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Créolités et création poétique

A l'origine de ce numéro, le désir de donner à lire et à entendre des voix poétiques différentes, à travers le  français tel qu'il est, bien vivant, dans le monde, et à travers les créoles, ces langues locales, liées historiquement au français mais dont le statut est particulier – langues jumelles et charnelles, langues vibrantes des racines et de la famille, constituées contre et en liaison avec la langue dominante - dont l'usage littéraire est encore largement méconnu.

Pascale Monnin.

Créoles, et français langue commune – comme la koiné antique, multiple, nourri de ses voyages, de ses rencontres avec d'autres cultures, d'autres réalités géographiques et historiques – donnant naissance  à des idiomes neufs, des créoles aux racines multiples (aux Antilles, à la Réunion, en Polynésie), longtemps dévalorisés car langues des dominés, colonisés, mais si vivantes qu'elles ont transmis  et fait grandir des littératures parallèles, dans lesquelles le français perdure, mais non pas comme un joug imposé par des maîtres, puisqu'il joue, se gémine, de ces langues vives, portées dans la chair des peuples qui désormais les revendiquent pour créer aussi avec elles, car créer, c'est aussi vivre : vivre plus haut, vivre en prenant appui sur ses ancêtres pour aller plus loin, ailleurs – ensemble !

Les poètes invités pour ce numéro, appartiennent à cette double culture, française, et créole... Certains ont aussi accepté de répondre à un questionnaire ouvert sur leur rapport de créateur avec cette double langue et double culture ((les questions : Est-ce que vous écrivez en créole, ou non? Y a-t-il des sujets qui vous viennent d'abord en créole, et qui sont "traduits" en écrivant directement en Français ? ...

La poésie est-elle un domaine à part de votre pratique langagière habituelle ? comment s'organise pour vous le rapport entre les deux langues et quelle part a le créole dans votre écriture et votre imaginaire? Comment définiriez vous le rôle du créole dans la constitution de votre personnalité poétique?)) :

nous avons retenu les réponses de Kenny Ozier-Lafontaine pour la Martinique, Navia Magloire et Elbeaux-Carlinx pour Haïti, et Frédéric Célestin pour La Réunion :

 

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

 

Kenny Ozier-Lafontaine – Martinique :

"je n'écris pas comme De Gaule, ou comme Perse,

je cause et je gueule comme un chien ! "

Léo Ferré

Ce qui m'intéresse principalement dans le travail de traduction de mes textes, du français vers le créole, que je réalise avec ma soeur, c'est le va-et-vient, la tension qui doit naître de cette confrontation entre les deux langues. J'ai toujours cherché dans mon travail à lutter contre l'exotisme, le "doudouïsme", et contre toutes les manières publicitaires de référer au territoire des Antilles. Toutes les manifestations langagières héritées de mon enfance sont d'abord vécues chez moi comme un problème, ayant le souci de ne pas vouloir ancrer mon écriture, m'étant toujours représenté la poésie comme un moyen de navigation vers l'inconnu, et un moyen de restitution de ces voyages dans l'ailleurs. L'écriture serait donc aussi bien la caravelle, que le canoë du Taïnos, ou plutôt la pagaie, le sextan, et enfin la carte où inscrire les noms, les coordonnées de ce nouveau monde qui se dessine devant moi. 

L'écriture pour moi, doit être ce carnet de rêve, grâce auquel la restitution du rêve, et le rêve lui-même, ne seraient plus consommés en des instants séparés. Malgré la distanciation prise au cours du temps, la richesse de ce langage, due entre-autres aux "dominations" successives dont l'île devait souffrir, m’a toujours rappelé à mes fondamentaux.

Pour le recueil Nègre (à paraître aux éditions du Dernier Cri), je me suis attaché à diminuer, exterminer, toutes les références possibles à mon pays natal, afin que le texte que j'allais soumettre à ma soeur pour la traduction ne souffre d'aucune nuance, aucune référence au lieu de notre naissance. Je souhaitais que le foyer d'émission et celui de réception, puissent être les plus étrangers possible, les plus éloignés, comme les deux extrémités d'un élastique bandé, prêt à céder, ou à se contracter, se réduire, se rejoindre. Car ce qui m'attire, m'enchante, avant tout avec le créole, c'est sa violence. Ce n'est pas qu'on y entende vraiment les coups de fouets claquer, mais il y a encore aujourd'hui dans le créole quelque chose d'une souffrance, comme un cri, une sorte de puissance qui se redresserait comme une montée de sève,  une violence "argotique" qui ne rencontre désormais plus aucun obstacle, et qui peut "gicler" comme bon lui semble, une manière de "causer" qui me fascine, pour les mêmes raisons, chez des auteurs comme Burroughs, Céline, Genet, ou encore dans l'argot nègre ou red neck que l'on peut rencontrer chez Faulkner … une puissance donc vers laquelle mon écriture en français me porte naturellement et qui n'a peine à retourner puiser chez moi les mots qui lui font défauts. Les mots donc, la syntaxe, y sont souvent âpres, secs comme des coups bâtons, en témoigne les noms des divinités de la nuit, de l'ombre, tels que les Soukounyans, les Dorlis. Comme dans la poésie de Césaire, la langue créole se déploie le plus souvent comme une coulée de lave violente échappée de la Pelée. Le créole jusqu'à récemment était encore une langue orale, une langue interdite en certains lieux, une langue qui pour mes yeux d'enfants possédait déjà quelque chose du blasphème, de l'injure, ou du cri, elle était aussi la langue des contes de mon enfance, les premiers temps, les premiers contacts avec les territoires des sorciers, des Kimbwasè (Quimboiseurs)

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre.

 

 

Navia Magloire, Haïti :

Pour ma part écrire en créole est une éducation, un apprentissage, comme on se réapproprie ses racines. J’ai appris à penser l’écriture en français, ce qui revient à concevoir mes textes en français. En revanche pour le reste je pense en créole. Les deux langues ont toujours cohabité et coexisté ; dans un premier temps l’instruction se faisait en français et le créole était la langue parlée,  à présent, les deux sont à égalité même si la majorité choisit le créole qui est une langue viscérale par rapport au français qui est la langue amenée.  La langue de l’instruction a été le français donc pour ma part il est naturel de créer mes textes dans cette langue. Sans oublier que ce fut la langue imposée, celle du colon langue de la colonisation qui est devenue plus tard une arme pour une certaine élite.

Etant donné que je ne conçois pas mes textes en créole, je l’utilise moins. En revanche il m’arrive d’ajouter des mots ou de faire référence à des images créoles dans quelques textes. Mon langage n’est pas insulaire, ce qui diffère de mon identité. Je ne traduis pas mes textes, le sujet ou le thème peut être de culture créole mais la langue dans laquelle elle est pensée est le français. Si je devrais écrire en créole je le ferai directement.

Navia Magloire, Blessures de l'âme, CreateSpace Independent Publishing Platform, 104 pages.

 Je ne pense pas que le créole en tant que langue soit pour quelque chose dans ma personnalité poétique. On ne peut ni réduire ni enfermer la personnalité humaine dans une langue, que cette personne soit ou non un poète. Je lis autant les poètes japonais, coréens, que les poètes français, espagnols, africains ou haitïens. en revanche ma langue viscérale est le créole. Mes peines, mes douleurs, mes émotions je les ressens et les perçois en créole.

J’écris à partir de mes viscères et c’est ce que je transforme en langage poétique. Je me considère comme universelle, une poétesse du monde.  La poésie est omniprésente, chaque rencontre, chaque nature, chaque voyage, chaque expression humaine est poésie. Je ne peux détacher la poésie du quotidien. Le quotidien peut être une expression triste de cette dernière mais c’est tout de même là. 

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

 

Elbeaux Carlinx – Haïti  :

Je suis un poète haïtien, j'écris dans les deux langues, le créole qui est ma langue maternelle et le français qui est ma langue de formation, mais ça varie pour moi selon les émotions que je veux partager.  Si le créole est une langue aussi romantique que le français, il n'est pas pour moi seulement un moyen de communiquer mais surtout un moyen de dire que je suis homme, de me révolter puisque cette langue a pris naissance dans des circonstances historiques bien déterminées, c'est le ciment qui a rendu possible la révolution des noirs à Saint-Domingue qui va accoucher la nation haïtienne, première nation nègre.

J'écris dans les deux langues et je parle comme j'écris, ma poésie n'est pas seulement sur les pages blanches mais dans mes actions et mes paroles, elle est devenue un mode de vie. J'utilise le français surtout pour m'ouvrir au monde puisque le créole n'a pas encore fait son chemin, mais aussi parce que c'est une belle langue, polie, assez intelligente.

 

J'espère vivement que ma langue maternelle puisse un jour charmer le monde comme le fait la langue de Voltaire, surement cela nécessite des années de production assidue, raison pour laquelle je produis dans les deux langues avec presque la même passion. Et parfois je publie mes textes en français et en créole pour aider les gens à se familiariser avec les deux.

En Haïti la littérature est surtout francophone et on juge un bon écrivain à sa façon de manier la langue française. Par contre, si j'écris beaucoup plus en français je dois avouer que le créole me fait voir les choses avec plus de précision puisque selon moi il y a des choses de notre entourage immédiat ou de notre culture qui ne peuvent être décrites dans une autre langue sans perdre du coup leur force, leur couleur, leur cruauté. Quel mot français va remplacer l'interjection "Ayida Wedo" en gardant la même force ? Tout comme, je pense, il y a des mots français qu'on ne peut dire qu'en français pour ne pas trahir le sens initial.

Je dis souvent que si les langues se traduisent il a toutefois des mots qui sont jaloux, trop fiers de leur musicalité pour se laisser travestir. Raison pour laquelle je ne traduis pas mes pensées si un sujet me vient en créole il sera écrit en créole, s'il me vient en français il sera écrit en français sauf dans des cas spéciaux et pour des raisons pédagogiques je peux toujours écrire un texte, le même, dans les deux langues.

 

© Kenny Ozier-Lafontaine (Paul Poule) et Vincent Lefèbvre

 

Frédéric Célestin – La Réunion :

Je n’écris presque exclusivement qu’en créole réunionnais, bien que je m’oriente progressivement vers d’autres langues. Ecrire en créole est pour moi un acte militant et engagé : une toute petite goutte dans un océan de bonheur que je tente tant bien que mal d’apporter à la Réunion, en m’inscrivant dans l’Histoire littéraire de celle-ci.

Si je parle mieux français que créole, bien que je sois dans une logique bilingue, j’écris mieux en créole. Surtout, la littérature réunionnaise m’offre un espace accessible, place qui est beaucoup plus restreinte quant à la littérature française. Je vise donc un public local, sans plus d’ambition, même si je commence timidement à écrire en français, quelques vers ici et là. Dans une orientation militante je pense qu’il est essentiel pour nous réunionnais d’écrire en créole, même si, bien entendu je reste très ouvert à d’autres langues, notamment l’anglais et les langues cultuelles de notre île. Ecrire en créole est donc pour moi l’acte militant d’apporter sa pierre à l’édifice.

La poésie est un domaine à part de ma pratique langagière habituelle – d'une certaine façon,  elle m’a sauvé la vie.

 En effet, à la recherche d’une expression artistique à un moment donné de ma vie, je me suis tout d’abord lancé dans la musique (les percussions locales et afro-cubaines) que j’ai découvert avant l’écriture, même si écrire était, comme pour tout étudiant ès Lettres, pour moi un rêve, rêve que l’île a contribué à réaliser. Et j’ai trouvé dans l’écriture ce que je cherchais dans la musique. En effet, j’ai commencé à écrire en 2000. J’ai alors demandé à un de mes mentors si ce que j’écrivais était bien de la poésie. On m’a répondu que non. Alors j’ai arrêté d’écrire. Ce n’est que quelque dix ans plus tard qu’on m’a relancé dans l’écriture poétique. En effet, un peintre réunionnais, ami d’enfance, m’a proposé un travail poétique autour de sa peinture. J’écrivais en créole avec une amie qui elle écrivait en français.

Halima Grimal, Charly Lesquelin, Frédéric Célestin, Triptik an liberté, Editions K'A, 2016.

C’était en 2013 : mon premier recueil de poésie voyait alors le jour : « Triptik an liberté ». En 2009, j’avais commencé un roman autobiographique, mais sans grande conviction. Même si la poésie reste une activité littéraire pour moi, je suis aussi ouvert à d’autres horizons d’écriture : un roman, et un essai dont le but est d’argumenter autour du créole réunionnais en tant que véritable langue (chez l’éditeur actuellement). Donc oui, la poésie reste mon domaine de prédilection, surtout quand mes textes deviennent des chansons.

Le créole réunionnais et le français sont mes langues co-maternelles. Le créole est au cœur de mon expression poétique. Il m’apporte un espace d’expression unique dans ma vie. Le plaisir immense d’écrire en créole est pour moi salvateur.  Au début, mon acte d’écrire était purement cathartique : j’écrivais pour me soigner, pour panser les blessures d’une Histoire, réunionnaise, et d’une histoire personnelle douloureuses. Aujourd’hui, je ne m’inscris plus dans cette logique, l’acte d’écrire est pour moi toujours aussi salvateur, mais le plaisir et la passion y sont au centre. Si, au début de mon écriture poétique, je me suis découvert très engagé, notamment au niveau politique, des thèmes comme la musique, l’amour pour la Femme, la vénération de nos ancêtres, l’amour pour le Monde, l’amour pour mon pays ont pris place. 




Elbeaux Carlinx, Poèmes

Ti koze nan Pòtoprens

 

Se sou beton
pou w konnen bout reyalite.
Se nan mache chache
pou w konnen sa lari pote.
Kokoriko... koukouyoukou
depi kòk chante midi
konmè solèy ranje chita l
souf Pòtoprens fò, li cho, li kout
kou fanm gwòs ki kase lèzo.

Fòk ou ta moun isit pou ou konprann...
Vwa moto ak  vwa kamyon fè koral
pou kouvri briganday ti machann
nan tout bout kwen, sou tout twotwa
rèl lanbilans makònen
ak woywoy machin zotobre
pou panike yon pèp zonbi
yon mas san namm
k ap boukannen
anba fouk yon solèy sadik
solèy toutouni
solèy yanm kale.

Wounou-wounou siyameto,
goyin, rifla, ak megafòn.
Lamantasyon metal
bout fè, tòl, tèt kaderik,
vye chòdyè ki konn kwit lamizè
recho, pòtay
anba brimad kout mato.
Refren kòchon kamyon
k ap resite san repo
lorezon : Dèlma, Petyonvil, Ayopò
Jeral, Laplenn, Anba lavil.

Konplent bobota,
bobota san jèvrenn
san lasimòk
san kouray.
Bobota rechiya
k ap goumen ak lavi
jouk yo kriye san, kriye lafimen.

Siplikasyon pòv ki pa sispann
mande kichòy a sa k pa gen.
Kaskad ri chomè k ap chase strès
nan domino sou vye tab debwate
menm lè pa bò isit
se grangou ki toujou bay dekabès.

Anmwe vwazinaj
k ap mande sekou ponpye
pandan kay fin boule.
Briganday vagabon raj mode
lè gwo trip ap vale ti trip.
Blogodow aksidan...
Bri pataswèl granmoun k ap chivoke
timoun anmèdan tankou vye ranyon.

 

Pòtoprens tounen yon kanaval koulè
yon sòkòy, yon tchaka
kote tout zagribay, tout kouch melanje,
Tablo monte desann yon popilasyon
ki toujou prese men ki san destinasyon.

 

Se sou beton
pou w konnen bout reyalite.

 

Le tableau de ton corps.

 

Le jour se lève pour moi,
quand le rideau de tes paupières se tire
pour me laisser contempler
la lumière tendre de tes grands yeux.
Déesse, j'ai chevauché
sans répit mes rêves
au point d'arpenter l'univers;
ce n'est que dans la souplesse de ton corps
j'ai découvert Eldorado.
Mon coeur a palpité,
mon âme a frissonné
quand j'ai vu une fois,
la lune plonger sa nudité dans le miroir éclatant de ton sourire.
Mon sang comme un geyser
a bouillonné, grondé dans mes veines.
Mes cheveux ont tressailli,
quand j'ai trouvé
cette fontaine de vin et de miel
en fermentation dans ta bouche
aux margelles rouges et convoitantes:
huppes de fleurs
que la langue assoiffée de la nature
rêve d'embrasser et d'embraser.
Mon imagination joue au cache-cache
avec ton ombre,
elle parcourt le désert velouté de ton ventre jusqu'à ton jardin foisonnant,
jusqu'à ta forêt ébouriffée
jusqu'à l' écrin de ton être
cachant des fruits juteux et délectables .
Ange, ni or ni perles
ma sébile misérable attend de toi.
Donne-moi, juste la chance de savourer
les nombreuses délices
débordant de ta cruche.
L'éventail de sucreries que tu portes
dans la bourriche de ton opulente poitrine.
Chérie, laisse mon regard construire son nid
dans les branchages de tes cheveux.
Accorde-moi la chance de respirer
le parfum capiteux de lilas
émanant de ta voix.
Laisse-moi tapoter, caresser les tambours bombés et spongieux
surplombant ta charmante sculpture
pour faire tortiller, danser,
virevolter chacune de tes cellules
comme une fourmi éprise de nectar.
Le jour se lève pour moi quand le rideau de tes paupières se tire
pour laisser poindre tes deux auréoles de soleil colorant mon visage de toutes les belles couleurs d’Iris.
Quand la rosée de mes lèvres
peut s'étendre sans rupture
sur ton fruit défendu.
Le jour se lève c’est quand…

 

Tablo kò w

 

Bajou kase pou mwen
Se lè rido popyè w leve
Pou m wè zye w k ap briye.
Cheri mwen vwayaje sou do
rèv mwen
vizite tout peyi.
Men se nan kò w mwen dekouvri Eldorado.
Kè m palpite.
Nanm mwen vibre.
Lè m bare lalin
ki ap benyen yanm kale nan miwa souri w.
San mwen bouyi nan venn mwen
Cheve nan tèt mwen tresaye.
Lè mwen twouve sous myèl k ap fèmante nan bouch ou
dèyè touf flè
lang lanati vle karese.
Imajinasyon m fè lago ak lonbraj ou
li pakouri dezè vant ou jouk rive
nan gran chimen,
nan forè w
nan zantray ou
kote fwi lanmou ap donnen chak jou.
Cheri tanpri mwen pap mande w lajan.
Mwen pap mande w dyaman.
Men jis ban m chans
goute pwovizyon ou pote nan kannistè w.
Rapadou, konparèt, dous pistach
Ou chaje nan makouti pwatrin ou.
Cheri kite rega m fe nich
sou branch cheve w !
Akòde nen m chans respire pafen wozo
k ap boujonnen nan vwa w !
Kite men m tape, karese tanbou asotò w
pou chak selil nan kò w pran gouye
tankou foumi fou ki wè siwo !
Bajou kase pou mwen se lè rido popyè w leve
pou bay de kouwòn solèy ou
makiye vizaj mwen ak koulè lakansyèl.
Se lè lawouze lèv mwen
ka simen sou fwi defandi w.
Bajou kase se lè…

 

 

 

 

 

*  *  *

 

Nan pran jòf nan fetay kay
pwent tete w pike imajinasyon m
mo yo chanje koulè sou lang mwen
pou yo pran fòm lonbray ou.
Pa konn ki van ki ap mennen m.
Ki melodi ki ap trennen m.
Mwen pèdi nan labirent kò w
kote chak liy se yon mistè
soti nan kaskad chive w
jouk rive nan fant zòtèy ou.
Ayida wedo se fanm pouki te non w !
Se nègès pou ou ta ye !
Mwen paka pale de bote w
san mwen pa sèmante
san tonnè pa boule m
san loray pa kraze m.

*  *  *

A trop te lorgner
par la crevasse des murs
tes seins fermes, pointus
ont aiguillonné mon imagination,
et sur ma langue émue
les mots se metamorphosent
pour épouser la forme
de ton ombre.
Je ne sais quelle bourrasque m'entraine !
Quelle musique m'emballe !
Je me perds dans le dédale de ton corps
où chaque ligne,
chaque courbe est un mystère
des méandres sveltes de tes cheveux
aux interstices veloutés de tes orteils.
Pardieu ! Tu ne pouvais être que femme !
Tu ne pouvais être que négresse !
Je ne peux parler de ta vénusté
sans jurer par les dieux
sans être assommé par la foudre
sans que le diable ne m’emporte.

 

 

SI

 

Si le nègre est couleur d'ébène
c'est parce qu'il porte son histoire
sur sa peau blessée, raturée
et cicatrisée.

Si le nègre a le front hâlé
c'est parce qu'il a longtemps enduré
les morsures du soleil
dans les plaines
et les savanes arides
pour recouvrer  sa liberté.

Si le nègre a les bras noueux
c'est parce qu'il n'est pas fait
pour les chaines atroces
mais pour la lutte, la gloire
et la lumière.

Libye aurais-tu oublié...

Aurais-tu oublié
que ces canailles, ces hères,
aujourd'hui que tu enchaines
ont donné jadis leur sang et leur sueur
Pour vivre libre ?

Aurais-tu oublié
que ces chairs brûlées, ces ombres
aujourd'hui que tu ligotes
ont juré de ne plus avoir
ni de maitres
ni de dieux importés ?

 

Libye si tu as tout oublié...
Si ta mémoire est froissée
par la touche sadique du temps,
le nègre lui ne pouvait souffrir d'alzheimer
lui qui porte encore dans son âme
les entailles de l'esclavage.