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Jean-Claude Goiri, Aux charnières de l’utile

… notes sur une gestuelle

Et je ne sais que chanter les éloges du vent aux charnières de l'utile. Mais je rêve d'oreilles. Je rêve de pouvoir aider. Jusqu'au bout du crâne, j'en rêve. Juste aider. Aider juste.

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Premier mouvement

Ce qui bruisse…

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Aujourd’hui (et encore aujourd’hui), j’ai eu l’envie de planter un clou. Cela n’était d’aucune utilité. Mais comme je suis poète, je l’ai planté quand même. Pour voir…

Pourvoir à l'inutile... l'utilité étant une obligation sociale, le geste inutile devient ainsi un mouvement de l'intime, donc utile.
En fait, on s'évade avec l'inutile, on sort de cette prison de la fonctionnalité.

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Tout d’un coup ce matin mes filles étaient si belles
C’était à n’y pas croire, à n’y plus rien comprendre
Non pas que d’habitude elles ne le soient pas
Mais là c’était trop Il y a des limites à tout
J’ai dû ouvrir la fenêtre pour respirer un peu
Et là je me rends compte qu’elle est magnifique
Un bois exceptionnel Vraiment époustouflant
D’un arbre d’au moins mille ans si ce n’est un peu plus
Je me suis servi un verre d’eau pour calmer mon émoi
Et quand j’ai vu le verre j’ai failli m’étrangler
Un verre de première main soufflé à la bouche
Par un homme sans doute qui n'est qu'un demi-dieu
J’ai dû prendre une serviette pour essuyer ma bouche
Et les bras m’en tombèrent quand je vis ce chef d’œuvre
Ce n’était plus une serviette c’était de l’Art Total
Un résumé du monde en trois coups d’aiguilles
Je la déposai sur la table et quand je vis celle-ci
Je ne peux pas vous dire l’émotion qui me prit
Je versai une larme de la voir si splendide
Mais toujours à quatre pattes pour pouvoir me servir
En essuyant la larme que j’avais fait tomber
Je me rendis compte d’un coup comme le carrelage était
Quelque chose d’hors-norme qu’on ne devrait pas faire
Et je pris la décision de ne plus marcher dessus
Je sortis de la cuisine pour aller n’importe où
Une fois dans le couloir je fus bien perdu
Tout était si beau que c’en était impossible
J’arrivai même à marcher c’est pour vous dire un peu
Je suis resté comme ça dans le couloir sans jamais bouger
Quand celle qui m’accompagne est rentrée du travail
Je lui ai tout raconté sur les beautés du monde
Elle m’a prise dans ces bras puis m’a aidé à marcher
Un peu jusqu’au lit puis beaucoup allongé
Elle m’a parlé beaucoup de quelque chose de très simple
De je ne sais plus quoi Sa voix était trop belle
C’était quelque chose d’inhumain tellement profond et tout ça
Elle m’a tellement comblé que je me suis endormi.
Et des rêves si beaux ont envahi mes paupières
Que j’ai refait le monde juste un peu partout
La terre était si ronde qu’elle tournait sur elle-même
Et l’Homme se mit à faire exactement pareil.