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Abdelhadi SaïdA une Tangéroise

 

Avec bonté de fusil et dextérité d’ouragan, je tente ma chance avec l’abîme et tu danses. Dans l’air insomniaque tu reproduis une madone sonore douce-amère au toucher et je m’empêtre. Poétiquement je veux dire. Toute harmonie est criminelle, en ce sens qu’elle mobilise d’emblée notre désarroi.

Discuter en tête-à-tête avec le pythagore qui préside à ton visage est une entreprise vouée nous le savons à un bel échec. A la rigueur, une haine sans fioritures pourrait m’aider à survivre à la toxique après-midi repue d’ombres, trop bien t’imitant quand de loin en loin tu redoubles d’existence.

Après ils s’étonneront de trouver enlacés nos cadavres. Et plaquées aux parois du néant nos âmes séchant comme le plus spirituel des linges. De nos rires tressés en colonne vertébrale le long du gouffre ils ne saisiront pas une miette. Ni à notre envie décuplée d’ingurgiter le vent détraqué ne comprendront goutte.

Absence solennelle de tout ce qui navre. Beauté momentanée et poison rare.

Présentation de l’auteur




Abdelhadi Saïd, Partie de chasse

 

Nous tâchons d’exister notre soûl, moi clavier d’orage amène, et toi, colombe récursive dont le rire roux sans fin coule.

Soudain je glatis et nous vaquons à l’air pléthorique, colportant à travers le lointain notre humain dédain des choses vues.

C’est dans des hauteurs insoupçonnées que nos yeux découvrent la fosse commune des terriennes joies. Et quand s’obscurcit la ligne assidue de l’horizon, moi comme perdu dans le tumulte de tes cils je suffoque avec aisance.

Nous rentrons avec dans l’âme le gibier de la mort. Je savais que tu triompherais. Seule mon accoutumance rouge à tes ailes persistantes un jour te perdra.

Moi poème, moi sa fin. En toi je m’engloutis oui.

Présentation de l’auteur




Abdelhadi Saïd, Posthume

Nous regagnons la chambre oblique, établie à distance égale du roc et du fado, à mi-chemin d’une nuée de vignes rythmiques et de l’insistance brunâtre d’une falaise. Ta main se veut oiseau ad hoc, quand règne beau, à portée de songe, un récif à mes yeux lucratif et doux.

Et frappée d’une pénurie d’oubli flagrante, ta main – toujours elle – divulgue paradoxale le récit à peine estompé de nos dix vies communes, saupoudrant d’infini l’instant de notre disparition, et sur l’insensé tarmac du souvenir, faisant atterrir le char brûlé des ans à venir.

Adviendra notre sourire, armé de la fin de toute chose. Adviendront ces routes embrasées par nous jadis empruntées et ruminant au loin leur asphalte, routes rêvant de virages plus nets, d’arrêts brusques en plein coquelicot, rêvant de ponts courbes menant vers la posthume entente de nos folies désuètes.

Hier, tes cheveux bavarderont sur l’oreiller ivre, et moi serai là, à fumer à n’en pas finir le thym de tes joues.

Présentation de l’auteur