Caïn
Parvenus à la pointe extrême de ce siècle grand bâtisseur
de ruines et géniteurs de spectres
au bord du Millénaire où gît notre avenir blanchi
à la chaux vive
ayons une pensée – peut-être une prière – pour l’ancêtre
fondamental
saint patron des frères humains depuis le commencement
de la fin :
le tueur utérin, l’assassin consanguin
dont la sève ruisselle à jamais en nos reins
– notre Père Caïn.
Saluez le vampire enfant occupé à noyer son reflet
dans la mare !
Prosternez-vous devant le fils indigne devenu Père
de l’Histoire !
Admirez au fond du miroir la face en lame de couteau
du sacrificateur
louchant sur l’héritage et léchant le Veau d’or
et notez, je vous prie, sa criante ressemblance
avec vous, avec moi, frères siamois engendrés par alternance
d’exquis supplices et d’âpres voluptés
dans la matrice de la Mort.
(in L’ÉTAT NAISSANT, 1996)