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Jean Lavoué, Carnets de l’enfance des arbres

L’enfance des arbres est un blog poétique dédié à l’aventure intérieure. Conçu il y a déjà plusieurs années par le poète, écrivain et éditeur breton Jean Lavoué, ce site fait de l’arbre le symbole à la fois de l’enracinement et de l’élévation.

« Il faut reboiser l’âme humaine », disait le chanteur Julos Beaucarne, cité par l’auteur. « Reboiser » : c’est la noble entreprise à laquelle Jean Lavoué s’est attelé. Il nous le rappelle dans un livre contenant les brefs poèmes qui ont accompagné la naissance de son blog, accompagné ici de linogravures et monotypes de Isabelle Simon,

« Déjà je parle aux arbres/et mes doigts me suffisent », écrivait René Guy Cadou dans Les bruits du cœur (1941). Jean Lavoué demeure dans le sillage du grand poète disparu auquel il a consacré un fervent livre-hommage en 2020 (René Guy Cadou, la fraternité au cœur). « Avec l’arbre, // ce que tu écris / Semble avoir trouvé son axe », note pour sa part Jean Lavoué. Et, plus loin, il écrit : « Parler à hauteur d’arbre / Sans forcer la voix / Dans la croix des saisons / Et le ciel grand ouvert ».

Le poète, en effet, ne force pas la voix. Il nous dit fréquenter les mots simples : « Soleil, silence, lumière, absence, présence ».

Jean Lavoué, Carnets de l’enfance des arbres, éditions
L’enfance des arbres, 202 pages, 15 euros.

Soleil ? « Ah ! si le chemin / N’était que tronc tendu / Vers le soleil »
Silence ? « Dès que tu fais silence / La forêt se redresse / Les mots s’ordonnent un à un / La clairière s’illumine, // Tu sens que tu es là ».
Lumière ? « Arbre, pesante lumière / Etrange gravité / Donnant des ailes / A ta voix ».

Jean Lavoué ne se paie pas de mots. Il veut sa poésie orientée vers plus vaste que nous. « J’ai découvert un jour / Qu’écrire était une forme de prière ». Et s’il nous parle  -fugitivement - de l’enfant qu’il a été (« Comment rester à hauteur de l’enfant / que tu as été »), c’est d’abord pour nous inviter à retrouver l’enfant qui est en nous, retrouver notre innocence et notre capacité d’émerveillement. « La foi ne n’apprend pas / Elle s’enracine », écrit Jean Lavoué. Oui, s’enracine comme un arbre.

Le poète évoque tout aussi fugitivement des poètes bretons qui lui tiennent à cœur. Georges Perros à qui il dédie un poème. Xavier Grall, cet homme qui « chantait la Bretagne / Ressuscitait ses pardons », sans parler des vents qu’il chérissait dans sa paroisse de Nizon. Avec, comme en écho, ces vers de Jean Lavoué qui nous ramènent invariablement à l’arbre. « C’est le vent bien sûr / Qui parle le mieux / La langue de l’arbre ».

 

Présentation de l’auteur




Jean Lavoué, Ce rien qui nous éclaire

Il a écrit des livres sur Grall, Perros et Lamennais… Il est l’auteur d’essais proposant une compréhension nouvelle du christianisme. Mais Jean Lavoué est aussi poète. Il a déjà fait paraître plusieurs petits recueils, notamment aux éditions La Porte. Voici qu’aujourd’hui il publie Ce rien qui nous éclaire dans une petit structure d’édition (« L’enfance des arbres »)  qu’il vient lui-même de créer.

On peut aborder la poésie de Jean Lavoué sans rien connaître des élans (spirituels) qui l’animent et découvrir avant tout, dans son livre, l’incantation d’un homme qui s’est mis « à l’écoute des troubadours » (comme le note très justement le moine poète Gilles Baudry dans la préface).  Bon nombre de poèmes, en effet, pourraient être mis en musique. Parce qu’ils ont du rythme, parce qu’ils sont cadencés, parce qu’ils célèbrent le monde.

Aux ailes d’un oiseau
Remontant les courants
J’ai ouvert ma maison
Il a fait passer sur mes jours
Un grand torrent d’eau vive

Jean LAVOUÉ, Ce rien qui nous éclaire, L’enfance des arbres, 153 pages, 13 euros

 Jean LAVOUÉ, Ce rien qui nous éclaire, L’enfance des arbres, 153 pages, 13 euros

Le poète nous laisse entrevoir un monde gagné par la beauté (cette beauté célébrée par François Cheng).

Retrouve en toi la splendeur des saisons
Accorde toi de marcher
A l’amble de ton chant secret

Mais on peut aussi aborder la poésie de Jean Lavoué en y décelant les traces de l’héritage spirituel qui est le sien et qui trouve dans source dans la pensée de l’écrivain et prêtre breton Jean Sulivan. Ces « marqueurs » se nomment l’exode, les marges, l’intériorité. Et le poète déploie son chant à l’aune de ces balises qui lui sont familières.

L’exode. 

Si tu veux écrire
Pars
Quitte tes habitudes
Tes ferveurs routinières
Prends ton bâton de pèlerin
Trouve ta solitude
Adresse-toi au vent
A la pluie
Aux grands espaces
Au soleil.

Les marges. « Poème après poème/Je plante une forêt/Dans les trouées du monde/J’y convoque en secret/Les oiseaux de ma race/J’y butine des aubes ».

L’intériorité. « Si le silence t’échappe/Echappe-toi avec lui !/Suis le premier oiseau/Ecoute bien son chant/Comme il résonne en toi d’un amour infini »

Plus foncièrement encore, il a chez l’auteur cette remise en cause d’une transcendance surplombant l’homme, et l’aliénant, comme il l’avait déjà exprimé dans son Evangile en liberté (Le Passeur, 2013) et  La Voie libre de l’intériorité  (Salvator, 2012). On peut donc lire, sous sa plume, ces vers que ne renierait pas  Christian Bobin. 

Aucun accord
Ne se fera d’en haut
Aucune puissance ne descendra des cieux
C’est du très-bas que naissent les prairies
que s’allument au printemps des bouquets de jonquilles

D’où, en définitive, « ce rien qui nous éclaire ». Et que l’auteur décline au fil des pages.

 La poésie de Jean Lavoué est une poésie d’exhortation. Presque didactique.  L’impératif  domine dans de nombreux poèmes (« Accueille en toi l’étincelle », « Ouvre grand » « Invente un jour neuf »). Elle s’incarne aussi dans un pays. Le poète signe ici son attachement à la Bretagne dans un chant qui rappelle celui de Xavier Grall.

De grèves et de rivières
Bretagne familière
Tu ressembles au pays dont j’ai souvent rêvé