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CARNET

 

(a)
Goulûment j’écris
alors que le vent chiffonne les pages de sorte que
vent qui souffle sur le chaume de foin
un corbeau debout seul dans le vaste champ

et je ferme loin mon petit trésor

Ce qui lorsque
j’en fais l’expérience je
l’annote pour me le
rendre plus amplement présent

En partie pour le préserver en partie
par perte

Pourtant vent foin chaume et corbeaux
me survivront n’ont besoin de mes mots

(e)
Répète :
Une main humaine
Un crayon
Des mots sur du papier quelque sauvetage du moment
Ensuite l’écriture est finie
et le champ venteux continue d’exister

(i)
Vent sur un champ

Plumes noires chiffonnées sur le dos d’un corbeau immobile indifférent au vent

Vent

(o)
Le mot « vent »

Le vent

Dans cette langue j’écris
le mot pour cela
et aussi le « le » le vent
n’en a pas besoin, le « le » que le « le »
ne désigne pas lui-même sauf
lorsqu’il en est forcé

Je le force
et

le mot écrit fuyant le
sillage du moment présent est
battu en brèche comme un lambeau de papier jeté
vers la limite lointaine d’un champ
vers
les
arbres là

du jour lumière-de-champ aux bois nuit-sombre
le temps un coup de vent et le
mot comme un oiseau qui chante incapable de se retourner contre lui

(u)
Le bruit dûment dans les arbres

 

extrait de
It’s Time (Il est temps)
—Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2002

 

Traduction : Nathanaël