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Bonnes feuilles : Elisabet Jökulsdóttir

 

Bonnes feuilles PO&PSY 2015

 

 

Si je t’appelais pour avouer ce que je ressens,
et si tout sortait de travers, je ne me rétracterais pas.

Mon corps, qui prétend ne rien savoir, devient omniscient
quand il voit ton corps et se met à penser.

 

La voix d’Elísabet Jökulsdóttir, tantôt naïve et expressive, tantôt affûtée comme une lame de rasoir, cherche à nous confier quelque chose de précieux, à nous révéler un monde qui s’ouvre, parfois en grand, parfois à peine, quand on pousse « la porte à deux battants » et qu’alors « cette nuit qui nous abrite » devient claire « comme une claire nuit de solstice ». Dans ces poèmes d’amour, le corps est divin et les pensées deviennent aussi « divinement crues ».

 

 

 

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Elísabet Jökulsdóttir, née le 16 avril 1958, vit en Islande et s’implique dans la protection de l’environnement. Elle a publié 20 livres, écrit une vingtaine de courtes pièces, réalisé des happenings à la télé et dans la rue, monté des expositions d’art plastique et des spectacles de danse dont elle est la chorégraphe.

Elle vient de remporter le prix Fjöruverðlaun, prix littéraire décerné a une œuvre récente écrite par une femme, pour son dernier ouvrage, un recueil de poèmes dont le titre signifie approximativement en français: "On ne danse pas près du rocher".

 

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Extraits :

Traduits par Catherine EYJÒLFSSON

***                                                     **

 

Viltu vakna en ekki opna augun,
og hlusta á mig ekki segja neitt.

90

S’il te plaît réveille-toi, mais sans ouvrir les yeux,
et écoute-moi ne rien dire.

 

 

 

 

 

Fingur mínir sefast á öxlum þínum
þegar ég læsi þeim í holdið.

91

Mes doigts s’apaisent sur tes épaules  
quand je les enfonce dans ta chair.

 

 

 

 

 

Þegar ég finn heitan andardráttinn þinn,
fyllist ég lotningu. Fuck.

92

Quand je sens ton souffle brûlant,
je suis remplie de vénération. Fuck.

 

 

 

 

 

Eða saltbragðið af húð þinni svo ég öðlist þá trú,
að mér hafi eftir allt saman skolað á land.

93

Ou le goût de sel de ta peau, à me faire croire
que la mer m’a enfin déposée sur le rivage.

 

 

 

 

Það er þessi blossi sem verður að flæðandi
ljósi, má ég svo gæla við hnakkann á þér.

94

                Cet embrasement se mue en flot de lumière,
                puis-je maintenant caresser ta nuque.

 

 

 

 

 

Viltu ráða yfir mér svo ég tapi líkamanum,
og finni að eitthvað ræður yfir líkamanum.

95

              S’il te plaît dispose de moi, que je perde mon corps
              et sente que quelque chose dispose de lui.

 

 

 

 

 

Komdu með mér ofan í gjótu, þar sem vaxa
burknar og bláklukkur og þrösturinn syngur.

96

Viens avec moi dans le creux où poussent
fougères et campanules et où chante la grive.

 

 

 

 

 

 

Þú ert einsog öræfi Íslands, villtur og viðkvæmur,
svo ég skal vera í kjól.

97

Tu es comme le désert d’Islande, sauvage et délicat,
je mettrai donc une robe.

 

 

 

 

 

Má ég horfa í dökku augun þín,
þegar sumri hallar og syngja ljóðin mín.

98

             Laisse-moi regarder  dans tes yeux sombres,
             quand décline l’été et chanter mes poèmes.

 

 

 

 

 

elska þig er að leyfa lífinu að ráða,
viltu taka í mína hönd.

99

            T’aimer, c’est laisser le champ libre à la vie,
           s’il te plaît, prends-moi par la main.

 

 

 

 

 

 

 Ég lifna við og langar að búa til hunang
 og sleikja af fingrum mínum.

100

            Je revis, j’ai envie de faire du miel,
            de me lécher les doigts.