, Ossature du silence, Les Deux-Siciles, 2012, 48 pages, 12 €

Les voilà donc, les falaises, « l’altitude » des Andelys. Mais déjà ce haut domaine est friable. « En gouttes, chemin de notes », le minéral n’est que de l’eau qui la traverse et se déverse dans le cours de la Seine, à ses pieds. Aux Andelys (le pluriel le dit bien), entre les phases et les dispositions de la matière, tout n’est que transitions, échanges, transformations et passages. Devenir. C’est parce que les eaux et les vents s’infiltrent et perforent que l’invisible peut sonner et s’offrir en présence sensible au visiteur comme au lecteur. Le domaine des falaises constitue en réalité la caisse de résonnance de la « fibre musicale » qui en est le cœur, le « bâton de pluie » : une « Ossature du silence ».

 C’est ainsi que le poème, toujours composé, percé de blancs, modelé d’arêtes parataxiques, ne se surimpose pas au site. Fidèle aux leçons de Pierre Dhainaut mises en exergue ((Pierre Dhainaut signe la préface : elle sera notre guide.)), il en surgit, émanation nécessaire

des notes. La pluie dévale, je ne retiens pas

précise Isabelle Lévesque. Au discours qui voudrait s’emparer du paysage avec les armes de la rhétorique, elle préfère le non-agir, la fusion dans l’universalité de l’écoute. Allez donc dire à la poétesse enfant que « l’écriture naît aux Andelys », alors elle vous dira :

la Seine aux Andelys
écrit.

Elle proposera de fonder les mots, au moins pour l’essentiel, à l’extérieur d’eux-mêmes, en l’occurrence dans « la nature épanchée de Seine ». Sa parole trouve sa source dans une altérité radicale (« racine ») autant que météorologique, sinon céleste ((Plutôt la phusis d’Héraclite, la parole morcellée et irrécupérable, que la cosmogonie d’Hésiode, l’organisation discursive concourant à la religion et à l’État.)) (« le ciel »). Native : ainsi pourrions nous qualifier l’écriture consignée dans Ossature du silence.

Alors venir, naître aux Andelys : hériter des Andelys. Y revenir. « Je reviens », annonce Isabelle Lévesque : les oiseaux aperçus en levant la tête migrent comme les âmes traversent le temps.

Quel trésor magnifique l’enfant un jour conduit là n’a-t-il pas reçu ! « Mon père m’accompagne, ses encres, harmonique essence (le temps). » Les dessins de Claude Lévesque, évoquant eux aussi Château Gaillard, sont imprimés dans le corps du texte de sa fille. Que la main écrive ou dessine, l’élan poétique laisse l’encre se tendre vers ce qui, tendrement, peut l’ouvrir : paysage, voix, geste, fille, « père et mère (même) » communiquent réciproquement. Héritant de ce qui l’engendre, le poème ne fait pas que recevoir ; il restitue de même((Ainsi le poème est-il dédié à ceux-là-même qui ont donné, pour que, ayant donné, ils aient aussi reçu.)). Écrire aux Andelys, c’est participer d’une harmonie chorale. Du fleuve et de son encaissement de pierre érigé et érodé, l’encre ne saurait être que crayeuse : « tendre », c’est à la fois la force d’un désir inextinguible et la douceur d’une précarité perpétuelle – la voix tendue et délicate d’Isabelle Lévesque. 

Plus haut maintenant, en amont de son enfance, remontant le cours de sa généalogie, l’enfant devient aussi l’héritier des temps historiques. Se ravivent par exemple les mots d’admiration de Richard Cœur de Lion abordant aux Andelys : ils sont « rendus / vivants ». Les participes passés, si présent autour des noms suscités par le poème, valent pour la vie persistante qu’ils n’ont de cesse de manifester. Ils font entendre une  parole qui semble placer les époques historiques sous le signe d’un présent paradoxal, étranger à notre grammaire habituelle. Avare de verbes au passé ou au futur, la langue d’Isabelle Lévesque ne cherche pas tant à abolir le mouvement « des aiguilles du temps » qu’à l’étaler entièrement selon l’ordre synchronique d’une immense composition récitation. Au contact des dessins du père et de l’harmonie du lieu, la chanson apprend la simultanéité des gestes qui se relient à elle, le temps vif de la mémoire plutôt que le temps fictif de la chronologie.

Mais le moindre regard jeté sur la tapisserie en révèle la fragilité. Des vers ou des dessins, des pans s’effacent, des mailles et des chaînes manquent. Les oripeaux de la mémoire tombent en lambeaux. Il nous faut compter avec les trous de l’oubli :

les noms Gambon Grand Rang rejoignent
la Seine           l’enfance engorge       une miette
rompue
le temps le songe reculent

Certains noms ne nous font plus qu’à peine écho, leur sens se perd dans le grand Léthé, ils ne sonnent plus que dans la caverne vide de la mort. Loin de s’en effrayer pourtant, la poétesse conduit son esquif plus loin encore, là où les évènements du temps deviennent des maillons de légende. La relation humaine au temps, Hugo l’avait bien vu, revêt bien un double aspect, historique et légendaire((Victor Hugo, « Préface à la Première Série » de La Légende des siècles.)). Le poème invite à explorer cette part autrement vraie du monde, l’apparition soudaine d’un silence qui soudain devise et s’enlumine. Espérons qu’à l’ombre du « géant » les enfants songeurs joueront encore longtemps, génération après génération…

Présentation de l’auteur




Max Alhau, Le Temps au crible

Max Alhau, Le Temps au crible :
marcher dans le sillage du temps

 

Partir, marcher, en montagne ou dans la plaine, suivre le cours d’un ruisseau, plusieurs fois, bifurquer, ne jamais s’arrêter. Le coeur et le souffle prennent le rythme, et, bientôt, le poème : il en poursuit le mouvement qui est ce déséquilibre sans cesse rattrapé qu’un rien sépare du point d’équilibre.

Marcher est devenu trop évident : nous n’en percevons plus la dynamique vertueuse et miraculeuse. Or, ce que Bernard Mazo[1], à la mémoire de qui est dédiée la première section du Temps au crible, a appelé le « même poème ininterrompu et continûment retravaillé », c’est aussi le chant de ce miracle. Un chant qui, comme le Lied chez Schubert[2], est à la fois mélancolie et désir, asile et exil. Un miracle, la parole ou la marche, pour qui n’en jouit pas. Au seuil de « Terre d’asile », section à la fois finale et augurale du livre, toujours « On se surprend à avancer ».

Tant de choses nous pousseraient à nous arrêter, pourtant :

                        « mais tout est là
                       pour que l’on reste fidèle
                       à ces terres, à ces espaces,
                       à des récoltes sans partage,
                       à ce qui se dessine »

Nous croyons souvent que la fidélité est un arrêt, que le parcours s’achève là. Mais le poème va nous entraîner plus loin, contre nos habitudes. Fidélité certes à ce qui se dessine, mais ouverture (nous ne sommes au terme ni de la phrase ni de la strophe)

                        « à ce qui se dessine
                       plus loin en contrebas ».

Les vers sont cette poursuite, et strophe après strophe, page après page, livre après livre se découvrent des crêtes, des horizons qui, s’agrandissant mutuellement, agrandissent l’espace indéfiniment.

« Perspectives » des « sommets », s’accordaient à dire Max Alhau et Bernard Mazo dans leur entretien. Cette expérience est relatée au début de la section « De ce pays », par quoi

            « une lumière que l’on devine
           derrière la ligne d’horizon
           ou de l’autre côté d’un sommet »

attire le regard, attise le désir d’ailleurs. Et même : elle étire le paysage, au point de le faire fuir, au point de le vider. Horizon après horizon, mis en perspective de l’infini, ce qui s’imposait dans le paysage comme des repères distinctifs s’égalise et s’abolit :

                        « Entre l’attente et l’atteinte
                       c’est simplement le désert
                       qu’il convient d’aborder
                       ou l’oasis toujours en marge. »

Points de repos ou marques cartographiques, les « oueds» ou les « sources », les voici qui « s’ensablent », qui cèdent la place aux dépôts du temps. Ils sont chassés en « marge », d’où ils exciteront notre espoir, suscitant notre marche comme notre poème. De ce par-delà, ils irradient les « mirages » qui nous mettront en route. Mais où nous posons les pieds il n’y a rien que le vent, rien d’autre à posséder que cette « Brassée d’air » qui ouvre le livre.

Voyageuse, la phrase va, tantôt selon le pas du vers libre tantôt selon l’enjambée de la prose au « Libre cours ». Elle part, dit le premier poème du Temps au crible,

                        « dans ces territoires
                       auxquels l’oubli
                       ne porte pas atteinte. »

Son trajet n’est plus une trajectoire : entre « attente » et « atteinte », mémoire et oubli, patience et impatience, reconnaissance et surprise, elle n’a plus de mesure, elle ne sert plus l’arpentage du géomètre.      Errantes encore plus que nomades, la marche comme la parole rompent aussi bien avec la métrique qu’avec la géo : nous traversons des paysages non pas d’espace, mais de temps, de ce temps humain

                        « à l’écart des horloges »

qui ne s’éprouve qu’avec le corps, sans outil, et dans le sillage duquel nous avançons.

En marchant comme en proférant le poème, le temps devient palpable. Pour le sentir, il fallait juste sortir de soi, lever le regard vers les présences alentour, à la fois proches et lointaines, d’une beauté étrange et sauvage. Percevoir le temps : « à la pierre, au rocher » ou à même « un visage », dit un poème de « Libre cours », nous entrons en contact avec « toute leur présence ramassée dans des millénaires et toujours vivace ». Ils offrent à la fois un présent « fugitivement aperçu et qui disparaîtra bientôt » et un passé qui persiste et grossit, une « histoire »[3].

Mais le chant ne peut se faire plus rigide, plus linéaire que ce dont il est l’expérience : comment pourrait-il livrer au savoir ce qu’est ce « fleuve » que, « non loin », une « source » ne cesse d’inventer ? Que dire de ces bifurcations où sont présents, simultanément, l’instant et le passé ? Plutôt qu’affirmative, la parole du poète se fait souvent interrogative : « Mais l’éphémère ? Mais l’éternité ? Ils sont sans cesse différés pour nous qui nous enracinons dans un éclair et remercions d’un silence la lumière ou la vallée ». Il n’est, pour le poème, que d’observer le silence : de le percevoir et de le suivre.

Les plus antiques philosophes de la nature (non pas en scientifiques mais en aèdes) l’avaient bien remarqué : toute rigoureuse sensibilité au temps rend délicate la moindre nomination. Ainsi le chant né de la marche ne peut-il s’écrire, d’après le titre de la section centrale du Temps au crible, qu’avec « Des mots tracés en blanc » sur le blanc de la page. Et la célébration de la lumière irradiant la vallée ne peut être que des plus légères, des plus ténues. Dès lors, enfin, qu’il ne s’agit que de rallier sa voix aux choses qui « brasillent » dans le temps, l’inaudibilité du poème dans une société qui ne goûte que le bruit de ses propres artifices devient une chance, son silence devient une grâce sauvage. Le poète ne peut qu’être fidèle à la marge.

Dans le sillage du temps, nous avons à faire face, « aux précipices », « aux torrents, aux tourmentes ». Nous ne pouvons pas nous défausser.

Mais puisque nous sommes en mouvement, notre condition n’est pas tragique. La voix du poète, pour ténue qu’elle soit, n’est pas exténuée. Le poème auquel est emprunté le titre du livre apparaît  dans la section « Des mots tracés en blanc », et il nous dit :

                        « La mémoire ne connaît pas la cendre,
                       nous ne sommes captifs de rien
                       et même les fourrés, les épines
                       ne contrarient pas notre avancée. »

On lit ailleurs que le poème est « brandon » ou « mémoire du bois ». Et cheminer, comment cela pourrait-il aboutir à rester sur ses souffrances, à s’y arrêter, eussent-elles même, les mots le suggèrent, l’intensité d’une Passion[4] ? En conclusion de son entretien avec Bernard Mazo, Max Alhau, citant Yves Bonnefoy, rappelle que si l’espérance est sans cesse déçue, il faut qu’elle renaisse indéfiniment pour qu’il y ait mélancolie[5]

Surtout, ce temps n’est pas un destin que des dieux pourraient toujours connaître, prédire puis mener à son terme. Il serait plutôt sa « partie ombrée », les « aiguilles sombres » à l’horizon qui ceignent le « plateau » de notre errance[6]. Tout au plus le temps cingle-t-il contre notre visage comme une « destinée » à l’issue incertaine, un « ailleurs » que « nous souhaitons » « inconnu », un mystère qui nous tient en respect.

Et en faveur de notre liberté, la voix du poète sait s’élever, ainsi au tout début de « Libre cours » : « Même les dieux ne nous voleront pas notre mort. ». Stature héroïque ? Nullement : modestement l’humain, sans couronne, sans masque et sans cothurne.

               

[1] Son Entretien avec Max Alhau, initialement paru dans le n°43 de la revue Autre Sud, est reproduit dans Pierre Dhainaut, Max Alhau, une mesure ardente, Éditions des Vanneaux, 2012 (p. 45 à 63).

[2] Les poèmes de Max Alhau et les nombreux Lieder que Schubert consacre à la marche, au Wanderer, ne peuvent-ils pas s’éclairer mutuellement ? On pourra se reporter par exemple à l’émission Le Matin des musiciens du 25 juin 2014, avec Philippe Cassard et Wolfgang Holzmair. 

 

[3] Cette perception directe du temps n’est pas sans similitude avec la lecture que fait Deleuze de Bergson au chapitre 5 de L’image-temps, « Pointes de présent et nappes de passé » (p. 129-164). Reste que le chant, en tant que poème, émane d’une pratique, la marche, et se distingue, par son immédiateté, du discours analytique.

[4] Lorsque le marcheur du désert évoque au lecteur l’apôtre ou même le prophète, le poème prend toujours une autre direction. Tout au plus « pèlerin à la foi hésitante », le poète se distingue par son inquiétude jamais apaisée.

[5] op. cit., p. 61.

[6] Le lecteur peut ici penser à Œdipe. Dans Œdipe ou : Le mythe raisonnable, Walter Benjamin considère que le silence, la « mutité », caractérise le tragique de ce héros. Chez Max Alhau, le quasi-silence n’est pas tragique car pratiquer la marche, c’est faire l’expérience de la liberté. 

 




En corps l’écriture

 

En corps, l’écriture

 

 

« La lumière est celle du vent »
Jean Malrieu, Le plus pauvre héritier

 

Pour aborder la relation entre la peinture d’Eugène Leroy et certaines démarches poétiques, on pourrait penser qu’il faut s’attacher d’abord à traiter de tel ou tel poète explicitement cité par le peintre. Et en particulier Rimbaud, dont le nom revient souvent lorsqu’il est question du lettré Leroy, du professeur de grec amoureux des Belles Lettres.

Nous ne le ferons pas ici car notre propos essaie d’éclairer autant que possible la vocation de certains poèmes d’aujourd’hui à la lumière de la peinture sans concession, nue et totale, d’Eugène Leroy. Pour nous, Rimbaud constituera donc un point de départ. Est-il évitable, d’ailleurs ? Chaque fois ou presque, lorsque l’on ose un regard critique sur ces morceaux de vie que l’on nomme poèmes, inquiet de leur utilité ou de leur force, on cite son « Adieu », au terme d’Une Saison en enfer[i]. À l’été 1873, il sonne un échec : « J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! ». Pour Rimbaud, un constat : l’entreprise poétique, à la regarder lucidement, n’est pas parvenue, malgré tous ses approfondissements, à inventer les nouveaux corps dont elle a rêvé. Les mots restent ce qu’ils sont : des symboles abstraits, à la lettre : détachés du monde. La magie prêtée à leur manipulation n’est qu’un leurre. Si Rimbaud s’est tu, s’il s’est détourné de la poésie, c’est qu’il a fini par être convaincu que le langage, réducteur de tête civilisé, émondait la fleur en tant que chair au point de n’en faire rien qu’une « hallucination ». Et s’il a dit « Adieu » à tous ses poèmes, c’est pour saluer un monde libéré des illusions du langage, « posséder la vérité dans une âme et un corps ». Ce corps qu’il ajoute au bout de son souffle dit la terre qui manque au monde-dit, linguistiquement senti, il contient toute la quête de l’artiste pour qui ensevelir, c’est redonner vie : il explique la conversion d’un homme qui n’a, en réalité,  jamais cessé de creuser son expérience du monde. 

La poésie, bien sûr – mais pouvons-nous en parler comme si elle était un genre ? – malgré cette aventure poignante et décisive, ne s’est pas arrêtée avec Rimbaud. Elle résiste aux destins individuels comme aux catastrophes collectives. Toutefois, il ne faudrait pas se croire tirés à si bon compte de la part de vérité qui revient au poète de Charleville-Mézières. Nombre de poèmes puisent leur force et leur vie paradoxales de son avertissement. La vertu que nous voudrions leur prêter, avant de parcourir l’œuvre intransigeante de Leroy, a une portée politique : ils nous enseignent à nous méfier absolument de ce qui s’érige en discours, éloquence, argumentation pesant sur le monde, à nous méfier de toute forme d’élucubrations conceptuelles, à nous méfier des labels. Cette méfiance, qui n’est pas un rejet systématique mais plutôt une sorte de doute méthodique, doit aussi nous préparer à la rencontre avec Eugène Leroy, dont le travail acharné et entêté ne s’est encombré d’aucun compromis. Il y a, dans ce doute radical de la poésie à l’égard même des constructions linguistiques, de quoi nous rendre disponibles à la démarche du peintre de Wasquehal qui, comme le dit Ludovic Degroote, refuse les « accessoires de théâtre »[ii].

Il ne peut s’agir là, toutefois, que d’un préliminaire. Car Leroy fait toute confiance à sa matière, à cette huile qu’il applique, qu’il mélange, empâte par tas, traînées, couches plus ou moins longues, épaisses, étalées, sur la toile.  Sa peinture, Pierre Dhainaut l’appelle le « creuset de la lumière »[iii]. Or, pour Leroy, « la lumière construit tout ». Et « tout », c’est un espace-temps vivant, un bloc corporel qui ne se détache pas du monde, contrairement au mot symbolique, mais qui participe de sa chair, infiniment relié aux autres corps du monde. Quels poèmes peuvent prétendre, rompant suffisamment avec l’abstraction du langage, être plongés dans le corps même du monde, simplement n’être qu’un mouvement de la matière ?

Puisque la peinture de Leroy ne représente pas mais rend présente, le poème qui lui répond doit avoir renoncé à décrire. Renoncer à faire des mots des signes de la réalité. Ce que nous pouvons garder du silence de Rimbaud, peut-être, c’est le refus de l’empire dictatorial de ce qui se rassemble sous le nom de « sciences de la communication » ou « sciences de la littérature ». Ainsi nous affranchirions-nous des icônes et des idoles qui ne cessent de nous abêtir et de nous tuer. Qui, en tout cas, ne cessent de nous aveugler et de nous assourdir au point d’exclure de plus en plus gravement l’art et l’humain de nos sociétés hyperinformées. C’est dire l’importance pédagogique majeure d’une véritable rencontre avec Leroy et les poèmes qui font écho à sa peinture. Mais comment un texte, fait de mots, peut-il rendre présent un paysage sans le décrire, sans, d’un autre côté, sombrer dans l’insensé ou le solipsisme ? Comment situer un sens ailleurs que dans les règles formelles de la signification, en fait dans la matière même des corps du monde ?

Entre élan

                  vers le libre

Et retour

                vers l'abîme

Toute branche est brise

Et tout rameau rosée

Célébrant l'équilibre de l'instant

                             au nom désormais fidèle

 

Arbre

 

            Prononcer « Arbre », pour François Cheng[iv], c’est bien autre chose qu’appeler une idée, certains linguistes diraient : un signifié. Cette association intellectuelle existe, bien entendu, et les tentatives pour disloquer le signe et se battre contre lui peuvent avoir une espèce de beauté désespérée. Mais prononcer cette syllabe, avec vigilance et bienveillance, c’est laisser passer l’élan d’une ouverture, d’une voyelle vibrante d’énergie, puis la détacher de soi comme une bulle qui se refermerait en ses consonnes avant de poursuivre sa route aérienne, ô combien fragile, dans cette résonance du « e » bientôt retournée au silence de « l’abîme ». Dans cette unique syllabe, « arbre », la brise qui agite les branches de l’arbre présent ne cesse d’être présente, modulée. Il en va de même de la présence mobile et tremblante de Valentine, Annemie ou Marina dans le corps même de la peinture de Leroy. Ses couleurs sont le creuset d’une vraie lumière, d’une lumière qui nous inonde et qui passe en nous, la lumière de toute présence. Ce creuset ne réinvente pas une autre lumière que celle de notre monde, il ne la représente ni ne l’abstrait. La peinture n’est pas ce lieu d’une création ex nihilo, elle est plus humble que cela. Leroy, à l’instar de François Cheng « célébrant l’équilibre de l’instant », s’est affranchi de cette outrecuidance selon laquelle l’art devrait vaincre la mort et prétendre à l’éternité. La lumière et le son ne sont que mouvement, voyage et passage. Ils sont le corps subtil de ce qui, indissociablement, vit et meurt, meurt et vit. Les silhouettes infiniment nouées aux mouvements lumineux des couleurs ne s’imposent pas à notre vue ; elles ne demeurent pas visibles pour tous les points de vue. Elles sont infiniment reliées à l’espace où se trouve notre corps, aux passages des heures, des saisons, au vrai temps astronomique des corps célestes. Oscillations d’épiphanies (épiphasis) et de résorptions (aphanisis), pourrions-nous dire avec Georges Didi-Huberman[v].

            Ces palpitations irrégulières du temps dont Leroy a toujours été le passeur, comme si ses superpositions d’huiles étaient le positif d’une main s’efforçant d’être un négatif de plus en plus sensible, amène également la main du poète à libérer son vers :

Entre élan

                vers le libre

Merveilleux regard, merveilleuse écoute, merveilleux tact, lorsqu’est perçue la conjonction totale de la branche et de la brise. Le vers libre laisse passer cette respiration de l’air à travers et autour de la branche, ce mouvement de la branche à travers et autour de l’air. Comme la main du peintre qui s’évertue à ne pas faire écran au passage des couleurs, celle du poète, loin de vouloir capter un paysage avec des mots, s’efforce au contraire de laisser frémir les bruissements de l’air par quoi le paysage apparaît.

 

                                    Toute branche est brise

 

                Merveilleux regard, merveilleuse écoute, merveilleux tact, lorsqu’est perçue la conjonction totale de la branche et de la brise. Le vers libre laisse passer cette respiration de l’air à travers et autour de la branche, ce mouvement de la branche à travers et autour de l’air. Comme la main du peintre qui s’évertue à ne pas faire écran au passage des couleurs, celle du poète, loin de vouloir capter un paysage avec des mots, s’efforce au contraire de laisser frémir les bruissements de l’air par quoi le paysage apparaît.

 

                                     Et tout rameau rosée

 

                Dans les cas les plus heureux, et ce Chant de François Cheng en est un exemple, le corps du monde suit une chaîne ininterrompue de métamorphoses. C’est non seulement le rameau qui est rosée mais aussi, la grammaire ne nous contredit pas, tout qui est rameau qui est rosée… Et intituler un tel chant « L’Arbre en nous a parlé », ce n’est pas vouloir dire, par plate métaphore, que nous entretenons une ressemblance symbolique avec l’arbre. « L’Arbre en nous a parlé » : ce n’est pas une figure de style, comme l’on dit dans les classes, ce n’est pas de la technique littéraire. La strophe nous émeut, charnellement, parce que le poème perpétue le souffle bien sensible de l’arbre-vent en une parole qui n’est que sa métamorphose. Serait-il excessif de parler de réincarnation – de l’arbre-vent en arbre-parole ?

                Ainsi, de même que la peinture de Leroy parvient à ne plus être image pour n’être que corps, le poème réussit à s’extraire de l’emprise du langage. Par le jeu de la seule sémiotique, l’œuvre ne rayonne pas dans le monde, n’entre pas en résonance avec lui. Par le jeu des signes, l’œuvre accole un autre monde, métaphysique ou métapsychologique, tour à tour angélique ou diabolique, mais toujours hallucinatoire. C’est un calembour. Pour rayonner et résonner, l’œuvre n’a pas à prétendre tirer de l’Être à partir de Rien, ni à substituer ses images digitales à la terre. À l’aube des œuvres les plus libératrices, celles qui nous changent le plus, rien de plus que l’expérience de l’union de chacun avec chaque autre (« Et tout rameau rosée »), la sensation d’une fidélité du langage incarné avec les corps du monde. L’amour des corps retrouvé. Celui tant recherché par Rimbaud et qui lui fait dire, dans « Aube » : « J’ai embrassé l’aube d’été ».

 

            La peinture de Leroy paraît épaisse et opaque, même difficile écrit parfois Jacques Bornibus, son ardent défenseur depuis le début[vi]. En effet, ni de volonté ni de représentation, les corps, ce qui fait que Rimbaud en appelle finalement à la terre, sont noirs, sourds, silencieux. Leur devenir sensible à travers les chemins métamorphiques de l’œuvre d’art ne nous touchera que si nous nous insurgeons contre notre culture, si nous nous retournons. Pierre Dhainaut ne cache pas que c’est une longue démarche qui permet d’ôter ce qui obstrue le regard, bouchant le passage d’un rayonnement pourtant recueilli au cœur même des corps.

 

                        Ce que nous appelons « silence », de nuit,

                        une voix s’y ressource avant de poindre.

 

            Il convient de se laisser envahir par la nuit, au plus profond de l’obscurité, d’une chambre dit souvent Pierre Dhainaut[vii], pour se rendre attentif au moindre tressaillement des corps. Cette expérience tactile à la faveur du noir total est tout aussi fondamentale chez Leroy. Il n’y a que dans le noir que la voix se libèrera des discours et des abstractions toutes faites qui la privent de son souffle :

 

                        À peine s’offre-t-elle aux premières syllabes,

                        un souffle en émane, en aimante d’autres :

                        le corps pesait, le corps s’incarne en devenant parole.

 

            Au prix de cette ascèse, de cette plongée dans la physicalité inerte des corps qui, pour nous, s’apparente à la mort, l’aventure se fait : les mots s’incarnent et rejoignent la vie, la chair du monde. Dans un entretien, Leroy raconte les moments passés devant le feu, s’exerçant à plonger son regard dans les flammes. Sacrifice purificateur pour brûler ce qui encombre notre œil, tous nos sens. Alors la nuit la plus noire confine à la révélation la plus éclatante.

 

                        Nous ne demandons pas à qui elle appartient,

                        mais nous reconnaissons ces cris qui se changent

                        en murmures, déjà cette rumeur de houle

                        parcourant les rivages, élargissant les arbres :

 

            Le peintre tente de rester fidèle au visible ; le poète tente de rester fidèle à l’audible, « cris », « murmures », « rumeur de houle », « arbres ». Or, par quel miracle les lois d’une grammaire, régissant la phrase comme le discours, seraient-elles a priori solidaires de l’audible ? Selon toute probabilité, aucun. Et il y a plus : la voix, réorientée par l’expérience de la nuit, parvient enfin à s’extraire de l’étroite gangue du « je » pour s’extérioser en un « nous ». Même pas un « tu ». Avec le « nous », la voix n’appartient plus à un sujet, la dichotomie sujet/objet tombe. Corps réellement en présence, une peinture ou un poème ouvrent les corps les uns aux autres : l’ego n’a plus lieu d’être, il est enfin relégué au rang des breloques qui nous rendaient si artificiels, si illusoires. Tout peut s’élargir :

 

                        Ce qu’elle cherche, comment le suivrons-nous,

                        pourquoi devrions-nous choisir entre le cœur

                        et l’horizon ? Jamais assez profond l’espace

                        à travers elle, ni assez généreux.

 

Si l’œuvre d’art ne doit ni s’imposer au monde, ni se surimposer à lui (sous peine de créer des « arrière-mondes »), elle lui ajoute de l’ampleur, un terme utilisé plus loin dans le poème. Elle remet en circulation ces souffles et ces lumières que l’existence, trop souvent, nous apprend à arrêter ou à ne plus voir : la vie nous fige, les habitudes, les certitudes, les mensonges aussi nous réconfortent, se durcissent en un piètre silex avec lequel nous croyons avancer. Cette nouvelle étape, au contraire, où toutes les dimensions (« les rivages » et « les arbres ») se mettent à pointer vers l’infini dans la finitude même de leurs corps, syllabes ou touches de peinture, elle n’est soutenue que par un élan : c’est l’amour.

 

                        La voix, qui renaît d’un poème, qui le révèle,

                        nous l’accueillons comme un enfant se lève

                        vers un visage aimé : elle ajoute au monde

                        le monde plus ample, le silence a pris forme,

                        il s’éclaire, il résonne, il a tout le temps de promettre

que rien ne tombe, ne retourne à la nuit

parmi les mots que nous disons avec le même élan,

celui de « mort » aussi, pour consentir et nous ouvrir.

 

            Le « visage aimé », incarnation d’une voix venue du plus profond de la nuit, l’enfant, immédiatement, se tourne vers lui à son appel. Il suscite aussitôt un élan, et lui offre tout par la seule vertu de la relation d’amour. L’amour, la promesse : à cet appel répond la conscience que le seul mobile valable d’une œuvre, c’est d’offrir la possibilité de se transcender, d’ajouter « plus ample » au monde. Pour rendre hommage à un défunt, le poème de Pierre Dhainaut n’en regarde pas moins vers l’enfant : toujours il se voue à l’humain à venir plutôt qu’à la tradition ou aux pairs. Nous n’héritons pas du passé, semble-t-il nous dire, mais de cet inconnu qui nous tend ses joues, ses bras, si nous savons l’aimer[viii]. Dans la mesure où l’œuvre, en son ouverture aimante, consent à perpétuer les métamorphoses des corps, son exigence dépasse tous les modèles, qu’ils soient moraux ou esthétiques. Peut-être faudra-t-il y voir plutôt un souci éthique, unir les morts et les vivants dans une même présence, par l’œuvre d’art. À cet égard, le dialogue avec Leroy, instauré ici par une lecture de poèmes, doit nous donner l’espoir, un jour prochain, de saluer « dans une âme et un corps », les amplitudes du monde.

Thomas Demoulin

 

Ce texte est né à l’invitation de Jean-Yves Penin, formateur à l’Institut de Formation Pédagogique de Lille. Qu’il soit ici amicalement remercié pour la place qu’il a bien voulu accorder à ce dialogue entre peinture et poésie.

 

 

 


[i] Voir, par exemple, la préface de Daniel Martinez au n°61 de la revue Diérèse (« Affinités », été-automne 2013)

[ii] Ludovic Degroote, Eugène Leroy, Autoportrait noir (Invenit, col. Ekphrasis, 2010), p. 21 et 22

[iii] Pierre Dhainaut, Au creuset des couleurs, paru dans le n°11 de la revue Thauma (« Couleurs, Lumière », oct. 2013). La citation suivante et l’importance du toucher dans le rapport entre Leroy et la peinture viennent de cet article.

[iv] François Cheng, extrait de Double chant (Encre marine, 1998, repris dans À l’orient de tout, Poésie/Gallimard 2005)

[v] Georges Didi-Huberman, La Peinture incarnée (Minuit, 1985). Dans sa lecture du Chef d’oeuvre inconnu de Balzac, l’auteur montre (volontairement ?) le haut niveau d’abstraction qui sous-tend la tentative occidentale moderne de figuration. Mais il semble toujours envisager comme un échec cette autre perspective, qui fait de la peinture un « chaos » et des « superpositions de couleurs », alors même qu’il semble essentiel d’y voir une réussite positive.

[vi] Jacques Bornibus, « De la lumière vraie dans de la couleur peinte » (1956), in Eugène Leroy Jacques Bornibus, une complicité (catalogue d’exposition, Musée des Beaux-Arts de Tourcoing, 9 juin-12 septembre 2004)

[vii] Pierre Dhainaut, Poème du jour, n°80, Atelier de l’agneau (2012). Cet hommage à Laurent Terzieff ouvre son autobiographie critique : La Parole qui vient en nos paroles (Éditions L’Herbe qui tremble, 2013).

[viii] Ici, Pierre Dhainaut rejoint Yves Bonnefoy, « l’un des très rares poètes » à se préoccuper d’une « nouvelle paideia ». Les conséquences sur l’enseignement de la poésie sont développées dans « Oui, par l’enfant » et pour l’enfant : Yves Bonnefoy et l’enseignement de la poésie. Op. cit. Décapant et salutaire.