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Les frères de la côte

 

Corsaires du rêve pirates de l’utopie
Qui avaient poursuivi une autre vie
Dans la nuit de la frime et du paraître
Pour atteindre une certaine joie d’être

J’en ai tant croisé noyant leur amertume
A l’estaminet du quai des brumes
Jouant aux dés leur reste d’espérance
Au rendez-vous de la dernière chance

Ô Mes bien-aimés frères de la côte
Porteurs de la magique lanterne qui clignote                                                
Gentilshommes de mauvaise fortune
Pavillon haut soleil au poing hissé à la hune

Je la connais votre saine et rouge colère 
Face au raz de marée de la misère
J’ai vécu moi aussi vos naufrages
Et manqué comme vous de courage

Flibustiers des sentiments qui brûlez vos vaisseaux
Contrebandiers de l’amour vrai au cœur gros
Pantelant sur un navire dématé et sans voiles
Je la perçois avec vous cette flamboyante étoile

Elle m’a guidé jusqu’à une île originelle et bleue
Je navigue désormais dans l’océan de ses yeux. 
 




J’en appelle

 

                                                      à Matthieu Baumier
 

S’il est toujours minuit en ce siècle
A la kermesse des étoiles
Le meilleur est encore à venir
Les épiciers du cœur tiennent boutique
Sous le bec des vautours
La chair quitte les os
Ce monde est un vaste charnier
Les hommes cherchent en vain leur ciel
Dans le  regard vitreux des autres

Pour que le coq puisse annoncer l’aurore
J’en appelle aux clowns et aux prophètes
Aux bateleurs, aux rêveurs, aux jongleurs
Et au cœur de soleil des forains
Il faut replanter l’arbre  de vie
Dans l’humus des cœurs
Avant que l’océan de la mort
Engloutisse la terre où, êtres sans destin,
Nous errons en quête de notre Orient  

On ne pourra  plus dormir tranquille
Tant que l’on n’aura pas les yeux ouverts
Restent le courage et la lucidité
Pour aimer en dernier recours
Notre  réalité est plus grande que les illusions
Nous savons  que nos  jours sont comptés
Nos colères rouges doivent refleurir
Bien que les coquelicots soient éphémères
Afin de partager le beau  pain des forts et des sages

Pour que la sève irrigue nos branches
J’en appelle aux buveurs de lune,
Aux alchimistes du verbe qui allument
Des soleils d’or au cœur de la nuit
Aux conquérants de la Toison d’or,
Aux guetteurs de l’invisible et de l’indicible
Aux chercheurs de Graal et aux fils du vent
Aux cracheurs de mots de feu
Et aux professeurs d’espérance 

S’il est encore minuit dans ce siècle 
A la kermesse des étoiles
Le meilleur est toujours à venir
J’en appelle à vous, Nobles Voyageurs
Qui traversez  l’espace et le temps
Moi, qui suis un arbre en marche
Dont les racines sont dans le ciel
Je  m’en remets à vous, Merlin et Mélusine
Et vous, mes semblables, que la poésie vous  garde…

 

[poème inédit]




L’athanor

 

Je suis l’athanor de moi-même
Mon cœur est en putréfaction
Sel, soufre et mercure
Coulent dans mes veines
Le plomb de mes contradictoires pulsions
Se transmutent en or pur

Œuvre au noir de mes peines

Je suis l’athanor de moi-même
Mon cœur est en fusion
Passions désirs et sentiments
Brulent dans mes veines
Je me porte à l’incandescence
De ma seule identité vraie

Œuvre au rouge de ma  raison

Ce qui est en bas est comme
Ce qui est en haut. Sexe, ventre
Cœur et cerveau sont désormais reliés
Seul l’Amour vrai rend libre et lucide
Mon amour de la vie brille dans tes yeux
Nous sommes enfin nous-mêmes vivants

L’Œuvre au blanc est achevé
Je renais au plus haut de moi-même

 

[poème extrait de L’écorce des cœurs, Le Nouvel Athanor, 2011]




N’essayez plus de me faire croire

 

Vos vies sont menacées par les trains de banlieue
Et vos histoires de gloire si dérisoire
A ne pas se regarder dans un miroir
N’essayez plus de me faire croire que vous appelez cela être heureux

Vous avez voulu me voler et me prendre
Mes seuls biens mes oiseaux mes pays
Jusqu’au bleu tendre de mes nuits
Sans avoir frères humains ce qui nous unit
Et même mes raisons de vous comprendre

Mais je marche encore par des allées éternelles
Vers les banlieues perdues de l’univers
Je saute à pieds joints vos barrières
Vos cœurs sont comme vos murs de pierre
N’importe je bois avec une paille le bleu du ciel

Je porte dans moi la force des saisons
Et la sève et les sucs de la terre
Le vent le vent me pousse vers la lumière
Morts, je fermerai vos diaphanes paupières
Sans que vous ayez pu me faire rendre raison

Vous ne pardonnez pas ma différence
Mais c’est à vous que vous reprochez
De ne pas oser me ressembler
Vos certitudes vos opinions vos préjugés
Ont su, ô pauvre vie, assassiner vos espérances

Et pourtant le marteau de mon sang
Bat et frappe encore dans vos veines
Enfants, nos élans du cœur étaient les mêmes
Mes rêves étaient vagabonds et vos envies bohémiennes
Pourquoi m’avoir laissé seul la conscience claire le cœur devant

Si vous saviez comme la Vie est belle et désirable
Vous ne tueriez pas Mozart en chacun de vos enfants
Nos pas vont l’amble de vos jours gris jusqu’au néant

Je vous en prie, écoutez-moi il en est encore temps
Ne laissez plus l’eau de votre vie désaltérer le sable
Debout, debout ! Debout et marchons à l’étoile…

 

[poème extrait de L’écorce des cœurs, Le Nouvel Athanor, 2011]