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Cécile A. Holdban, Solitude des seuils

 

Solitude des seuils
solitude des rives

on marche
sans l’étreinte du temps
bêtes d’ombres mais
libres.

On marche
dans le moût de la terre
au flanc
brisé des pierres
chair brassée d’écume

on marche dans des champs
des forges
désertées par le feu.

on marche
sous des rameaux
aux graines d’amertume
dans le sel de l’autan
la couture des fleuves
à l’horizon tranchant
dans le bois du sumac
des dunes.

On marche dans les remous
les cratères d’îles
qu’aucune algue ne lie
dans le miel de brèche
dont la cire se trouble
les fleurs sans éclat.

on marche
sur la toison rêche
du monde son extrême
relief de glace
où la lumière aveugle
et où on
disparaît.

Présentation de l’auteur




Cécile A. Holdban, L’âme a son ressac

 

L’âme a son ressac
une calligraphie liquide
où lire le signe nu
l’impossible géométrie
des vagues

Présentation de l’auteur




Cécile A. Holdban, Dans la fraîcheur de la nuit

 

Dans la fraîcheur de la nuit,
des mains de pluie
tâtent l’orge et le blé
linceul déployé de brume
cherchant la faille

la maîtresse du brasier
lève son armée de boue
migrations secrètes
archipels de ténèbres
où meurt
seulement
le sifflement du vent

tandis que vous dormez
peuple d’en haut
exilés de la conscience
tandis que flotte le chant
du pain, du clocher
la ville sous l’aile
nocturne des oiseaux

le sang la sève et l’eau
circulent et se répandent
un ruban noir
noue la voix du ciel
et les racines poursuivent
leur plus profond voyage.
 

Présentation de l’auteur




Un nid dans les ronces de Cécile A.Holdban

     Voici un recueil de haïkus, mais pas seulement de haïkus. Les tercets de Cécile A.Holdban sont fidèles à l’esprit et aux règles du fameux genre poétique japonais mais s’en échappent aussi très souvent. Ainsi, l’auteure ne néglige pas la métaphore (« Les pavots du vent/dressent leur cœur échevelé/à toucher le ciel »), peu usitée dans le haïku classique. Il lui arrive également de s’exprimer au passé,  loin d’une conception du haïku qui entend d’abord figer l’instant présent.

     Mais finissons de chipoter et retenons surtout de son recueil que l’esprit du haïku est bien là. Et c’est le plus important. Il l’est dans cet art de saisir une émotion, une sensation, aussi bien au cœur de la nature qu’auprès des êtres aimés (« La vieille église/son clocher de bois abrite/des nids d’hirondelles ».   

      Elle nous ramène aussi, par le truchement de ses propres encres de Chine, qui parsèment le recueil, vers l’univers végétal ou animal des grands maîtres du haïku. Voici la grenouille, la fourmi, le héron, le papillon, le pin, le magnolia, l’iris, l’arbre aux mille écus… Sans compter que Cécile A.Holdban va souvent jusqu’à respecter le classique découpage du poème en 5 syllabes, 7 syllabes, 5 syllabes. « Tu ouvres les yeux/parmi les ombres de la chambre/la lune endormie ».

    Malgré tout, on l’a dit, Cécile A.Holdban se  joue le plus souvent des lois du genre. Elle le fait avec bonheur, ne dédaignant pas de  verser  ponctuellement dans la sentence ou la notation d’allure philosophique. « Ta main petite/prendra toute la mesure/du monde à connaître ». Ou encore ceci : « Quand les cerfs-volants/ne se dressent plus dans le vent/un cœur s’assombrit ».

    Comme le note avec justesse l’éditeur, « La langue épurée de Cécile A.Holdban se fait l’écho de la tendresse vigilante qu’elle témoigne aux paysages qui l’entourent et à ceux qu’elle porte en elle ». Ainsi ce poème qui donne son titre au recueil et résume bien sa démarche de poète : « Ta main sur mon cœur/un nid dans les ronces rougies/pour l’oiseau craintif ».